Commençons la journée par une lecture aride, mais nécessaire. L’article 265 du Code criminel canadien.

« Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement. »

Voilà qui définit exactement l’assaut violent, dangereux et salaud de Mark Scheifele contre Jake Evans, durant la dernière minute de la partie de mercredi soir entre le Canadien de Montréal et les Jets de Winnipeg. Une attaque gratuite qui, n’importe où ailleurs que dans un aréna de la Ligue nationale de hockey, ferait l’objet d’accusations criminelles.

Il restait 57 secondes à jouer lorsque Jake Evans est allé récupérer la rondelle dans le fond du territoire des Jets. L’attaquant du Canadien a contourné le filet — désert — pour inscrire le but d’assurance. Son premier but en carrière en séries éliminatoires. Un beau cadeau pour celui dont c’était le 25e anniversaire de naissance. Sauf qu’il n’a pas eu le temps de célébrer. Mark Scheifele, propulsé par un élan d’une douzaine d’enjambées, l’a frappé de plein fouet au torse. Sans jamais s’arrêter. Avec l’intention évidente de le blesser. D’ailleurs, le centre des Jets n’a jamais tenté d’empêcher la rondelle de rentrer dans le filet.

Jake Evans a chuté. Tête première contre la glace. Il est resté étendu pendant près de dix minutes. Une dizaine de membres de l’équipe des premiers soins sont intervenus pour le stabiliser, puis l’évacuer en civière. Evans, qui a des antécédents de commotions cérébrales, était très mal en point. Au moment d’écrire cette chronique, il était évalué par des médecins à l’aréna. « Il va mieux », a simplement indiqué Dominique Ducharme.

L’entraîneur-chef du Canadien a ensuite qualifié le coup d’« inutile » et de « vicieux ». Il souhaite que la LNH punisse Scheifele.

La ligue va s’en occuper. On a confiance en ça. Ce serait mieux.

Dominique Ducharme

Exclure Mark Scheifele de la série serait la façon la plus efficace d’éviter une escalade de violence entre les deux équipes. Mais contrairement à Dominique Ducharme, je fais peu confiance à la LNH. Surtout depuis que son Comité de protection des barbares a refusé de suspendre Tom Wilson, à la fin de la saison, après qu’il eut projeté la tête d’Artemi Panarin contre la patinoire. Une décision insensée, irresponsable et inacceptable, qui a entraîné une bagarre générale et une série d’incidents disgracieux, dans les heures suivantes, lors du match revanche entre les Capitals de Washington et les Rangers de New York.

Un circuit qui se préoccupe vraiment de la sécurité de ses athlètes — disons la NBA, la NFL, la MLS ou les ligues majeures de baseball — exclurait Mark Scheifele pour le reste de cette série. Mais la LNH étant la LNH, je parie que le Comité de protection des barbares soulignera que le premier impact de l’attaque était le haut du torse de Jake Evans, et non sa tête. Aussi que les patins de Mark Scheifele n’ont pas décollé de la patinoire. Des arguments tellement, mais tellement cons. Imaginez une telle défense en cour. « Votre Honneur, je vous jure que lorsque j’ai attaqué le plaignant, mes deux pieds étaient bien au sol. Aussi, j’ai visé son thorax. Pas sa tête. J’aimerais que ce soit noté. »

À moins que les décideurs ne voient enfin la lumière, je m’attends à une sanction clémente pour Mark Scheifele. Peut-être 5000 $ d’amende. Peut-être un match de suspension. Ou deux. Dans tous les cas, ne comptez pas sur l’Association des joueurs pour défendre Evans. Le syndicat vient tout juste de contester la durée d’une suspension de huit matchs imposée à Nazem Kadri, de l’Avalanche du Colorado, pour un coup violent à la tête de Justin Faulk, des Blues de St. Louis… Désolant.

Si la peine à Scheifele n’est pas assez sévère, vous connaissez déjà les prochaines étapes. Les joueurs du Canadien prendront leur revanche. Ils appliqueront le maudit Code. Et encore plus de joueurs risquent de suivre le reste de la série sur la galerie de presse.

Ou pire.

Dans une chambre d’hôpital.