Trevor Timmins nous appelle une heure plus tard que convenu. Il a toutefois un alibi béton : il assistait à Québec au troisième match de la finale de la Coupe du Président, qui a nécessité de la prolongation !

La Presse lui souligne le joli jeu réussi par Benjamin Tardif sur le but gagnant. Le joueur de 21 ans, qui n’a pas été repêché et qui joue sa dernière année junior, a longuement protégé la rondelle avant de la remettre à Alexis Arsenault, dont le tir a été dévié par Conor Frenette.

« Tardif, on le connaît très bien ! », lance Timmins, le grand responsable du repêchage chez le Canadien.

Ne soyons pas naïfs : dans le contexte un peu tendu des dernières semaines, Timmins et les membres de l’état-major du Tricolore ont tout intérêt à être vus dans les arénas du Québec. À plus forte raison maintenant que c’est la seule ligue de développement au monde encore en activité !

Le débat sur l’importance qu’accorde le Canadien à la LHJMQ revient annuellement, mais il s’est enflammé l’automne dernier après que l’équipe n’a repêché aucun joueur du circuit Courteau ; 0 en 8, comme Shane Andrews dans un programme double.

C’était la troisième fois dans les cinq derniers repêchages que Timmins ne pigeait pas dans la LHJMQ. Et quand il l’a fait, c’était au 201rang (Rafaël Harvey-Pinard, 2019) et au 133rang (Samuel Houde, 2018). Pour des joueurs repêchés avant le 5tour, il faut remonter à 2013 (Zachary Fucale, Sven Andrighetto et Martin Reway).

Il y a trois semaines, le débat a repris de la vigueur quand le Canadien a disputé un match, pour la première fois en 110 ans d’histoire, sans aucun joueur québécois. La LHJMQ était néanmoins représentée par l’Ontarien Paul Byron, un joueur qui n’a toutefois pas été repêché par l’organisation.

« J’étais déçu, c’est sûr. Et pleinement au courant de la situation, a admis Timmins. Les gens ne sont pas dans notre salle de conférence quand on parle des joueurs. Pour ma part, je pousse toujours pour des joueurs de la LHJMQ. J’essaie toujours de les pousser vers le haut. »

C’est la réponse que livre Timmins fois après fois lorsqu’il est interrogé sur son intérêt pour le circuit québécois. Sauf que depuis 2013, cette sensibilité qu’il dit avoir ne se traduit pas par des choix, concrètement.

Mais Timmins assure que le Canadien quadrille le Québec. « Comme je suis basé à Ottawa, j’ai accès aux matchs de Gatineau. On a Martin Lapointe, directeur du recrutement amateur. On a Serge Boisvert, notre principal responsable des contre-vérifications [cross-over]. Donald Audette est à temps plein dans la LHJMQ. On a beaucoup de gens à temps plein. »

Trois-Rivières, une piste de solution

Pour certains, c’était la faute du Tricolore, qui scrute trop peu son propre territoire. Pour d’autres, la faute revient plutôt au hockey québécois, qui ne génère plus assez de joueurs de la LNH.

La LHJMQ demeure bien représentée dans la LNH, en raison notamment des Européens et des joueurs des Maritimes qui y transitent. Mais en termes de Québécois, cette saison, seulement 34 ont disputé au moins la moitié des matchs de leur équipe. « Comme dans d’autres pays, ça varie d’année en année. C’est difficile de généraliser », prévient Timmins.

Celui qui occupe officiellement le poste de directeur général adjoint souligne cependant que l’affiliation de l’organisation avec la nouvelle équipe de l’ECHL à Trois-Rivières aidera. L’équipe pourra plus facilement offrir des contrats de Ligue américaine comme elle l’a fait à Cédric Desruisseaux vendredi.

« On a une limite de 50 contrats de la LNH. Quand un espoir signe un contrat, c’est un engagement de trois ans. Tu dois être sûr de ton coup, sinon tu es pris avec. Dorénavant, on pourra tenter notre chance avec des joueurs pas repêchés, les faire commencer à Laval ou à Trois-Rivières, les développer, les aider à devenir des joueurs de la Ligue américaine, et comme on l’a fait avec Harvey-Pinard, leur faire signer un contrat de la LNH. Ce système à trois niveaux va vraiment aider. »

Quel apport à l’équipe ?

Timmins est combattif lorsqu’on souligne la faible représentation des joueurs repêchés par le Canadien dans l’équipe en séries.

Ils ont été six à disputer des matchs contre Toronto jusqu’ici : Cole Caufield, Jake Evans, Brendan Gallagher, Jesperi Kotkaniemi, Artturi Lehkonen et Carey Price. « Alexander Romanov fait aussi partie de l’équipe », a plaidé Timmins au sujet du défenseur laissé de côté six fois de suite.

Mais Timmins rappelle que Josh Anderson, par exemple, devrait être ajouté à son bilan, puisqu’il a été obtenu dans une transaction contre Max Domi qui, lui, a été obtenu en échange d’Alex Galchenyuk, le choix de premier tour du Canadien en 2012. Le même raisonnement s’appliquerait donc à Shea Weber (P. K. Subban), Tomas Tatar et Nick Suzuki (Max Pacioretty) et Jonathan Drouin (Mikhail Sergachev), absent jusqu’à nouvel ordre.

« Notre travail, c’est de repêcher des actifs. Ce qui compte, c’est qu’ils jouent ou qu’ils nous permettent d’obtenir des joueurs. C’est sûr qu’on aimerait avoir nos propres joueurs. Mais de dire qu’on n’a que cinq ou six joueurs issus du repêchage, ça ne décrit pas la totalité du processus. Le but est de fournir au DG des actifs, qu’il utilise comme il veut. »

En bref

Au sujet de Cole Caufield

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Cole Caufield

Le talent de Cole Caufield était connu de tous, mais le petit ailier a néanmoins glissé au repêchage de 2019, jusqu’à ce que le Canadien le réclame au 15rang. Deux ans plus tard, il a remporté le trophée Hobey-Baker et joue un rôle relativement important en pleines séries éliminatoires. « Suis-je surpris ? Non. Ce dont je n’étais pas sûr, c’était sa capacité, physiquement, à jouer. Pas en termes de grandeur, mais en termes de puissance, de force. Je pense que d’être retourné jouer une autre saison à l’université l’a aidé. »

Au sujet du camp d’évaluation en Europe

En 2018 et en 2019, le Canadien a tenu un camp d’évaluation à Stockholm, pour des espoirs européens qui n’étaient pas invités au camp de la LNH à Buffalo (le « Combine »). C’est ainsi que l’équipe a découvert Alexander Romanov, notamment. En 2020, la pandémie a forcé l’annulation de l’évènement, et il n’aura pas lieu cette année non plus. La LNH interdit en effet aux équipes de mener, jusqu’à nouvel ordre, des rencontres en personne avec les espoirs. « On s’en tient à des tests psychologiques. On fait aussi des entrevues par visioconférence. Au moins, ça nous permet d’en faire davantage. L’an dernier, on a fait environ 200 entrevues comme ça. Ce qui nous manque, ce sont les évaluations médicales et physiques. Mais la LNH demande aux espoirs de remplir des formulaires de santé, elle les évalue et nous signale les cas problématiques. » Timmins assure qu’il aimerait bien refaire des camps d’évaluation en Europe, mais « ça dépendra du retour à la normale ».