Bleu-blanc-rouge à perte de vue, logo du CH omniprésent, discussions animées suivies de cris déjà victorieux : des milliers de partisans se sont réunis, jeudi soir, devant le Centre Bell pour un match historique. Le Canadien l’a emporté en prolongation, l’amenant en finale de la Coupe Stanley pour la première fois depuis 1993, provoquant l’euphorie des partisans partout au centre-ville.

L’odeur âpre des pétards encombre la rue éclairée au néon quand le but de la victoire fait sauter les partisans de toutes parts.

« On est en finale. ON L’A FAIT », hurle un jeune homme au terme du plusieurs jurons.

« Je n’étais même pas né la dernière fois que les Canadiens sont allés en finale. J’en reviens juste pas », renchérit son ami.

Dès la fin du match, remporté par le Canadien en prolongation, la police a dispersé la foule en lançant des gaz irritants pour faire reculer les partisans vers la rue Sainte-Catherine. Des centaines de supporteurs se sont entassés au coin de la rue Stanley, où la présence policière était soutenue.

Beaucoup toussaient et certains – une minorité – ont lancé des bouteilles sur l’escouade antiémeute.

Lorie Lanctôt et Méli-Ann Beaulieu frottaient leurs yeux bouffis en courant dans la direction opposée. « Ça nous a vraiment prises par surprise, on a couru tellement vite. On a quand même passé la meilleure soirée de notre vie », explique la première.

Sur Twitter, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a rapidement indiqué que des projectiles avaient été lancés en direction des policiers et que des méfaits avaient été commis. « Veuillez éviter le secteur. Des interventions ciblées sont en cours », a-t-on indiqué.

« Ces comportements ont été commis par une minorité de gens. La grande majorité des gens se sont comportés de façon exemplaire », a expliqué Manuel Couture, porte-parole du corps policier.

Plus tôt, vers 20 h 45, les agents du SPVM avaient aussi limité l’accès au périmètre alors qu’une traînée d’imposants feux d’artifice envahissait le ciel. « Il commence à y avoir des pétards. Il y a trop de monde, c’est pour la sécurité des gens », a expliqué un policier à La Presse.

Pendant ce temps, les klaxons des voitures se faisaient entendre un peu partout dans les rues. Celles-ci étaient aussi envahies par des fans en liesse, scandant « Go Habs Go » aux quatre coins du centre-ville.

À l’angle de l’avenue des Canadiens-de-Montréal et de la rue de la Montagne, une voiture de patrouille a été renversée. Non loin de là, des centaines de partisans faisaient la fête en toute fin de soirée, sous le regard attentif de nombreux policiers.

Moment parfait

Ce match décisif de la demi-finale coïncidait avec la fête nationale et une nuit de pleine lune. Et les fans étaient nombreux à y voir un signe. « Je ne pense pas qu’il y a d’autres options que de gagner ce soir », a dit John Paquette, venu avec son jeune fils, qui assistait à un match pour la première fois.

Le premier but du Canadien en première période a provoqué l’euphorie générale. « C’est le plus beau jour de ma vie », a lancé une femme en embrassant goulûment son conjoint alors qu’un pétard manquait de frôler son pied.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Non loin, un groupe de jeunes se mettait au défi de grimper sur des lampadaires. D’autres se sont fait ordonner par les nombreux policiers de vider leurs bouteilles d’alcool. Plus tard dans la soirée, un partisan est monté sur le toit d’une ambulance, sous les encouragements d’autres fans en liesse.

Georges Efthimou et ses trois enfants s’époumonaient entre deux prédictions sur le score à venir. « C’est la Saint-Jean, les Canadiens s’en vont en finale… C’est la soirée parfaite ! » Il doute que les célébrations dégénèrent. « Il y a de l’ambiance, car c’est gros. C’est vrai que je n’ai jamais vu autant de monde ici, mais les gens sont heureux. »

Mais entre les pétards bruyants et les hurlements, des familles se tenaient la main pour ne pas se perdre dans le labyrinthe formé par quelques partisans déjà éméchés. Au loin, l’écho des sirènes de police.

« Go Habs Go », « Cole Caufield », « Olé Olé Olé Olé », scandait une foule monstre, en transe, au milieu des chansons, des klaxons et des gens riant en s’étreignant comme si leur équipe avait déjà gagné.

Forte présence policière

Parmi les drapeaux du Canadien qui flottent au vent, les agents du SPVM veillaient au grain. Avant le début du match, la police de Montréal avait réitéré, jeudi, que des effectifs supplémentaires et conséquents seraient présents, particulièrement au centre-ville, où l’on prévoyait d’importants mouvements de foule.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

« C’est souvent lors d’un match décisif comme celui de ce soir où c’est plus difficile. Si le Canadien passe en finale, et que l’euphorie est à son comble, il y a souvent des gens qui ont plus de mal à exprimer leur joie. On s’attend donc à certains débordements ou du moins à des méfaits », a soutenu M. Couture, du SPVM. Il affirme que la « clé », pour les patrouilleurs, sera de s’adapter « au résultat du match, mais aussi à la foule ».

« La foule peut être passive ou dans la confrontation, mais encore là, ça ne peut être que 1 % des gens. Il faut s’adapter à ça et trouver un juste milieu dans nos interventions », renchérit l’agent. D’ailleurs, la police montréalaise n’a pas caché que ses effectifs seraient « conséquents » dans l’île de Montréal jeudi soir, mais surtout au centre-ville et aux abords du Centre Bell. « On pense que c’est là qu’il y aura le plus de monde, vu qu’il n’y a pas de spectacles de la Saint-Jean en personne ce soir. Cela dit, on aura aussi des patrouilles dans les parcs et un peu partout », a indiqué M. Couture.

Aux personnes qui ne voudraient pas se retrouver malgré elles au cœur d’une intervention policière, le relationniste n’a qu’un conseil : « À partir du moment où vous voyez du grabuge ou des gens qui recherchent la confrontation, éloignez-vous. Ne restez pas proche, afin de ne pas y être associé, mais aussi pour laisser l’espace aux policiers d’intervenir sur des groupes de façon ciblée », dit-il, en avouant toutefois qu’avec une foule dense, il n’est « pas toujours facile » de le faire.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, quant à elle, a invité les Montréalais à « célébrer avec passion, mais dans le respect ». Depuis le début des séries éliminatoires, certains méfaits ont déjà été constatés, en particulier le 7 juin, lors d’un match du Canadien contre les Jets de Winnipeg, à Montréal. Des feux d’artifice avaient alors été dirigés vers des policiers, et une voiture de patrouille avait été endommagée.

« Pour ce qui est des mesures sanitaires, on se doute très bien qu’elles ne seront pas respectées en tout temps ce soir. Il ne faut pas penser que nos policiers vont être capables de tout régler, mais on va être très présents », a conclu M. Couture.

Rue Sainte-Catherine, certains commerces s’étaient placardés en vue d’éventuels débordements après le match. D’autres, comme l’Apple Store, avaient choisi de vider leurs étalages sans pour autant camoufler leur intérieur. Plus tôt cette semaine, des messages avaient d’ailleurs été envoyés aux commerces afin de les aider à se préparer à la soirée de jeudi. Le SPVM, de son côté, dit avoir fourni une adresse courriel et un contact direct pour les commerçants qui souhaiteraient rapporter des incidents.