(Tampa) « Si tu veux être le meilleur, tu dois battre le meilleur. » La phrase aurait pu être prononcée par Ric Flair, ce lutteur blond platine qui la répétait à chaque entrevue. Mais c’est plutôt Artturi Lehkonen qui l’a dite, en visioconférence samedi.

C’était la réponse de l’attaquant lorsqu’il a été interrogé sur le défi que représente le Lightning de Tampa Bay en finale de la Coupe Stanley.

« Ils ont le meilleur joueur de la ligue en ce moment et ses compagnons de trio ne sont pas si mal, a ajouté Brendan Gallagher, sans préciser s’il parlait de Brayden Point ou de Nikita Kucherov. Mais la façon de jouer ne change pas : être dans leur face, les frustrer, les faire travailler pour ce qu’ils obtiennent et ne pas tricher. »

C’est en effet un défi de taille pour le Tricolore, qui en a vu d’autres. Ce fut d’abord Toronto, l’équipe de tête de la division Nord, puis les Jets et leur puissante attaque. Vint ensuite Vegas, qui a fini à égalité au premier rang de la LNH avec 82 points en saison.

Et voici que le CH a devant lui les champions en titre de la Coupe Stanley, une équipe qui dispute donc une deuxième finale de suite, une troisième en sept ans. « Ça commence par leur gardien, qui est de calibre mondial. Ensuite, Victor Hedman est un des meilleurs défenseurs de la ligue, a analysé Corey Perry. Ça continue avec Nikita Kucherov et Steven Stamkos. Et ils ont ajouté de la hargne. »

Ce sera un bon défi pour nous. Ils sont là pour une raison, mais nous aussi.

Corey Perry

Cette série ne se finira pas « en trois », comme le disent les plus cyniques, et le Canadien a bel et bien des chances de causer la surprise. Voici pourquoi.

Parce que le Canadien confond les sceptiques

Vous voulez avoir une idée de l’ampleur du défi du Canadien ? Alors voici : si les Montréalais l’emportent, ils réaliseront une première dans la LNH depuis les Maple Leafs de Toronto… de 1949. Quel genre de première ? Jamais, depuis les Leafs d’il y a 72 ans, l’équipe ayant présenté la pire fiche en saison parmi celles qualifiées pour les séries n’a gagné la Coupe Stanley.

Le Canadien, rappelons-le, a fini la saison avec une fiche de 24-21-11, bonne pour le 18rang dans la LNH. Depuis la fusion de la LNH avec l’AMH en 1979, les Predators de Nashville, en 2017, ont réussi la meilleure performance en séries pour la pire équipe qualifiée, en atteignant la finale. Ils s’y étaient toutefois inclinés devant les Penguins de Pittsburgh.

Mais malgré ce poids de l’histoire qui joue contre lui, le CH a néanmoins battu les trois équipes susmentionnées (Toronto, Winnipeg et Vegas).

Parce que c’est une équipe différente

Ces dernières années, le Tricolore en a arraché contre le Lightning. Depuis la réinitialisation de l’été 2018, c’est une fiche de 1-7-0, avec 16 buts marqués et 29 buts accordés.

Mais c’est une équipe bien différente que les Floridiens découvriront. Prenons le dernier match Canadien-Lightning, joué le 5 mars 2020, soit une semaine avant la fin du monde tel qu’on le connaissait. Dans ce match, deux attaquants du Canadien avaient joué plus de 20 minutes : Phillip Danault et un joueur dont les initiales sont J.W., qui n’est pas Jason Ward (réponse à la fin du texte).

En plus de notre joueur mystère, Max Domi, Dale Weise, Karl Alzner, Christian Folin, Lukas Vejdemo, Charles Hudon et Xavier Ouellet étaient en uniforme pour le CH. Tous des patineurs que vous ne verrez pas pendant la finale. De plus, Paul Byron avait été employé pendant 19 minutes, lui qui joue un peu moins de 15 minutes par match depuis le début des séries.

Parce qu’il est en santé

Une des raisons pour lesquelles le Canadien d’alors était si méconnaissable, c’est qu’il y avait de nombreux blessés, notamment Gallagher et Tomas Tatar. Voilà que la profondeur de l’équipe est telle que Dominique Ducharme peut se permettre de laisser Tatar dans les gradins.

Jonathan Drouin est le seul joueur assuré de manquer à l’appel chez le Canadien. Jake Evans a reçu le feu vert pour encaisser des contacts, signe d’un retour qui approche. Jeff Petry, lui, n’était visiblement pas à 100 % en raison de sa blessure à une main ; il n’a obtenu que quatre tirs au but en cinq matchs. Les trois jours de repos avant le début de la finale lui seront profitables.

Chez le Lightning, il n’y a officiellement pas de blessés, mais on peut s’interroger sur Kucherov. Il a certes joué vendredi, mais après le match, Jon Cooper a admis que lui-même doutait de la présence de son ailier russe. Un Kucherov diminué serait un facteur à surveiller dans cette série.

Parce que Carey Price est en transe

L’avantage numérique du Lightning fait peur. C’est une unité qui a marqué 20 buts en 53 occasions, pour un taux de réussite de 37,7 %.

Mais de l’autre côté, le CH travaille si bien en désavantage numérique que, depuis le début des séries, il montre un différentiel positif dans cette situation : trois buts accordés, quatre buts marqués ! Avec 93,5 % d’efficacité, il s’agit, pour le moment, du meilleur désavantage numérique de l’histoire de la LNH en séries (15 matchs minimum).

On sait tous ce que les autres vont faire. On est synchronisés et notre gardien est notre meilleur joueur en désavantage.

Artturi Lehkonen

Ce qui nous mène au point final : Carey Price. On a beau dire que le Canadien est construit de façon à ne plus être aussi dépendant de lui qu’avant, il reste que Price joue de satanées séries. Sa moyenne est de 2,02, son efficacité, de ,934.

Sauf qu’à l’autre bout, Andrei Vasilevskiy montre des statistiques similaires : moyenne de 1,99 et efficacité de ,936. Contrairement à ce qui est arrivé contre Toronto et Vegas, il serait étonnant que le Canadien reçoive beaucoup de cadeaux de la part du gardien adverse.

C’est peut-être là que réside le principal défi de Montréal.

(Réponse : Jordan Weal)