Appelons ça le syndrome de l’étudiant de cégep. Vous savez, cette propension à attendre la veille de la date de remise pour amorcer un travail de session ? À attendre à 2 h du matin, la veille (ou plutôt le jour même) de l’examen pour commencer à étudier ?

Remplacez le travail de fin de session par les séries éliminatoires, et l’analogie s’applique à merveille à ce que montre le Tricolore en cette fin de saison. Ça s’est de nouveau observé dans la défaite de 5-2 subie jeudi aux mains des Maple Leafs de Toronto.

Comme des étudiants, les joueurs du CH sont parfaitement au fait des échéanciers. Depuis l’automne dernier, ils savent que cette saison comportera 56 matchs, qu’elle finira quelque part à la mi-mai et que les séries arriveront rapidement.

Pourtant, ils sont incapables de chasser les mauvais plis, par exemple les lents débuts de match. Et Jake Allen, venu éteindre un feu devant le filet, en a assez.

« Ç’a été 20 mauvaises minutes. Chaque équipe a de mauvaises périodes, a rappelé le gardien venu en relève à Cayden Primeau. Toronto est une équipe qui va te le faire payer si tu as une mauvaise période. On doit se sortir la tête du derrière au prochain match et être prêts à jouer. »

Comme un disque qui saute

Prenons les départs lents. Cette tendance était présente même pendant la récente série de trois victoires, car dans chacune d’elles, le Canadien a dû remonter pour l’emporter. Dans les six derniers matchs, Montréal s’est fait détruire 9-1 au pointage au premier tiers.

Le 4-0 que lui a collé Toronto jeudi a empiré cette fiche. Il est évident que Cayden Primeau n’était pas au sommet de son art, et les deux buts rapides d’entrée de jeu ont visiblement miné sa confiance. Ce n’est pas un hasard si Ducharme savait déjà, à 3-0 après 10 minutes, qu’il souhaitait procéder à un changement devant le filet.

Mais le jeune homme disputait le cinquième match de sa carrière ; il serait injuste de rejeter la faute sur lui.

Sur le premier but, Cole Caufield, encore moins expérimenté que Primeau, est incapable de placer son bâton pour empêcher Alex Galchenyuk de tirer ; Joel Edmundson et Phillip Danault le regardent eux aussi travailler sans intervenir.

Sur le deuxième filet, Ben Chiarot, habituellement impérial devant le filet, joue mollement au côté de John Tavares. Sur le troisième filet, on laisse Pierre Engvall s’amener à pleine vitesse et Jeff Petry montre peu de conviction pour tenter de le contrer. Et sur le quatrième, comment expliquer que le dangereux Mitch Marner ait eu autant d’espace en zone offensive que Pat Woodcock dans la zone des buts pendant les belles années des Alouettes ?

« Ce n’est pas sa faute. C’est notre faute, a assuré Chiarot, se portant à la défense de Primeau. On était à plat devant lui, on ne lui a donné aucune aide. Avec un jeune gardien, il faut être au point dès le départ pour lui permettre de trouver ses aises. »

Tomas Tatar, lui, a souligné à au moins trois reprises que le CH disputait un deuxième match en 24 heures. « Ce n’est pas facile quand tu as joué la veille et qu’une équipe t’attend ici, à ce moment-ci de l’année. Ils avaient de l’énergie. Mais on doit être meilleurs. »

La bonne nouvelle, pour ceux qui sont tannés d’entendre cette justification, est qu’elle ne servira plus puisque le Canadien disputait sa dernière série de deux matchs en deux soirs de la saison…

Tendances inverses

Rien n’est encore coulé dans le béton, mais avec cette défaite, il sera plus difficile pour le Canadien de coiffer les Jets au 3e rang, et d’éviter les Maple Leafs au premier tour.

Or, si Montréal et Toronto doivent se rencontrer en séries, les dernières semaines n’augurent rien de bon pour le CH.

Le Tricolore montre une fiche de 10-12-0 depuis la pause attribuable à la COVID-19 à la fin mars. La partie troublante : 9 des 12 défaites ont été enregistrées par un écart de trois buts ou plus.

À l’inverse, les Leafs montrent un dossier de 12-3-3 au cours de la même période. Leur victoire de jeudi était leur sixième à leurs sept dernières sorties.

Jeudi matin, le défenseur Travis Dermott reconnaissait que le 1er rang de la division Nord était l’objectif des Leafs, tout en ajoutant : « Arriver en séries en confiance est un autre de nos objectifs. On veut bien se sentir et aligner quelques bons matchs. »

Il n’y a pas de recette infaillible pour obtenir du succès en séries. Les Blackhawks de 2015 avaient connu une fin de saison pénible avant de soulever le gros trophée deux mois plus tard. Le Lightning de 2019 a conclu sa saison en force avant de plier bagage en quatre matchs.

Il n’y a pas de marche à suivre, mais à tout prendre, on devine que les Leafs arriveront en séries dans de meilleures dispositions que le CH…

Dans le détail

Danault tombe au combat

Rien ne fonctionnait en première période pour le Canadien. Et quand tout va mal… Phillip Danault a quitté la rencontre après seulement 12 minutes de jeu au premier engagement, blessé au haut du corps. « On ne pense pas que ça peut être à long terme, mais on va voir, il y a encore des choses à faire », a simplement dit Dominique Ducharme, avare de détails. Le pauvre Danault a donc fini sa soirée de travail avec un dossier de - 3 en seulement six présences… Cela dit, l’acquisition d’Eric Staal a été très commode pour Ducharme dans ce match. En effet, malgré l’absence de Danault, l’entraîneur-chef avait encore quatre centres à sa disposition, puisqu’il en avait deux (Staal et Jake Evans) au sein de son quatrième trio. Avec un Staal vieillissant et Jesperi Kotkaniemi qui a perdu ses repères, un scénario à trois centres n’aurait pas exactement été idéal.

Pauvre Anderson

Avant le match, Ducharme a défendu Josh Anderson, qui traverse sa première véritable léthargie de la saison. Avec la soirée de mercredi, il n’a pas de point à ses neuf derniers matchs, et a été blanchi dans 12 de ses 13 dernières rencontres. « Il a manqué beaucoup de chances, des poteaux, des chances franches. Tant qu’il continue à se donner des chances, il va recommencer à marquer des buts », avait dit Ducharme. Il importe ici de noter qu’Anderson n’a pas eu de tir au but dans quatre de ses neuf derniers matchs. Mercredi, cependant, il a été très visible et a joué exactement comme le joueur décrit par Ducharme. Seulement en première période, il a obtenu deux occasions : une arrêtée par Jack Campbell, l’autre hors cible. En avantage numérique, en deuxième période, le gros Ontarien a obtenu un autre tir de qualité du haut de l’enclave. Anderson a aussi provoqué deux pénalités aux Leafs.

Un jeune à l’essai

Le 3 mars, les Maple Leafs inscrivaient deux buts en avantage numérique dans un gain face aux Oilers, portant alors leur taux de succès à 32,5 % avec l’avantage d’un homme, au 2e rang de la LNH. Depuis ? Seulement 5 petits buts en 68 tentatives, pour une efficacité de 7,3 %. La situation a mené Sheldon Keefe à tenter des expériences, notamment en mutant le jeune Rasmus Sandin, choix de 1er tour des Leafs en 2018, aux commandes de la première unité. Ce faisant, le vétéran Morgan Rielly peut ainsi épauler la deuxième unité. Les Torontois ont fait chou blanc en trois occasions – dont un cinq contre trois de deux minutes –, mais on a néanmoins pu voir en quoi le coup de patin fluide de Sandin pourrait être un atout. Le Suédois a en effet un don pour cacher ses intentions en patinant, chose qu’il a faite à merveille lors d’une montée en zone neutre en première période.

Ils ont dit

Ça signifie beaucoup pour moi. Je joue avec des joueurs incroyables. Je suis reconnaissant, c’est un sport d’équipe, alors beaucoup de mérite revient à l’équipe.

Auston Matthews, sur sa récolte de 40 buts en 49 matchs

Ç’a l’air si facile pour lui… Il mérite toute notre admiration. Marquer des buts est difficile dans cette ligue, alors marquer comme il le fait, c’est franchement impressionnant.

John Tavares, sur Auston Matthews

Dès le premier jour du camp d’entraînement, il a sauté sur la glace et mené la charge pour notre équipe. C’était clair qu’il était prêt à élever son jeu à un autre niveau et à tirer le club avec lui. C’est incroyable de le voir aujourd’hui récompensé. Croyez-moi, il ne ralentira pas.

Sheldon Keefe, sur Auston Matthews

C’était ma décision. Ce n’était pas une situation facile pour lui. En même temps, avec Carey blessé, je ne voulais pas le retirer en milieu de période et envoyer Jake à froid et risquer une autre blessure. Ma décision était prise en milieu de période et je voulais qu’il se batte pour la fin de la période.

Dominique Ducharme, au sujet du retrait du match de Cayden Primeau

Je me sentais bien. Tout se passait si vite. J’ai manqué quelques matchs. Je suis content que le premier match soit sorti du système et j’espère être meilleur.

Tomas Tatar, de retour après cinq matchs d’absence

Les séries, le fait de pouvoir assurer notre place, c’est du bruit de l’extérieur. On doit trouver notre façon de jouer et nous améliorer.

Jake Allen

En hausse : Jake Allen

Appelé en renfort en deuxième période, il a stabilisé le Tricolore et lui a permis de revenir dans le match jusqu’au but d’assurance d’Auston Matthews en fin de troisième période.

En baisse : Jake Evans

Il connaissait ses meilleurs moments de la saison dernièrement, mais cette fois, il n’avait pas avec son aplomb des derniers matchs.

Le chiffre du match : 40

Déjà une troisième saison de 40 buts pour Auston Matthews. La statistique deviendra pratiquement banale pour lui au fil des années, mais il importe de souligner qu’il a inscrit son 40e à son 49match de la saison !