(Montréal) Bien sûr qu’il fallait que quelqu’un parle de hockey et de fête nationale avec une pointe de pizza dans les mains tard, jeudi soir. Et ce quelqu’un, c’était Phillip Danault.

« Bonne Saint-Jean ! », a commencé par s’exclamer l’attaquant québécois à la caméra. « C’est spécial, je le sentais en dedans de moi que quelque chose de spécial allait se passer… »

Il s’est passé quelque chose de spécial, en effet.

En premier, le Canadien a triomphé des Golden Knights de Vegas en six matchs, cette fois-ci grâce à une victoire de 3-2 en prolongation. Ces Chevaliers dorés, il faut bien le rappeler, avaient conclu la saison au premier rang du classement général, à égalité avec le Colorado, avec un total de 82 points, soit 23 points de plus que le club montréalais.

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Ensuite, cette victoire vient propulser le Canadien en grande finale pour la première fois depuis 1993, et si quelqu’un avait évoqué un tel scénario à la fin de février, alors que le club virait Claude Julien, on lui aurait probablement suggéré de laisser les prédictions aux véritables experts… qui voyaient à peu près tous le Canadien en vacances quelque part au mois de mai.

Ça aussi, c’est plutôt spécial.

« On en veut plus, on est affamés », a ajouté Phillip Danault, pour bien préciser que la route ne se terminera pas ici, même pas avec ce trophée Clarence-S.-Campbell que personne n’a voulu toucher.

Plus tôt en journée, c’est Luke Richardson qui avait lui-même évoqué des comparaisons avec le club de 1993, et en voyant Artturi Lehkonen marquer le but de la victoire en prolongation, on pouvait mieux comprendre. En 1993, les gros buts étaient souvent l’œuvre de joueurs de l’ombre (Gilbert Dionne, quelqu’un ?), et jeudi soir, le gros but est venu d’un joueur finlandais qui avait marqué un total de sept buts lors de la saison. Même Fred Pellerin n’aurait pu inventer une telle histoire.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le but gagnant d'Artturi Lehkonen

On pourrait ajouter qu’en 1993, les Islanders de New York s’étaient permis de sortir le gros club, les Penguins de Pittsburgh, lors d’une étonnante victoire en plein septième match, et puis vendredi soir, ces mêmes Islanders, mais avec des joueurs différents, auront également l’occasion de sortir le gros club… et peut-être aussi d’ouvrir grand le chemin en direction d’une 25e Coupe Stanley.

Pour citer Gilles Tremblay : incroyable.

Il faudrait souligner que tout cela ne manquait pas d’ironie, surtout pas en ce soir de fête nationale ; en fin de soirée, jeudi, pendant que ça brassait un peu trop dans les rues de la ville et que les 3500 partisans devaient attendre avant de sortir, le trophée Campbell était laissé seul au milieu de la glace, presque rejeté, comme si personne ne voulait le voir.

Il s’agit bien sûr du trophée qui porte le nom de celui qui avait suspendu Maurice Richard en 1955, une décision qui avait aussi déclenché une émeute, et une sorte d’éveil collectif par la suite.

C’est tout ça qu’on a vu passer sous nos yeux jeudi soir, au Centre Bell : une surprise, des images de 1993, et puis un trophée qui était là pour évoquer les stigmates du passé, le nôtre comme celui du club.

Comme on le dit dans notre langue bien à nous : toute est dans toute.

Le chiffre de la série

4

Nombre de buts réussis par Cole Caufield lors de cette série, en six matchs. C’est un but de moins que tous les attaquants des Golden Knights mis ensemble. 

En hausse

Artturi Lehkonen

Le genre de joueur dont on dit souvent qu’il fait les petites choses ; jeudi soir, il a fait les grandes aussi.

En baisse

Eric Staal

Ce fier vétéran connait souvent des hauts et des bas. Cette fois, ce fut surtout des bas.

Dans le détail

Le plus étrange des trophées

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Le soir de la fête nationale du Québec, le Canadien de Montréal a remporté un trophée nommé en l’honneur du président de la LNH qui, en 1955, a suspendu Maurice Richard, provoquant la célèbre émeute du Forum.

Il y a, en théorie, un seul trophée que le Canadien n’aurait jamais dû gagner : le trophée Clarence-S.-Campbell. La raison en est bien simple : cet honneur récompense l’équipe qui représentera l’association de l’ouest en finale de la Coupe Stanley. Avec le réalignement des divisions en 2021, il a été décidé que le gagnant de la série Canadien-Knights se verrait remettre le trophée Clarence-S.-Campbell, et c’est celui-là en effet qu’on a présenté au capitaine Shea Weber après le triomphe de jeudi. L’ironie du moment pouvait difficilement être plus grande : le soir de la fête nationale du Québec, le Canadien de Montréal a remporté un trophée nommé en l’honneur du président de la LNH qui, en 1955, a suspendu Maurice Richard pour toutes les séries éliminatoires, provoquant la célèbre émeute du Forum. Comme le veut la superstition, Weber n’a pas touché au trophée afin de ne pas nuire aux chances de son équipe de gagner celui qui compte le plus. Et bien des Québécois lui en sont sans doute reconnaissants.

Un sans-faute du trio de Danault

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Artturi Lehkonen et Phillip Danault célèbrent le but gagnant.

Question facile : combien de buts les Golden Knights ont-ils inscrits à cinq contre cinq lorsque Phillip Danault, Artturi Lehkonen et Brendan Gallagher ont été réunis sur la patinoire au cours de cette série de six matchs ? La réponse : aucun. Chacun des trois attaquants a été sur la glace pour un but adverse, mais jamais lorsqu’ils jouaient ensemble, et ce, en plus de 66 minutes de travail. Cette combinaison a complètement éteint ses adversaires, à commencer par Max Pacioretty et Mark Stone. En contrepartie, les trois joueurs n’ont pas rempli le filet non plus, alors qu’un seul but a résulté de leurs efforts combinés. Mais c’en était tout un, car c’est celui qui a conclu la série en prolongation jeudi. « C’est un moment de l’année qui révèle les vrais battants, a souligné l’entraîneur Luke Richardson. Ces gars ont fait toutes les bonnes choses défensivement. C’était une belle récompense pour eux de marquer le but gagnant. »

Avantage numérique misérable

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Shea Theodore est poursuivi par Tyler Toffoli

On peut voir le verre plein et souligner que le Canadien a été parfait en 15 supériorités numériques au cours de cette série. Ou encore voir le verre vide et constater que les Golden Knights n’ont marqué aucun but avec un homme en plus. Rarement ont-ils paru aussi désorganisés que jeudi. La preuve en a été faite lorsque, en deuxième période, Tyler Toffoli, qui est loin d’être le plus rapide patineur de son club, a causé bien des soucis à Shea Theodore en le suivant comme une ombre en zone de Vegas, empêchant le talentueux défenseur d’amorcer une attaque comme il le voulait. Reilly Smith s’est navré d’un « gaspillage » de chances de marquer. « Un but ici et là aurait pu tout changer », a-t-il fait remarquer. L’entraîneur-chef Peter DeBoer a convenu que ses hommes ne jouaient « avec aucune confiance » en avantage numérique. « Si on savait ce qui n’a pas marché, on aurait réglé le problème, a-t-il ajouté. On a tout regardé, on a changé des choses… C’est évidemment quelque chose qui doit être amélioré. »

Échos de vestiaire

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Cole Caufield entouré de ses coéquipiers après avoir inscrit le deuxième but du Canadien en deuxième période.

Tout ceci est incroyable. J’adore la ville et les fans… Ce qui est en train de se passer veut tout dire pour nous.

Cole Caufield

Sur le but de la victoire en prolongation, j’ai juste vu Artturi à ma gauche et j’ai juste vu l’ouverture… Il a marqué un gros but, et ç’a été, je pense, un jeu mémorable. Je suis très fier de cette équipe.

Phillip Danault

On a eu à traverser plusieurs épreuves avant d’en arriver là… Mais ce n’est pas le temps de penser à tout ça parce qu’il reste encore du travail à faire.

Shea Weber

C’est très excitant. Tout le monde en ville est très enthousiaste. C’est plaisant en ce moment.

Carey Price

Je trouve qu’on a un groupe de joueurs assez spécial. Ils méritent d’être ici, et ce n’est pas terminé pour eux.

Luke Richardson

Le mérite revient au Canadien, qui s’est cramponné à sa structure. Il avait déjà stoppé les Jets et les Maple Leafs, qui ont parmi les meilleurs marqueurs du monde. […] Parfois, c’est une question de pouces : on est passés à un but en prolongation de provoquer un septième match. C’est dur à digérer.

Robin Lehner

Je crois qu’on a fait un pas par rapport à l’an dernier. On vient de battre le Wild du Minnesota, une équipe qui joue dur et qui ne donne pas d’espace. Je ne suis pas certain qu’on aurait gagné contre cette équipe, il y a un an. Mais on n’a pas pu le faire une deuxième fois contre un autre club qui joue de cette manière. On doit regarder ce qu’on doit faire différemment.

Peter DeBoer

Je suis reconnaissant pour la saison qu’on vient de vivre. Beaucoup de monde dans la ligue a travaillé fort pour qu’on puisse jouer cette année. Je remercie ces innombrables personnes qui ont rendu ça possible.

Alec Martinez