Le Québec est partout dans cette finale de la Coupe Stanley.

Il l’était déjà pas mal au tour précédent, conclu par un invraisemblable triomphe le soir de la fête nationale. Mais la perspective réelle de rapatrier le trophée dans la métropole pour la première fois en trois décennies insuffle une frénésie additionnelle.

Ajoutez à cela le fait que le Lightning de Tampa Bay est la plus québécoise des équipes américaines, avec pas moins de cinq représentants de la province au sein de la direction et du personnel d’entraîneurs, en plus de Yanni Gourde, David Savard et Mathieu Joseph sur la glace – on pourrait même ajouter Alex Killorn, né en Nouvelle-Écosse, mais qui a grandi à Montréal – et on obtient un affrontement susceptible d’emballer les Québécois comme rarement au cours des dernières années.

Le directeur général du Lightning, Julien BriseBois, en est pleinement conscient. « On sait que huit millions d’adversaires nous attendent », a-t-il lancé, souriant, lors d’un point de presse. Il affirmait, ce faisant, s’exprimer au nom de ses nombreux compatriotes dans l’organisation.

« Il n’y a pas beaucoup d’équipes sportives sur lesquelles on écrit des chansons qui deviennent des hits », a-t-il ajouté pour illustrer l’attention qui est consacrée au CH.

Il le sait comme Québécois, bien sûr. Mais également pour avoir connu la bête de l’intérieur.

BriseBois avait la mi-vingtaine lorsqu’il a été embauché par le Tricolore, en 2001, comme directeur des affaires légales. Il a rapidement été promu au titre de directeur des opérations hockey, puis de vice-président du même département. On lui a en outre confié le rôle de directeur général des Bulldogs de Hamilton, club-école du Canadien à l’époque. Il a quitté l’organisation en 2010 pour devenir adjoint au directeur général chez le Lightning, mais il avait postulé pour devenir DG du Canadien en 2012. On lui avait alors préféré Marc Bergevin.

Celui qui est aujourd’hui DG et vice-président des opérations hockey à Tampa n’hésite pas à dire à quel point il se considère comme « chanceux » des apprentissages qu’il a gardés de son passage à Montréal.

Il retient notamment la présence inspirante de nombreux anciens joueurs dans l’entourage de l’équipe, citant en exemple les noms de Bob Gainey, Guy Carbonneau, Rick Green, Réjean Houle… Mais ses yeux se sont surtout illuminés lorsqu’il a parlé de son voisin de bureau au Centre Bell : Jean Béliveau.

« Il n’était pas là tous les jours, mais chaque fois qu’il passait, il venait me parler, a raconté BriseBois. Tout le monde a été tellement généreux avec moi, me partageait son expérience. Je posais beaucoup, beaucoup de questions. J’ai énormément appris. »

Ces apprentissages au sein d’une organisation aussi prestigieuse que le CH, estime-t-il, combinés à ceux auprès de Steve Yzerman, qui l’a embauché chez le Lightning après avoir passé toute sa carrière chez les Red Wings de Detroit, ont contribué à « construire l’équipe qu’on a ici », à Tampa.

« Ramener la Coupe »

Cette équipe, c’est celle qui a remporté la Coupe Stanley en 2020 et qui tentera, à compter de lundi, de défendre son titre en finale contre le Canadien.

PHOTO JASON FRANSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le Lightning lors de sa victoire en finale de la Coupe Stanley, en 2020

Bergevin sait lui aussi à quel point la suite des choses est cruciale pour son organisation, mais aussi pour la province. C’est ce qu’il a en tête lorsqu’il dit à quel point il est « fier d’avoir la chance de ramener la Coupe Stanley ici, à Montréal ».

Dans une entrevue à TVA Sports, au lendemain de l’ultime victoire contre les Golden Knights de Vegas, il a rappelé qu’on « pouvait sortir le gars de Pointe-Saint-Charles, mais pas Pointe-Saint-Charles du gars », en référence au quartier qui l’a vu naître.

Le DG n’a pas besoin qu’on lui fasse un dessin : son équipe a le statut de négligé contre une machine de hockey parfaitement huilée et, surtout, sans faille apparente.

Néanmoins, nuance-t-il, « on n’est pas ici par accident ».

Si le Canadien s’est rendu jusque-là, c’est en raison de son « caractère », a estimé le DG.

C’est certain que t’as besoin de talent et d’habiletés pour te rendre là ; mais juste avec le talent, tu ne gagneras pas la Coupe Stanley.

Marc Bergevin

Ce caractère vient notamment de son « groupe de leaders », mais également de la résilience dont son club a dû faire preuve pour se rendre jusque-là. La saison a présenté son lot de hauts et de bas (surtout de bas, pourrait-on dire), avec un changement d’entraîneur-chef qui a tardé à produire des effets, une éclosion de COVID-19 qui a provoqué une pause imprévue d’une semaine en mars, un calendrier compressé au possible en fin de parcours, des blessés… Sans parler de l’entrée en séries éliminatoires difficile, qui s’est soldée par un retard de 1-3 au premier tour contre les Maple Leafs de Toronto.

On connaît la suite.

Par ailleurs, a fait remarquer Bergevin, le chemin du Lightning vers la Coupe Stanley n’a pas été une promenade au parc non plus. Une douloureuse défaite en finale en 2015 de même qu’une élimination éclair (excusez-nous) en 2019 ont entraîné des remises en question et des ajustements. « Ils ont passé à travers, je leur lève mon chapeau », a dit Bergevin.

« Ça nous a rendus meilleurs », croit pour sa part BriseBois. Il aurait tout de même « préféré gagner la Coupe en 2015 », rappelle-t-il en riant.