On a tout fait pour ne pas sourire. Parce que ce n’était pas une blague et que ce n’était, de toute façon, pas drôle.

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Or, lorsque Dominique Ducharme a lancé sans sourciller que son équipe « s’en va à Toronto pour gagner » le cinquième match de cette série, il était difficile de refréner une inévitable incrédulité, voire un désabusement.

Car cette troisième défaite de suite, cette fois au compte malheureux de 4-0, place le Canadien dans – c’est un euphémisme – une fâcheuse position.

Chaque année, on lit que telle ou telle équipe est « au bord du gouffre ». En retard par trois matchs à un, le CH n’échappe pas à cette image. Mais le plus effrayant des gouffres n’est pas celui qui sépare le Canadien d’une élimination. C’est plutôt celui qui semble éloigner depuis trois rencontres le Tricolore d’une performance suffisante pour ne signer ne serait-ce qu’une autre victoire contre les Maple Leafs.

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Corey Perry et Jake Muzzin

Encore mardi, la machine torontoise a été impitoyable pour les Montréalais. Chez le Canadien, sortir de sa zone avec la rondelle et en garder la possession jusqu’en territoire adverse prend de plus en plus les allures d’un enfer. Et entrer en zone adverse en avantage numérique semble, par moments, tout simplement impossible.

L’attaque est en panne. La défense est débordée. Les unités spéciales battent de l’aile.

Bref, tout va bien.

Miracle

Évidemment que le Canadien reprend la route de Toronto pour aller gagner. Mais c’est à se demander par quel miracle il y parviendra.

« On doit oublier ce match rapidement », a candidement résumé Joel Armia. Heureusement qu’on n’a pas compilé le nombre d’occurrences de cette formule convenue depuis le début de la saison. Ça ne ferait de bien à personne.

« On sera affamés », a promis Phillip Danault. Fort bien… Sauf que Josh Anderson avait promis la même chose mardi matin : le soir venu, moins de trois minutes étaient écoulées que, déjà, le CH avait accordé une échappée et un deux-contre-un, en plus d’avoir écopé d’une punition, gracieuseté de Jesperi Kotkaniemi.

Dans ces circonstances, comment trouver des solutions lorsque les problèmes sont aussi flagrants que récurrents ? s’est fait demander Ducharme.

Sa réponse, résumée grossièrement : ce qui ne fonctionne pas doit commencer à fonctionner.

En avantage numérique, par exemple, il a souligné que, contrairement à la veille, ses hommes avaient enfin su créer des lignes de tir et des chances de marquer. « Mais on ne finit pas : il faut la mettre dedans », a-t-il dit. Et c’est bien vrai.

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Collision entre Auston Matthews, Brett Kulak et Zach Hyman en deuxième période.

Marquer tout court serait de bon aloi. Quatre petits buts en autant de rencontres, ça devient un peu gênant.

Trouver le fond du filet donnera de l’énergie à ses troupes, estime Ducharme.

« On le voit chez plusieurs marqueurs : après une disette, ils peuvent marquer cinq buts en cinq matchs, a-t-il poursuivi. C’est pareil pour une équipe. On doit trouver une manière d’en marquer un, puis deux. La confiance viendra de là. »

Confiance

La confiance, justement, les Leafs n’en manquent pas. Exemple facile : le gardien Jack Campbell, qui ne donne pas les indices d’un surdoué, marche sur les eaux. Il fait son travail méthodiquement, la vue constamment dégagée. Ses défenseurs s’assurent de libérer l’espace autour de son filet. Et, il faut le dire, les tireurs en rouge ne lui rendent souvent pas la vie difficile. Son plastron a été sa pièce d’équipement la plus sollicitée, mardi soir, tant les rondelles semblaient aimantées par le logo en feuille d’érable.

« Il faut rentrer à l’intérieur [de l’enclave], car la plupart de nos tirs viennent de l’extérieur, a noté Jeff Petry. [Campbell] aspire la rondelle et ne donne pas de retours. On doit trouver le moyen de le voiler, de le déranger, de dévier des rondelles, de sauter sur les retours. »

Et surtout, a insisté le défenseur : « Il faut trouver le moyen de jouer 60 bonnes minutes. »

Le cliché est gros comme ça, mais il est plus pertinent que jamais à un moment où les deuxièmes périodes virent au cauchemar pour le Tricolore. Depuis le début de la série, en période médiane, les Leafs ont eu l’avantage 8-1 au chapitre des buts et 63-33 au chapitre des tirs.

Puisque cette période de l’année est propice aux clichés, ne boudons pas notre plaisir, surtout pas avec ceux qui demeurent d’actualité. Comme celui voulant que le Tricolore aborde la montagne devant lui « un match à la fois », comme l’a rappelé Danault.

Le Québécois a précisé qu’une motivation nouvelle animerait son équipe si la saucette dans la Ville-Reine était soldée de succès : pour la première fois en 2021, 2500 partisans attendront le CH au Centre Bell samedi pour un possible match #6.

« On va connaître un gros match là-bas, avec beaucoup d’émotion, et ramener ça ici », a prédit le numéro 24.

« Personne n’a abandonné », a quant à lui assuré Jeff Petry.

Il faudra maintenant en faire la preuve. Car les Maple Leafs ne jouent pas comme une équipe qui a l’intention de revenir passer le week-end dans la métropole.

Dans le détail

Qui se souvient du « nouveau Big Three » ?

L’été dernier, peut-être à cause de la confusion entourant nos vies en temps de COVID-19, certains commentateurs s’étaient emportés un peu vite en qualifiant de « nouveau Big Three » le trio formé de Shea Weber, Ben Chiarot et Jeff Petry. On se demande bien ce que le Big Three original, composé de Serge Savard, Larry Robinson et Guy Lapointe, a bien pu en penser… En tout cas, en ce moment même, il n’y a plus personne qui parle d’un nouveau Big Three. Une fois de plus, messieurs Weber, Chiarot et Petry ont connu une soirée très difficile mardi soir ; Weber n’est plus capable de placer une rondelle sur le filet, Chiarot a commis un énorme revirement qui a mené à une échappée et Petry est tout simplement tout croche. Au fait, parmi les défenseurs du Canadien, aucun n’a réussi à récolter un point depuis le début des séries, et il s’agit de la seule équipe du circuit avec cette particularité. Disons que ça n’aide pas en ce moment…

Une première depuis 2004 ?

On fait souvent des blagues sur le Canadien et 1993 qui peut sembler très loin, mais ce n’est pas bien mieux du côté des Leafs. La bonne nouvelle pour eux, c’est qu’ils vont au moins mettre fin à une vilaine séquence si jamais ils gagnent cette série. En effet, en disposant du Canadien jeudi soir (ou samedi soir ou lundi soir, ce ne sont pas les occasions qui vont manquer), les Leafs vont avoir l’occasion de remporter une première série depuis 2004, quand ils avaient battu les Sénateurs d’Ottawa dans le bon vieux temps. Et puisqu’il est question de vieux, on ajoutera ici que Joe Thornton, à 41 ans bien sonnés, est devenu le plus vieux joueur de l’histoire des Leafs à réussir à inscrire un point en séries. « J’imagine que c’est une bonne chose ! », s’est contenté de dire Jumbo Joe en fin de soirée, sans doute avant d’aller se lancer dans un bain de mousse pour reposer ses os.

Des changements chez le Canadien

Avec tout ça, le Canadien a fini par procéder à quelques changements avant ce quatrième match. Artturi Lehkonen, blessé lundi soir, n’y était pas, pas plus que Jake Evans, lui aussi blessé. Eric Staal a donc pu revenir dans la formation et, il faut bien le dire, il n’a pas été le pire. Mais tous ceux qui souhaitaient revoir Alexander Romanov ont certes été déçus, car il n’y a pas eu un seul changement en défense. Reste à voir si Dominique Ducharme sera tenté de revoir sa formation en défense en vue du prochain match de la série, le cinquième, prévu pour jeudi soir à Toronto. On a du mal à croire que rien ne va changer…

Ils ont dit

Je pense qu’on a créé assez de chances de marquer. On a eu de bons moments. Mais la confiance est un élément important quand on a de la misère à marquer. À un certain point, on doit finir quand la chance est là.

Dominique Ducharme

En séries, le jeu se resserre. L’exécution est de plus en plus difficile. La fatigue mentale a été là toute l’année pour toutes les équipes. Ce n’est pas une excuse.

Phillip Danault

L’atmosphère dans le vestiaire est bonne, tout le monde sait que ce n’est pas fini.

Joel Armia

Toutes les fois qu’on peut le faire, on veut entrer en zone adverse en contrôle de la rondelle. Mais toutes les situations sont différentes. Tu ne peux pas essayer d’entrer à un contre trois […], essayer de déjouer trois joueurs de la LNH l’un après l’autre. Ça ne marchera pas. Il faut accepter la manière dont le match se déroule.

Dominique Ducharme

En hausse

Eric Staal

De retour au jeu après avoir soigné une blessure, il a piloté le trio le plus efficace du Canadien au cours des deux premières périodes. C’en dit long sur les autres.

En baisse

Josh Anderson

On a hésité entre Jesperi Kotkaniemi et lui, car le duo a connu une soirée misérable. Mais Anderson est celui qui avait promis que son club serait « affamé ». Promesse non tenue.

Le chiffre du match

4

C’est le nombre total de buts inscrits par le Canadien dans cette série. C’est également le nombre de buts que revendique à lui seul William Nylander, des Maple Leafs.