La direction des Canadiens rêvait déjà à Cole Caufield avant le repêchage de 2019.

Mais l’agent du garçon, Pat Brisson, avait tôt fait de ramener Marc Bergevin sur terre. Le CH repêchait au 15e rang en vertu de sa surprenante saison, la première de sa phase de réinitialisation, et Brisson était confiant pour son poulain : « Emmène-le pas à souper, il ne sera plus disponible au 9e rang… », avait lancé Brisson au DG des Canadiens.

Quand on marque 72 buts et amasse 101 points en 64 matchs au sein du programme de développement américain, qu’on amasse 18 points, dont 14 buts, en seulement sept matchs au Championnat mondial des moins de 18 ans, on n’est généralement plus disponible après le neuvième rang. Ni après les trois premiers d’ailleurs.

Mais Caufield mesure aussi 5 pieds 7 pouces et même si la culture du hockey change tranquillement, on hésite encore à prendre un risque avec les petits joueurs. On disait aussi du jeune homme qu’il bénéficiait sans doute du talent du joueur de centre Jack Hughes.

Sans surprise, Hughes a constitué le premier choix, par les Devils du New Jersey, suivi par Kaapo Kakko à New York, Kirby Dach à Chicago, Bowen Byram à Denver, Alex Turcotte à Los Angeles.

La direction de l’équipe se met à rêver lorsque les Coyotes de l’Arizona repêchent le défenseur Victor Soderstrom au onzième rang.

— On a encore besoin d’aide, [Dale] Tallon doit choisir le gardien, lance le directeur du recrutement des Canadiens, Trevor Timmins, à Marc Bergevin à la table de l’équipe.

Le CH a des offres pour reculer de quelques rangs moyennant un choix supplémentaire, mais il n’est pas question de les accepter avant de voir si le garçon du Wisconsin est toujours disponible.

Quand les Panthers de la Floride du directeur général désormais déchu Dale Tallon optent pour Spencer Knight, Bergevin se frotte les mains de satisfaction.

— Maintenant, ça devient intéressant !

— On a besoin de compteurs, et nous avons désormais de bons jeunes centres, lance Timmins, en voyant Caufield et les centres Alex Newhook et Peyton Krebs encore disponibles avec encore un seul club à choisir devant eux, les Flyers de Philadelphie.

Ceux-ci repêchent un coéquipier de Caufield au sein du programme de développement américain (USNTD), le défenseur offensif Cam York. Il s’agit du sixième choix déjà en provenance du USNTD après Hughes, Turcotte, Trevor Zegras, Matthew Boldy et Knight.

Caufield n’a toujours pas été choisi même s’il a marqué 38 buts de plus que le deuxième buteur de son club, Jack Hughes.

— Tu veux faire quoi ? Moi, je dis Caufield, lance Timmins à son bras droit de l’époque, Shane Churla.

Timmins ne voulait pas revivre le cauchemar de 2006. Cette année-là, il s’était retrouvé au cœur d’un débat houleux entre André Savard et Vaughn Karpan et l’équipe avait finalement tranché pour le défenseur David Fischer au détriment du petit attaquant Claude Giroux, la décision que Timmins regrette le plus en 18 ans de carrière avec le CH.

Shea Weber fera l’annonce du choix des Canadiens au micro. Le hasard a voulu que moins de deux ans plus tard, Weber et Caufield marquent dans le même sixième match contre Vegas, jeudi soir, pour propulser les Canadiens en finale de la Coupe Stanley pour la première fois depuis 1993.

Les sourires fusent à la table des Canadiens après le choix de Caufield. L’entraîneur Claude Julien s’approche de Timmins.

— T’inquiète, lui lance Timmins, on va te trouver du bœuf [dans les prochaines rondes], lui lance-t-il en riant.

— Si tu m’amènes un compteur, je n’ai aucun problème avec ça, répond Claude Julien en riant.

Le coach du CH à l’époque n’aura jamais la chance de diriger le jeune homme. Il a été congédié deux mois avant l’arrivée de Caufield.

Malgré tout son talent, les doutes ont subsisté jusqu’à récemment dans son cas. Sa performance en demi-teinte lors de sa première participation au Championnat mondial junior a fait douter.

On a aussi senti une certaine panique chez les partisans du CH lorsque Caufield a été blanchi en deux matchs contre Arizona State présentés sur les ondes de RDS en novembre.

Sa performance à son deuxième Championnat mondial junior aux Fêtes a également laissé des fans sur leur appétit malgré 5 points en 7 matchs et le fait que Nick Suzuki avait pourtant démontré que les performances à ce Championnat ne font pas foi de tout.

Cole Caufield a conclu sa deuxième saison à Wisconsin, dans la NCAA, avec 30 buts en 31 matchs, et le trophée Hobey-Baker remis au joueur par excellence, mais plusieurs doutaient encore.

Ses premiers matchs avec le Rocket de Laval, où il a obtenu trois buts en deux matchs, semblent avoir ouvert les yeux de tous. De presque tous.

Mais même après quatre buts en dix matchs en fin de saison régulière avec les Canadiens, on l’a retiré de la formation pour les débuts des séries éliminatoires. Ducharme a expliqué que les buts se marquaient plus difficilement en séries pour justifier sa décision.

On lui a finalement fait confiance lors du troisième match de la série contre les Maple Leafs, un match après avoir finalement lancé un autre jeune, Jesperi Kotkaniemi, dans la formation.

Caufield a changé le destin des Canadiens ce printemps en interceptant une passe d’Alex Galchenyuk en prolongation lors du cinquième match, avec le CH en déficit 3-1, pour provoquer le but gagnant de Nick Suzuki. Kotkaniemi a marqué lors de la rencontre suivante en prolongation.

Caufield prend de plus en plus ses aises et sa petite taille ne constitue nullement un handicap dans ces séries. Il a obtenu un point dans huit de ses neuf derniers matchs. Il a marqué quatre buts en six matchs dans la série contre Vegas.

Trevor Timmins a été échaudé ces dernières années. Il n’a pas été parfait. Mais son choix tant décrié en 2005, Carey Price, vient de mener le CH en finale de la Coupe Stanley. Son choix de fin de deuxième ronde en 2013, Artturi Lehkonen, a marqué le but gagnant en prolongation jeudi. Jesperi Kotkaniemi joue un rôle désormais essentiel. P. K. Subban et Max Pacioretty ont valu à l’équipe Shea Weber et Nick Suzuki. Brendan Gallagher demeure un leader incontournable malgré une blessure qui semble le ralentir. Sans compter Caufield.

Imaginez seulement si on avait gardé les défenseurs Ryan McDonagh et Mikhail Sergachev, qui tenteront vendredi soir de mériter une place en finale avec le Lightning.

On comprend désormais un peu mieux pourquoi Timmins a survécu à trois règnes, ceux de Bob Gainey, Pierre Gauthier et Marc Bergevin, après avoir été embauché par André Savard en 2002.

Chanceux, les Canadiens, d’avoir pu obtenir Cole Caufield au quinzième rang en 2019 ? Dit-on la même chose des recruteurs du Lightning, qui ont pu repêcher Nikita Kucherov en fin de deuxième ronde et Brayden Point en troisième ronde, ou vante-t-on leur flair ?

À LIRE

1. Incroyable mais vrai, les Canadiens se retrouvent en finale de la Coupe Stanley. L’analyse de Richard Labbé et Simon-Olivier Lorange.

2. Blanchi en six matchs contre les Canadiens, le capitaine des Golden Knights, Mark Stone, fait son mea culpa.

3. Pour les 25 ans et moins, ça sera une première finale de la Coupe Stanley, écrit Alexandre Pratt, en parlant de fierté retrouvée.