10 mars 2020. Le Canadien annonce une foule de 21 021 spectateurs au Centre Bell pour un match Montréal-Nashville qui ne veut pas dire grand-chose pour le partisan moyen.

Dans les faits, ils sont beaucoup moins nombreux dans les gradins. En partie parce qu’un nouveau coronavirus, dont on en sait très peu, commence à circuler, et ça prenait plus qu’une soirée à la thématique de cowboy pour les convaincre de venir s’exposer à l’amphithéâtre.

En partie aussi parce que le Tricolore agonise. L’équipe subit une 3défaite de suite, une 10e à ses 14 derniers matchs, et glisse à 10 points d’une place en séries. On disait que le dernier mois de la saison allait être long. Avoir su…

Jordan Weal, le mal-aimé de tous, est employé en avantage numérique. En défense, on retrouve Christian Folin, dont c’est encore à ce jour le dernier match dans la Ligue nationale.

L’avenir ? Un joueur du CH marque son premier but dans la LNH. Mais oubliez l’excitation ressentie cette saison par les débuts de Cole Caufield et Alexander Romanov ; c’est Lukas Vejdemo qui touche la cible. Comme Folin, lui non plus n’a pas été revu dans la LNH depuis.

Pendant ce temps, la COVID-19 fait de plus en plus jaser. Exceptionnellement, les entrevues d’après-match ne se font pas dans le vestiaire, mais plutôt dans la salle de conférence et dans les corridors du Centre Bell.

L’Organisation mondiale de la santé n’a pas encore déclaré la COVID-19 pandémie mondiale ; elle le fera le lendemain, le 11 mars. L’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) compte 16 cas actifs sur son territoire. Le premier des 11 118 décès attribuables au virus sera seulement déclaré une semaine plus tard.

2500 spectateurs

Comme quoi tout est relatif dans la vie, nous voici 14 mois plus tard et le Centre Bell accueillera des spectateurs pour une première fois depuis ce jour. L’INSPQ a pourtant déclaré 419 nouveaux cas vendredi, et totalise 4758 cas actifs, des chiffres inimaginables le 10 mars 2020.

Mais le Québec a vécu bien pire entre-temps. Et la tendance est fortement à la baisse, la vaccination progresse, la société apprend à « vivre » avec le virus et le retour à la vie normale prend tranquillement forme.

« On passe un bon vendredi, mieux que d’autres vendredis ces derniers mois ! », lance France Margaret Bélanger au bout du fil.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

France Margaret Bélanger

La vice-présidente exécutive, chef des affaires commerciales, du Groupe CH est rayonnante. Son organisation s’apprête à accueillir le premier match de la LNH au Canada joué devant des spectateurs depuis le début de la pandémie.

Nous sommes absolument ravis, très excités de revoir des partisans au Centre Bell. On a aussi vraiment hâte pour nos employés qui travaillent dans l’ombre, pour reprendre un peu de normalité.

France Margaret Bélanger, vice-présidente exécutive, chef des affaires commerciales

Ils ne seront que 2500, pour des raisons évidentes de distanciation. Il sera impossible d’acheter des breuvages ou du manger. Bref, l’opération nécessitera aussi relativement peu de personnel. « On a décidé de suivre à la lettre les recommandations de la santé publique et de garder ça à la plus simple expression », résume Mme Bélanger.

Le port du masque sera requis en tout temps. Les 2500 spectateurs seront divisés en 10 zones, qui auront chacun une entrée et des salles de bain séparées de celles des autres zones. Des heures d’arrivée seront aussi recommandées afin d’éviter de trop gros attroupements à l’entrée.

Évidemment, l’opération ne générera pas de profits faramineux. Si les prix explosent sur les sites de revente (voir texte du collègue Vincent Brousseau-Pouliot), le Canadien, lui, vend les billets 150 $, 260 $ ou 330 $. À titre indicatif, 2500 billets vendus à 260 $ donnent des revenus de 650 000 $.

« Il y a des coûts assez significatifs. Ce n’est pas une question financière, affirme Mme Bélanger. Le but, c’est d’inviter notre joueur de plus, soit les partisans, qui créent de l’énergie. Pouvoir offrir ça, après 14 mois, c’est un immense intérêt. »

Et l’ambiance ?

Vous vous souvenez de ce petit jeudi tranquille, une fois par année, où le Canadien se rendait en Arizona pour jouer contre les Coyotes, devant une foule clairsemée ? Ce sera un peu le défi du Canadien pour cette soirée.

France Margaret Bélanger confirme d’ailleurs que les bruits de foule enregistrés que l’on entend dans les arénas vides seront maintenus. « On va s’ajuster, on ne sait pas quel niveau de bruit la foule va générer, admet-elle.

« On a vendu des billets par bulles de deux et de quatre. On a mis des collants sur les bancs pour visualiser et c’est très parsemé. On est en constante conversation avec les équipes américaines pour avoir des idées. On va essayer de créer de l’animation. Mais la distanciation va rester… Youppi ! On n’ira pas voir les gens ! Mais on pense qu’ils seront bruyants. »

Les joueurs, eux, sont unanimes, même si foule montréalaise et avantage numérique en panne ne font pas toujours bon ménage. Et même s’il y a toujours la possibilité que des partisans des Maple Leafs mettent la main sur des billets.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Tomas Tatar

« Je suis super enthousiaste de revoir des partisans et ça amènera plus de positif que de négatif, assure Tomas Tatar. Je ne sais pas à quel point ce sera bruyant avec des gens, mais on va le sentir pendant l’échauffement le match, ça pourrait nous donner la petite poussée additionnelle. »

Même Jason Spezza, chez les Leafs, se réjouissait. « Avoir des gens dans l’aréna, c’est un pas dans la bonne direction pour l’avenir. C’est bien de savoir qu’il y aura des gens. »

Le Canadien vivra donc, avec quelques mois de retard, ce que les équipes américaines ont vécu cette saison. À Boston, par exemple, les Bruins ont annoncé qu’à compter de samedi, ils seront « près de la capacité maximale ». Mais eux aussi ont commencé avec une limite de 12 % des sièges occupés, soit 2142 spectateurs.

« On s’était habitués dans la bulle à Toronto l’été dernier. On a commencé la saison sans partisans. Tu t’adaptes. Par contre, quand le 12 % est arrivé, ça a vraiment fait une différence, estime Patrice Bergeron.

« On sait très bien que 12 %, en temps normal, on trouverait l’amphithéâtre vide. Mais quand t’es habitué devant aucun partisan, avec un bruit de fond robotisé… De voir les réactions des fans, ça fait une grosse différence, ça donne de l’énergie, ça fait du bien. »