Si on était malin, on dirait que Joël Bouchard s’est trouvé un boulot pour écrire les discours de Dominique Ducharme. « Tu ne peux pas acheter de l’expérience. Tu ne peux pas aller au Walmart pour en commander. »

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On badine, mais il y avait des semaines et des semaines d’observations derrière cette réponse de Ducharme après la victoire de 2-1 du Canadien sur les Maple Leafs, en lever de rideau de la série entre les deux vieux rivaux.

Pendant la longue semaine qui a précédé ce match, Ducharme s’est fait questionner jour après jour sur la formation qu’il entendait déployer. Au-delà de l’identité des joueurs en uniforme, le fait d’écarter deux choix de premier tour (Cole Caufield et Jesperi Kotkaniemi) et un autre qui serait réclamé au premier tour si on refaisait le repêchage de 2018 (Alexander Romanov) a fait jaser. Ça a fait jaser Ducharme lui-même, qui a offert une réponse de quatre minutes (!) dimanche pour expliquer ses choix.

La décision a été impopulaire, mais l’entraîneur-chef a gagné son premier pari. Eric Staal, le paratonnerre de la colère partisane, a livré, et de loin, son meilleur match depuis son arrivée à Montréal. Il a donné le ton en jouant avec robustesse dès le départ, a préparé le but d’Anderson et a encaissé les coups de Zach Bogosian, son vieil ennemi de la rivalité Atlanta-Caroline, devant le filet.

Les séries, c’est un style différent. Il a tout vécu. C’est un grand meneur dans le vestiaire. On savait quelle présence il apporterait. Personne n’a été surpris.

Josh Anderson, compagnon de trio d’Eric Staal

Paul Byron en a donné pour son argent à Ducharme. Pas que sa place dans la formation était remise en question, mais l’entraîneur-chef n’a pas hésité à confier de grosses missions à un joueur que son DG avait pourtant placé au ballottage trois fois plutôt qu’une cette saison.

« C’est un compétiteur. Tu le mets dans une situation où il a un challenge et il répond toujours, a décrit Ducharme. Il y a une raison pour laquelle il porte un “A” sur son chandail. C’est ce genre de personne là. »

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Paul Byron (41) a déjoué Jack Campbell (36) lors d’une infériorité numérique en troisième période.

Ajoutons à cela Ben Chiarot et Shea Weber, qui ont connu une deuxième moitié de saison très moyenne, marquée aussi par les blessures. Eux non plus n’étaient pas menacés d’être laissés de côté, mais ils devaient retrouver leurs repères pour que Montréal ait des chances contre le champion de sa division.

« Je dois remercier les gros gars devant moi d’avoir fait le ménage devant le filet », a noté Carey Price, au sujet des dernières minutes du match. On devine, sans risquer beaucoup de se tromper, que Price a eu une pensée pour Chiarot et Weber en formulant sa réponse.

Encore Anderson

Josh Anderson en est un autre qui était au cœur des décisions de Ducharme. Dans son cas, il ne s’agissait pas de savoir s’il jouerait, mais plutôt de quelle façon il serait utilisé.

Ducharme a annoncé ses couleurs en l’envoyant dans sa formation partante, l’employant à l’aile gauche avec Phillip Danault et Brendan Gallagher, le poste que Tomas Tatar a occupé le reste de la soirée. Anderson a réagi en plaquant Justin Holl, puis Mitch Marner, en l’espace de 10 secondes.

Je connais la position dans laquelle je suis, le rôle que je dois jouer, surtout en début de série. Je sens l’adrénaline, l’émotion. Je voulais commencer de la bonne façon.

Josh Anderson

Ducharme, lui, a rappelé qu’il était important de « connaître [s]es joueurs, de les voir réagir dans certaines situations, dans les moments de pression ».

On ne peut pas mettre de mots dans la bouche du coach, mais est-il raisonnable de voir là une référence au match du 21 avril à Edmonton ? Le Canadien se cherchait, Alex Chiasson avait blessé Price au match précédent et le CH devait faire passer un message. Ce soir-là, Anderson s’était manifesté dès l’échauffement en allant intimider Chiasson, il avait été déployé dans la formation partante et avait fini sa soirée avec deux buts.

Toujours la vitesse

Il importe, enfin, de noter un curieux paradoxe de cette victoire. Ducharme a fait appel à une formation expérimentée, mais aussi à une équipe pesante. C’est cette lourdeur qui a permis aux vainqueurs de s’imposer physiquement, de distribuer 55 mises en échec et de faire le ménage devant Price.

Mais les deux buts ont été marqués par les deux patineurs les plus rapides de l’équipe à l’avant, soit Anderson et Byron. Le premier a filé devant Bogosian, le second s’est détaché de Rasmus Sandin avant de marquer à genoux. Comme quoi la robustesse et la vitesse peuvent aller de pair dans un groupe.

Cela dit, ce n’est qu’une victoire. Ducharme mérite les éloges pour ses décisions audacieuses qui y ont mené. Mais l’entraîneur ne manque pas d’ouvrage pour autant d’ici à samedi. L’avantage numérique, plus ou moins menaçant malgré cinq occasions, devra notamment être amélioré, car le Canadien ne blanchira pas celui des Leafs éternellement.

Dans le détail

Marner en spectacle

PHOTO NATHAN DENETTE, LA PRESSE CANADIENNE

Mitchell Marner surveillé par Phillip Danault

Les journalistes devaient remettre cette semaine leurs bulletins de vote pour les trophées individuels de la Ligue nationale, et Mitch Marner fait certainement partie de ceux à qui il faudra dorénavant penser pour le Selke. Le trophée du meilleur attaquant défensif revient à des centres la plupart du temps, mais Marner, comme Brad Marchand et Mark Stone, fait partie des ailiers qui s’invitent dans la conversation. En désavantage numérique, il a donné des maux de tête aux Montréalais, particulièrement pendant la pénalité imposée à Jason Spezza au deuxième tiers. Son sens de l’anticipation lui a d’abord permis de couper un jeu en zone neutre. Il a ensuite profité de l’hésitation de Joel Armia dans la zone des Leafs pour lui subtiliser la rondelle et partir à deux contre un. Une belle valeur ajoutée pour un joueur déjà capable d’en faire beaucoup offensivement.

Suzuki visé

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, USA TODAY SPORTS

Nick Suzuki (14) est mis en échec par Justin Holl (3), défenseur des Maple Leafs.

Nick Suzuki a été, sans l’ombre d’un doute, le meilleur attaquant du CH en fin de saison, avec 14 points dans les 11 derniers matchs. Sa production ressortait d’autant plus que de trop nombreux attaquants montréalais ont conclu la campagne au neutre. Il ne fallait donc pas s’étonner que Suzuki fasse partie des joueurs visés par les Leafs. Le jeune centre du Tricolore était sur la patinoire depuis seulement 20 secondes quand Nick Foligno lui a servi une percutante mise en échec. Morgan Rielly s’en est aussi permis une au deuxième vingt, un coup qui n’a étonnamment pas été comptabilisé par les officiels mineurs. Quoi qu’il en soit, les Leafs ont rempli leur mission de neutraliser Suzuki de même que son prolifique ailier Tyler Toffoli. Ni l’un ni l’autre n’ont été très menaçants.

Evans aussi blessé

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Jake Evans (71) et Jack Campbell (36) se disputent la rondelle devant le filet des Maple Leafs.

Les Maple Leafs de Toronto ont perdu les services de John Tavares à la suite d’une terrifiante séquence (voir la chronique d’Alexandre Pratt sur le sujet), mais le Tricolore a également terminé la rencontre avec 11 attaquants. Jake Evans a en effet déclaré forfait après la deuxième période. Impossible de dire avec certitude comment la recrue s’est blessée. Sur Twitter, une reprise a circulé où on voit Justin Holl frapper Evans près des côtes. Evans a effectué une seule présence après cette séquence. En son absence, en troisième période, Paul Byron a effectué quelques présences au centre. S’il devait rater le deuxième match (Ducharme n’a rien annoncé à cet effet), la porte s’ouvrirait donc pour Jesperi Kotkaniemi ou Cole Caufield.

Ils ont dit

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Alors que John Tavares (91) quitte la patinoire sur une civière, Corey Perry (94) vient lui transmettre ses excuses pour le geste accidentel qui a causé sa blessure.

Il s’est fait frapper et il est tombé. J’ai tenté de l’éviter en sautant. Je ne vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre pour éviter le choc. Je connais assez bien Johnny. J’espère qu’il va bien. […] Ça m’a rendu malade [sick to my stomach] de le voir ainsi. Je vais le contacter.

Corey Perry, au sujet de la blessure de John Tavares

À la mise au jeu, Nick Foligno m’a dit : “Je sais que c’est un accident, mais c’est notre capitaine. Réglons ça tout de suite.”

Perry, au sujet de la bagarre qui a suivi

C’est ça, Carey Price. C’était un mur, ce soir. Il adore jouer ces gros matchs.

Josh Anderson

C’était bien de jouer un peu, et ça m’a permis de diversifier un peu ma fiche sur HockeyDB.

Carey Price, à propos de son match joué à Laval