Est-ce que je vous l’avais prédit ?

Oh que oui, je vous l’avais prédit. En lettres blanches sur fond bleu, le 10 janvier, dans La Presse+ : pour la première fois depuis 1979, le Canadien et les Maple Leafs s’affronteront en séries éliminatoires.

Fort, hein ?

Honnêtement… pas vraiment. J’étais un peu dans le champ. J’avais prévu ce duel au deuxième tour. Pas au premier. Au terme d’une course serrée pendant toute la saison. Ce ne fut pas le cas. Après quelques semaines, le Canadien était déjà largué. Comme une Aston Martin par Lewis Hamilton.

Les Maple Leafs ont dominé sur toute la ligne. Ils ont gagné sept des dix affrontements entre les deux équipes. Ils ont terminé leur saison avec un différentiel de buts de + 41. Le Canadien, lui ? Dans le rouge. À - 9. C’est un très, très gros écart. Surtout pour une saison écourtée.

Des statistiques qui avantagent les Leafs, je pourrais vous en citer pendant une heure. Mais bon. Nous sommes samedi matin. Il fait beau. Vous avez hâte de lire notre section Inspiration. De faire les mots croisés. D’aller acheter du terreau d’empotage pour planter vos semis. Alors je serai concis.

Les Leafs devraient gagner.

Voilà.

Vous pouvez passer à l’écran suivant.

Sauf si… Sauf si vous désirez savoir comment le Canadien pourrait gagner. Car oui, malgré des mécaniques défaillantes, le Tricolore a encore une chance. Toute petite, c’est vrai. Mais elle existe. Il y a d’ailleurs des précédents intéressants.

Lesquels ?

J’ai fait la liste de tous les clubs de la Ligue nationale de hockey ayant participé aux séries entre 2000 et 2019*. Puis j’ai isolé les équipes qui, comme le Canadien cette année, ont terminé leur saison avec un différentiel négatif de buts. J’en ai recensé 18.

Comment se sont-elles débrouillées ?

Pas super bien. Quatorze ont perdu au premier tour. Seulement quatre ont survécu :

– Le Canadien de 2002, jusqu’au deuxième tour ;

– Le Canadien de 2010, jusqu’en demi-finale ;

– Les Capitals de Washington de 2012, jusqu’au deuxième tour ;

– Les Sénateurs d’Ottawa de 2017, jusqu’en demi-finale.

J’ai ensuite décortiqué les alignements de ces quatre formations. Les sommaires. Les statistiques. À la recherche d’un dénominateur commun. Ces équipes sont-elles plutôt jeunes ? Plutôt vieilles ? Plutôt offensives ? Plutôt défensives ? Plutôt agressives ? Plutôt rapides ?

Je leur ai trouvé au moins une similarité.

Un excellent gardien de but.

Le Canadien de Montréal, 2002

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Doug Gilmour va sauter dans les bras de José Théodore après que le Canadien a éliminé les Bruins de Boston en six matchs, au premier tour éliminatoire, en mai 2002.

L’attaque était pitoyable. Un seul joueur – Yanic Perreault – avait réussi plus de 45 points. Heureusement, le Canadien pouvait compter sur le meilleur gardien du moment, José Théodore, pour défendre son but. C’est d’ailleurs l’année de ses trophées Hart et Vézina. Lors du premier tour, contre les Bruins de Boston, Théodore s’était fait bombarder. Dans les matchs 5 et 6, il avait reçu 79 tirs. Son opposant ? 31. Théodore avait brillé, ne laissant passer qu’un but lors de chacun de ces deux matchs. Le Canadien avait éliminé les Bruins en 6.

Le Canadien de Montréal, 2010

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jaroslav Halak, salue la foule du Centre Bell après un match éliminatoire durant le fameux printemps 2010.

C’est l’année de Jaroslav Halak. Le Slovaque marchait sur les eaux. Souvenez-vous des partisans qui posaient son nom sur les panneaux d’arrêt, au coin des rues. Son brio avait permis au Canadien d’éliminer coup sur coup deux des favoris pour gagner la Coupe, les Penguins de Pittsburgh et les Capitals de Washington. Lors du sixième match contre les Capitals, Halak avait réalisé 53 arrêts. Ça reste, à ce jour, la plus belle performance d’un joueur à laquelle j’ai assisté au Centre Bell.

Les Capitals de Washington, 2012

Les Capitals possédaient des attaquants de qualité, comme Alex Ovechkin. Mais le joueur qui a fait la différence, c’est un jeune gardien de 22 ans comptant moins de 20 départs dans la LNH. Braden Holtby. Il avait volé la série contre les Bruins, en arrêtant 94 % des tirs dirigés vers lui, et permis aux Capitals de se rendre à la limite de sept matchs contre les Rangers de New York en quarts de finale.

Les Sénateurs d’Ottawa, 2017

Le gardien Craig Anderson brillait. Trois fois, cette saison-là, il avait été choisi joueur de la semaine. En séries, il avait enregistré six victoires en prolongation. En demi-finale, il avait arrêté 94 % des tirs dirigés vers lui, et limité quatre fois les Penguins de Pittsburgh à un but ou moins.

***

Pour vaincre les Maple Leafs, le Canadien devra lui aussi miser sur une performance exceptionnelle d’un de ses gardiens. La bonne nouvelle pour les partisans, c’est que Carey Price en est capable.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Carey Price réalise un arrêt spectaculaire contre Ilya Mikheyev, des Maple Leafs, en février 2021.

Il l’a prouvé lors des séries de 2017 (1,86/93 %) et de 2020 (1,78/94 %). Il l’a aussi démontré lors des parties du mois de mars (1,87/93 %), peu avant sa blessure. Il semble maintenant guéri, et bien reposé.

Devant lui, plusieurs autres vétérans devraient aussi être de retour. Notamment Brendan Gallagher et Phillip Danault. Je ne m’attends pas à une grande production offensive de leur part. Par contre, les deux sont hyperdoués pour conserver la rondelle. Une grande qualité, contre une équipe explosive comme les Maple Leafs. Moins Auston Matthews, Mitchell Marner et John Tavares toucheront à la rondelle, meilleures seront les chances de gagner du Tricolore.

Est-ce que ce sera suffisant pour que le Canadien cause la surprise ?

J’en doute. Par contre, je crois que la série sera plus serrée que ne l’anticipent les partisans.

Ma prédiction ?

Les Leafs en 7.