Aucune Coupe Stanley depuis 1967. Aucune série remportée depuis 2004.

Les deux cailloux dans les souliers des Maple Leafs de Toronto sont exposés quotidiennement depuis le début des séries éliminatoires. Par les partisans montréalais, qui se régalent des insuccès de leurs rivaux ontariens. Et par les partisans torontois, excédés par autant d’années de galère.

L’un de ces deux stigmates pourrait enfin être effacé ce jeudi soir. Confortablement en avance 3-1 dans leur série contre le Tricolore, les Leafs auront la chance d’achever promptement un adversaire qui en a arraché au cours des trois derniers matchs.

Une victoire jeudi enlèverait le poids de toute une ville sur les épaules de cette richissime organisation, dont les succès n’ont jamais été à la hauteur des millions dépensés en salaires depuis bientôt deux décennies.

L’entraîneur-chef Sheldon Keefe est d’ailleurs le premier à le reconnaître. « On le doit à nos partisans », a-t-il reconnu, mercredi, au cours d’une visioconférence.

Par contre, il refuse que ses joueurs s’approprient la responsabilité des échecs passés.

Il serait en effet un peu injuste de leur imposer ce fardeau. Après avoir accédé au deuxième tour des séries éliminatoires en 2004, les Leafs ont raté les séries sept saisons consécutives.

De la formation qui a renoué avec le tournoi printanier en 2013 et qui s’est inclinée en sept matchs devant les Bruins de Boston, aucun joueur n’est encore membre de l’organisation. Et c’est aussi bien ainsi, car personne n’a à revisiter chaque année la déconfiture du septième match, qui avait vu les Bruins effacer un déficit de 4-1 en troisième période et gagner en prolongation grâce à un but de Patrice Bergeron.

Trois autres saisons sans séries ont suivi : de la dernière, en 2015-2016, seuls Morgan Rielly, Zach Hyman et William Nylander sont encore avec le club.

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William Nylander

Même si ces trois joueurs, avec Auston Matthews et Mitch Marner, forment le noyau de l’équipe qui s’est inclinée au premier tour au cours des quatre dernières années, l’ajout de nombreux éléments pendant la dernière saison morte a conféré à ce groupe « sa propre identité » qui n’est pas « attachée au passé », a insisté Sheldon Keefe.

« Une vraie équipe »

L’entraîneur a volontairement insisté sur la « personnalité » de son équipe, décrivant l’« unité » et la « camaraderie » qui règnent dans le vestiaire comme une rupture avec l’an dernier.

« C’est une vraie équipe, a résumé Keefe. Les gars aiment être ensemble, ils ont du plaisir à se côtoyer. Créer cet environnement était pour nous une priorité au début de cette saison. Ça s’est manifesté naturellement. »

De fait, après la contre-performance du tour qualificatif de l’été dernier, et ce, alors que les Leafs étaient donnés favoris face aux Blue Jackets de Columbus, il devenait manifeste qu’il ne s’agissait pas d’un problème de talent. On cherchait une étincelle, une âme. Une « personnalité », oui.

Il en a été abondamment question à l’amorce de la série contre le CH, mais la présence de joueurs très expérimentés dans le camp torontois a largement contribué à souder le groupe, a encore avancé Keefe.

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Joe Thornton

Jason Spezza et Joe Thornton, devenu mardi soir le joueur le plus âgé de l’histoire des Leafs à inscrire un but en séries, ont été des éléments fondamentaux dans « la croissance et la maturité » acquises en cours de saison, notamment sur le plan de la gestion des émotions. « Leur voix et leur calme dans toutes les situations » ont insufflé la cohérence et la constance qui faisaient défaut au sein d’une formation jeune et talentueuse. Les matchs des derniers jours ont d’ailleurs démontré à quel point cette équipe joue avec assurance et autorité, et ce, même si son entraîneur estime qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire.

« On peut être bien meilleurs », a martelé Sheldon Keefe, en référence aux baisses de régime de ses hommes en troisième période dans les matchs de lundi et de mardi.

La remarque se défend, mais elle s’inscrivait surtout dans les politesses d’avant-match envers le Canadien, un adversaire dont on prévoit qu’il rendra « la vie difficile » aux érabliers.

« Chaque première période a été serrée, et on s’attend à ce que ce le soit encore davantage [ce jeudi]. On sait que ce sera le match le plus difficile de la série. On doit être meilleurs. »

La motivation ne devrait pas être trop difficile à cristalliser. Car ce n’est pas tous les jours qu’une équipe se voit offrir une chance d’écrire, enfin, sa propre histoire.