(Tampa) Si on a droit à une affiche Lightning-Canadien en finale de la Coupe Stanley, c’est en partie le résultat de ce qui s’est passé à Victoriaville il y a une dizaine d’années.

C’est Simon Olivier, qui a été entraîneur adjoint chez les Tigres de 2009 à 2013, qui nous l’a fait remarquer.

« En séries, tout le monde décrit Phillip [Danault] comme le centre du trio défensif du Canadien. Mais sur le but gagnant en prolongation, c’est lui qui a la passe. Il a toujours cru en son attaque, mais il continue à la développer », observe Simon Olivier, dont le fils, Mathieu, joue pour les Predators de Nashville.

« Yanni [Gourde] était très offensif, il a fini meilleur marqueur de la LHJMQ à sa dernière année. Mais le côté défensif, il le développe. Dans le septième match contre les Islanders, il a marqué en désavantage numérique. Lui, il a développé ça. »

Danault et Gourde ont fait équipe pendant trois ans à Victoriaville, de 2009 à 2012. Les deux anciens coéquipiers se retrouveront sur la plus grande scène qui soit, à compter de lundi.

Neuf ans plus tard, les voilà donc au même point, mais ils ont pris des chemins bien différents pour s’y rendre.

Premier partout

Le potentiel de Danault n’a jamais fait de doute. Les Tigres y ont cru au point de le réclamer au 9rang au repêchage de la LHJMQ, en 2009.

« Même à 16 ans, il jouait sur 200 pieds. Donc, il s’est retrouvé assez vite avec les meilleurs joueurs de l’équipe », se souvient Yanick Jean, actuel entraîneur-chef et DG des Saguenéens de Chicoutimi, qui était alors derrière le banc à Victoriaville.

Phil était un joueur consciencieux qui pouvait jouer contre les meilleurs joueurs, peu importe son âge. Il jouait en désavantage numérique en partant.

Yanick Jean, qui était derrière le banc des Tigres de Victoriaville en 2009

Jean se souvient d’avoir noté un changement majeur à l’été 2010, soit l’été qui a précédé le repêchage de Danault dans la LNH. « Il est arrivé plus fort, plus vite, plus robuste. Là, les équipes de la LNH et Équipe Canada junior se sont intéressées à lui », souligne-t-il.

À l’été 2011, Danault a été repêché une nouvelle fois au 1er tour, cette fois par les Blackhawks de Chicago. Mais cette récompense, il l’a obtenue à force de travailler. Simon Olivier a des souvenirs bien précis, puisqu’il s’occupait du développement des habiletés individuelles des Tigres.

« Je travaillais beaucoup avec lui sur la protection de rondelle, les 1 contre 1 en espace restreint, raconte Olivier. À 18 ans, il était plus confiant et il me demandait de lui donner des doubles-échecs dans le dos, pour le déstabiliser. Il était devenu beaucoup plus fort. Mais ce n’est pas arrivé souvent qu’un gars me dise : “Cross-check-moi plus fort, essaie de me faire tomber !” »

Après deux années complètes dans la Ligue américaine, Danault a fini par s’établir à temps plein dans la LNH en 2015-2016, à 22 ans, un processus accéléré par l’échange qui l’a envoyé à Montréal.

Route plus longue

Pour Gourde, ç’a été plus long. Mais le joueur hyper intense, avec l’air un peu baveux que vous voyez dans l’uniforme du Lightning ? Il a toujours été comme ça.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Yanni Gourde



« Il jouait avec du f**k you, illustre Yanick Jean. Je ne veux pas dire qu’il était arrogant, mais il ne reculait pas. Par contre, il n’était pas encore très robuste. Il l’est devenu au niveau professionnel, et ça m’impressionne de le voir aller. Il a gardé son attaque, mais il a ajouté le jeu physique. Il met toujours une pression sur la rondelle. »

Gourde avait un potentiel offensif certain, d’où sa récolte de 124 points avec les Tigres à sa dernière année dans le junior, en 2011-2012.

Mais sa petite taille (5 pi 9 po) faisait hésiter les recruteurs, si bien qu’après avoir été ignoré au repêchage de la LHJMQ, il l’a aussi été au repêchage de la LNH. Ça a donc nécessité de la persévérance, et ça tombe bien, il avait la bonne attitude pour ça.

« Il arrivait à l’aréna avec le grand sourire et fonçait tête première, décrit Yanick Jean. Il ne se posait pas de questions. Il n’est jamais venu me voir en me demandant : “Pourquoi je ne suis pas repêché, pourquoi je ne suis pas invité dans un camp ?” Au lieu de se demander pourquoi, il se disait : “Comment je vais faire pour y arriver ?” Souvent, des jeunes font du surplace à force de se poser des questions. »

Simon Olivier a passé les dernières années comme entraîneur avec l’Everest de la Côte-du-Sud, dans la région de Québec. Et le cas de Gourde, il l’utilisait souvent en exemple pour encourager ses jeunes à persévérer.

« Je déteste entendre des parents dire à leur enfant : “Tu ne te rendras jamais dans la LNH.” Attends. Ne brisons pas le rêve des joueurs. C’est vrai que des joueurs qui s’y rendent, il n’y en a pas à tous les coins de rue. Mais il y en a qui s’y rendent. Yanni Gourde a joué pour l’Express Rive-Sud, Mathieu Olivier et Alex Barré-Boulet aussi. Yanni n’a jamais été repêché, et regarde aujourd’hui, c’est une superstar qui gagne très bien sa vie ! »