Voilà bien longtemps que Josh Anderson ne perd plus le sommeil lorsque les chances ne sont pas de son côté.

Sur le plan personnel, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis que ce rachitique adolescent a été ignoré deux fois au repêchage de la Ligue junior de l’Ontario.

Partout où il est passé, il a dû faire ses preuves. Jusqu’à Montréal, où tous les doutes imaginables ont été exprimés sur son état de santé lorsqu’il a signé une prolongation de contrat de sept ans pendant la saison morte.

En entrevue avec La Presse, en octobre dernier, il a énuméré toutes les fois où il a dû confondre les sceptiques au cours de sa carrière.

Il n’y avait donc rien de surprenant, lundi matin, dans la réponse qu’il a offerte lorsqu’un journaliste lui a demandé s’il était à l’aise avec le fait que le Canadien se retrouve dans le camp des négligés à quelques jours d’amorcer sa série de premier tour contre les Maple Leafs de Toronto.

« J’adore ça », a-t-il lancé sans hésiter. Et d’ajouter : « J’ai juste hâte que ça commence. »

Les rôles pourraient difficilement être plus définis à la veille de cet affrontement. Les maisons de paris sportifs confèrent un avantage écrasant aux Torontois. La quasi-totalité des médias sportifs des deux villes prédit une victoire des Leafs.

Et les statistiques expliquent pourquoi : Auston Matthews et sa joyeuse bande ont signé 11 victoires et obtenu 18 points de plus au classement que leurs adversaires des prochains jours. Ils ont inscrit 28 buts de plus et en ont accordé 20 de moins. Tout cela, rappelons-le, dans un calendrier réduit de 56 matchs. Et ils ont gagné 7 des 10 duels entre les deux équipes.

Matthews, lui, a trouvé le moyen de marquer 41 buts, un rythme de croisière qui l’aurait vu atteindre la barre des 60 dans une saison normale. On a ajouté de vieux routiers pour encadrer les jeunes surdoués en attaque dans la Ville Reine et on a renforcé la défense.

« Toute leur équipe a connu une bonne saison », a reconnu Anderson. Ce qui ne le fait pas broncher davantage quand on évoque les chances de succès des deux clubs sur papier.

Souvenir de 2019

C’est que le gros ailier droit a vu neiger. En 2019, alors qu’il s’alignait avec les Blue Jackets de Columbus, son équipe s’est retrouvée avec la mission ingrate d’affronter le Lightning de Tampa Bay au premier tour – ce même Lightning qui venait d’égaler un record de la ligue avec 62 victoires pendant la saison. Les Jackets, eux, avaient été la dernière équipe qualifiée dans l’Association de l’Est.

Les Floridiens s’étaient même forgé une avance de 3-0 dès la première période du premier affrontement. Le massacre annoncé s’organisait.

Pourtant, six jours plus tard, les vestons bleus concluaient un balayage en quatre petites joutes devant un Lightning qui, incrédule, n’avait rien compris de ce qui venait de lui arriver.

Anderson avait même été l’un des héros de la série, inscrivant le but égalisateur lors du premier match et récoltant deux points en quatre rencontres. Le site The Cannon, qui suit les activités des Blue Jackets, a écrit après cette série que l’attaquant avait été une « équipe de démolition à lui seul », dont le jeu physique et l’échec avant avaient semé le chaos dans le camp ennemi.

Prudent, le numéro 17 du Canadien se garde de tracer des comparatifs entre la série de 2019 et celle qui l’attend aujourd’hui. Cette dernière met aux prises « deux marchés différents, deux franchises sous haute pression ». Par contre, il rappelle que les Blue Jackets d’il y a deux ans avaient en main un plan de match précis qu’ils ont exécuté à la lettre.

Il prévient à ce sujet que ses coéquipiers et lui devront travailler sans relâche pour appliquer de la pression sur les défenseurs des Maple Leafs afin de créer des revirements et, surtout, de les empêcher de relancer l’attaque dévastatrice qu’on connaît.

Avec Corey Perry et Eric Staal, au sein d’un nouveau trio qui n’a pas été rodé pendant la saison, Josh Anderson est prêt pour « la guerre ».

Cette unité, qui réunit trois des quatre plus grands attaquants du club, sera consciente de son rôle, a-t-il encore dit : celui de jouer dur, d’imposer une présence physique constante. Et bien sûr de contribuer à l’effort offensif, encore que les trois joueurs ont connu une fin de campagne très difficile, avec des disettes de 11 (Anderson), 12 (Staal) et 20 (Perry) matchs sans but.

Dès que la rondelle sera mise en jeu, jeudi soir, « on verra une équipe différente », a-t-il promis, en référence aux nombreux blessés qui reviennent au jeu dans le camp montréalais, mais également en écho aux insuccès en deuxième moitié de saison – 11 victoires en 28 matchs.

« On sent l’énergie monter au sein du groupe, l’adrénaline monter, a raconté Anderson. C’est les séries éliminatoires. C’est ce dont on rêve depuis le début, la raison pour laquelle on joue au hockey.

« Ce sera plus dur qu’avant, plus physique aussi. Mais on sera prêts. »