Marc Bergevin était sur la corde raide à l’aube du cinquième match contre les Maple Leafs de Toronto. Le propriétaire Geoff Molson aurait-il réitéré sa confiance envers son directeur général advenant une élimination hâtive ?

Le Canadien, après tout, aurait ainsi été privé d’une victoire en séries éliminatoires pour une sixième année consécutive. Mais la victoire fait foi de tout et Bergevin peut se bomber le torse aujourd’hui, après un deuxième carré d’as depuis 2014.

Voici six décisions d’importance de sa part qui ont défini l’équipe actuelle.

1- La confiance envers Carey Price

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Carey Price

La cote de Carey Price n’était pas très élevée lors de l’embauche de Marc Bergevin, en mai 2012. Price avait 24 ans, venait de connaitre une bonne saison malgré les déboires de l’équipe, mais les sceptiques restaient nombreux et se demandaient s’il avait les nerfs pour gagner en séries éliminatoires. Non seulement Bergevin ne l’a-t-il pas échangé, il a embauché Stéphane Waite pour l’épauler. Deux ans plus tard, Price offrait la meilleure saison de sa carrière, remportait les trophées Vézina et Hart et qui sait s’il n’aurait pas mené le Canadien en finale n’eut été d’une blessure au genou subie à la suite d’une charge de l’attaquant des Rangers Chris Kreider.

Les blessures se sont multipliées lors des années suivantes, mais le DG du Canadien a toujours manifesté sa foi envers Price. Il lui a même offert un contrat de huit ans de 84 millions en 2017. On a souvent critiqué cette décision, mais elle paye aujourd’hui. Price est le seul joueur de la LNH payé plus de 10 millions encore en séries ce printemps. Et il lui reste encore de bonnes saisons dans le corps.

2- L’échange pour Nick Suzuki

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Nick Suzuki

La transaction pour obtenir Nick Suzuki est importante puisqu’elle a coûté le capitaine Max Pacioretty et elle est au cœur de la phase de rajeunissement de l’équipe, entamée en 2018. Le CH se cherchait un centre de la trempe de Suzuki depuis le départ de Saku Koivu en 2009. Avec 41 points en 56 matchs, Suzuki était en voie, à 21 ans seulement, de réussir une saison de 60 points sur un calendrier normal. Excellent sous pression, il a désormais 15 points, dont 8 buts, en 22 matchs de séries. Suzuki a été de loin l’attaquant le plus utilisé en saison régulière et il concède quelques secondes à Phillip Danault à ce chapitre en séries éliminatoires.

Marc Bergevin a aussi obtenu Tomas Tatar et un choix de deuxième ronde dans la transaction. Tatar ne sera sans doute pas retenu à la fin de la saison, il ne joue même plus en séries, mais ses 149 points en 198 matchs lors des trois dernières années a permis de combler la perte de Max Pacioretty à l’aile gauche et assuré une certaine transition le temps qu’un plus jeune, Cole Caufield, soit prêt à prendre la relève. Le CH a pu repêcher Mattias Norlinder avec le choix obtenu dans la transaction. Ce jeune défenseur offensif participera à son premier camp d’entraînement en Amérique du Nord en septembre après quelques années concluantes en Suède.

3- L’acquisition de Phillip Danault

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Phillip Danault

L’acquisition de joueurs de location peut parfois s’avérer désastreuse. Stan Bowman a payé un gros prix pour obtenir du renfort à l’attaque en février 2016. Danault, alors âgé de 23 ans, ne s’annonçait pas comme un joueur de premier plan lors de la transaction, après deux saisons modestes offensivement dans la Ligue américaine. Chicago n’a donc pas hésité à se départir de son jeune centre repêché en fin de première ronde en 2011, ni d’un choix de deuxième ronde lors du repêchage de 2018, pour obtenir Dale Weise et Tomas Fleischmann, deux éventuels joueurs autonomes sans compensation. Weise et Fleischmann n’ont fait que passer à Chicago. Ils ont même été rayés de la formation à quelques reprises en séries.

Danault a été un joueur essentiel au CH, il l’est encore aujourd’hui; ses performances des dernières saisons ont permis à l’équipe de compter sur un centre responsable défensivement, capable de faire produire ses ailiers Brendan Gallagher et Tomas Tatar. Ils ont été considérés comme l’un des meilleurs trios de la LNH à cinq contre cinq lors des dernières saisons. Danault a permis à l’équipe d’acheter du temps en attendant l’éclosion de Suzuki et Kotkaniemi. Trevor Timmins a pu repêcher Alexander Romanov en deuxième ronde avec le choix des Hawks. Romanov a disputé un seul match en séries, mais il est toujours considéré comme un défenseur d’avenir de premier plan pour l’organisation. Rarement a-t-on vu un DG obtenir deux pièces de cette importance pour si peu.

4- La restructuration du département de recrutement professionnel

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Josh Anderson, Tyler Toffoli et Jake Allen

Par la force des choses, Marc Bergevin a eu à restructurer son département du recrutement professionnel à compter de 2017. Le responsable du recrutement professionnel, Vaughn Karpan, a quitté pour Vegas dans les mêmes fonctions et Rick Dudley a suivi, en direction de la Caroline, l’année suivante. La garde rapprochée de Bergevin a changé. Son autre conseiller de la première heure, Larry Carrière, a aussi vu ses responsabilités diminuer au fil des années.

Le DG du Canadien a commencé à s’en remettre davantage à Scott Mellanby et à Martin Lapointe. Eric Crawford, le frère cadet de l’entraîneur Marc Crawford, a été extirpé de l’organisation des Canucks de Vancouver pour remplacer Karpan. Il a emmené avec lui ses hommes de confiance. Dudley et Karpan, deux vieux routiers, ont accompli un travail fantastique pour leurs nouvelles organisations. Mais la nouvelle dynamique à Montréal a donné des résultats impressionnants.

L’automne a été payant pour le Canadien sur le marché des joueurs autonomes. Tyler Toffoli a terminé au septième rang des buteurs de la LNH avec 28 buts en 52 matchs. Il s’agit d’une production de 44 buts sur une saison normale. Le contexte a été favorable au CH dans ce dossier, mais une prise de qualité demeure une prise de qualité.

Le CH a complété son top 4 avec Joel Edmundson pour 3,5 millions par année et Corey Perry a un apport inestimable sur le club pour 750 000 $. L’année précédente, Ben Chiarot signait à Montréal pour un salaire annuel de 3,5 millions. Il joue plus de 25 minutes par match en séries.

Les acquisitions de Josh Anderson et Jake Allen ont été cruciales. L’embauche de Karl Alzner il y a quelques années a constitué un flop, mais Bergevin et son groupe ne se sont pas trompés souvent sinon.

5- L'embauche de Dominique Ducharme et Joël Bouchard

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Dominique Ducharme

Une décision moins spectaculaire à l’époque, mais néanmoins au cœur du plan de rajeunissement du Canadien. Dominique Ducharme et Joël Bouchard avaient été auréolés de gloire, à la tête de l’équipe canadienne junior au Championnat mondial. Ces deux complices de toujours représentaient la nouvelle génération d’entraîneurs, ouverts, pédagogues, communicateurs. Le CH traînait de la patte en matière de développement des jeunes.

Joël Bouchard a transformé le Rocket de Laval de club médiocre en champion. Il a su insuffler une bonne dose de confiance à plusieurs espoirs de l’organisation, parmi lesquels Jesperi Kotkaniemi et Jake Evans. Cole Caufield a entamé sa carrière professionnelle à Laval. Ryan Poehling, Jesse Ylonen, Josh Brook et Cayden Primeau ont bien progressé sous ses ordres.

Quant à Dominique Ducharme, les résultats parlent d’eux-mêmes en séries éliminatoires. On nous annoncera sans doute une prolongation de contrat à la conclusion des séries. Faudra aussi prendre les moyens de garder Bouchard dans le giron de l’équipe. Mais le défi sera de taille compte tenu des succès de celui-ci.

6- L’arrivée de Shea Weber

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Shea Weber

Marc Bergevin a déclaré lors d’une interview il y a quelques années que l’acquisition de Shea Weber avait constitué son meilleur coup en carrière. Le DG du Canadien a cependant sacrifié P.K. Subban, un gagnant du trophée Norris pour l’obtenir, et un défenseur qui a permis aux Predators de Nashville d’atteindre la finale de la Coupe Stanley dans l’année qui suivait la transaction. Le CH, lui, n’avait pas remporté une seule ronde depuis cet échange en 2016. Et Weber a été blessé à répétition. Mais Bergevin a martelé que l’arrivée de Weber marquait un changement de culture organisationnel. La patience a payé. On ne peut le contredire aujourd’hui.