Les choses changent vite au hockey. Parlez-en au Canadien, qui a réussi à complètement changer les discussions en l’espace de quelques matchs.

Encore la semaine dernière, après une énième défaite décevante face aux Maple Leafs de Toronto, tous se demandaient si l’équipe allait tenir le coup jusqu’aux séries éliminatoires. Le collègue Martin Leclerc avait brillamment illustré la séquence du Canadien en la comparant à une fin de Grand Prix de Nigel Mansell, qui avait dû pousser sa monoplace. Relançons-le avec Lunettes Paysano aux 500 milles d’Indianrockolis, ses roues de pierre se désagrégeant juste avant le fil d’arrivée.

Une semaine et trois victoires plus tard, ces discussions semblent bien lointaines. Le Tricolore a largué Calgary et Vancouver, et a rejoint Winnipeg au troisième rang de la division Nord. Si les positions 1 et 2 de la division sont relativement assurées à Toronto et à Edmonton, l’ordre des deux dernières positions peut encore bouger. Ce qui changerait évidemment l’identité de l’adversaire du Canadien au premier tour.

Une autre baisse de régime n’est pas à exclure, avec cette équipe hautement imprévisible. Mais en attendant, la troisième place devient-elle l’objectif pour les cinq derniers matchs ?

« Maintenant que c’est une possibilité, c’est bien. Mais au départ, l’objectif était de participer aux séries, a rappelé le gardien Jake Allen, après l’entraînement de mardi. Évidemment, on veut se classer le plus haut possible. Mais que l’on finisse premier, deuxième, troisième ou quatrième, n’importe qui peut battre n’importe qui en séries. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jake Allen

Prudence

Dominique Ducharme ne semble pas particulièrement pressé d’accorder du repos préventif à ses joueurs.

« Aujourd’hui, on n’est pas dans cette situation », a-t-il rappelé, ajoutant qu’il n’était pas en position de « faire des plans pour plus tard ».

On se concentre vraiment sur [ce mercredi]. On verra après le match où on est rendus, qui est prêt à revenir. Si notre position est assurée et que rien ne peut bouger, on va peut-être prendre ce temps pour gérer les choses. Mais on n’est pas là.

Dominique Ducharme

Théoriquement, Ducharme n’a pas tort. Le Canadien compte 10 points d’avance sur les Flames, qui ont encore 6 matchs à jouer, et 16 points d’avance sur les Canucks, qui ont encore 10 matchs à disputer. Le chiffre tragique (nombre de points que Montréal doit gagner ou que l’autre équipe doit perdre) est de 3 pour les Flames et pour les Canucks. Leur marge de manœuvre est donc inexistante.

À Toronto, les Maple Leafs ont d’ailleurs eux aussi attendu d’assurer leur place en séries avant d’accorder des congés. Ils ont confirmé leur place mercredi dernier, justement avec leur victoire au Centre Bell. Le lendemain, ils affrontaient les Canucks. Les vétérans Nick Foligno, Morgan Rielly et Jake Muzzin ont été retranchés, de même que le gardien Jack Campbell.

Sheldon Keefe, l’entraîneur-chef des Leafs, avait justifié sa décision en rappelant qu’il s’agissait du dernier segment de deux matchs en 24 heures de son équipe, et que le calendrier était ensuite plus léger.

« On va y aller un match à la fois, selon le calendrier et comment les gars se sentent. Mais avec notre calendrier, je ne prévois pas le refaire. Ce qui déterminera nos décisions, ce sera simplement comment les gars vont se sentir. »

Une rare bonne séquence

Le Canadien ne l’a pas eu facile en cette fin de saison, principalement en raison de la pause d’une semaine après que Joel Armia eut contracté la COVID-19.

Entre le retour au jeu (le 30 mars) et son dernier match de la saison, le Tricolore aura donc disputé 25 matchs en 44 jours, soit beaucoup plus de matchs que ses deux adversaires potentiels du premier tour.

Les Maple Leafs n’auront disputé que 21 matchs à partir du 30 mars, et les Oilers, 20.

Par contre, le calendrier du Tricolore se termine le 12 mai, tandis que les Leafs disputeront leur dernier match le 14, et les Oilers, le 15. Le Canadien pourrait ainsi obtenir un petit repos supplémentaire avant d’amorcer les séries.

De plus, les vétérans Brendan Gallagher, Tomas Tatar, Paul Byron, Shea Weber et Carey Price auront tous eu une pause « involontaire » parce qu’ils sont actuellement blessés.

Pour le préparateur physique Jean-Philippe Hamel, le nombre de matchs en fin de saison ne devrait pas nécessairement guider les décisions de Ducharme.

« Ça devient une excuse. Quand les séries commenceront, le coach va simplement dire qu’on repart à zéro, que c’est une nouvelle saison, estime Hamel, entraîneur au Lab Training et entraîneur adjoint chez les Stingers de l’Université Concordia. De toute façon, si on prend les Maple Leafs, on peut aussi dire qu’Auston Matthews et Mitch Marner jouent plus de minutes que les attaquants du Canadien, et qu’ils vont avoir joué le même nombre de minutes en moins de matchs. La pause de la COVID-19 a aussi permis à des joueurs de guérir des bobos. »

Comme il est préparateur physique et entraîneur, Hamel peut comprendre les deux côtés de la médaille quand de telles décisions se présentent.

« Si tu as des joueurs qui ont des blessures, aux hanches, à l’aine, tu les rencontres et tu leur fais comprendre qu’un peu de repos serait important. L’objectif n1 était d’atteindre les séries. L’objectif n2 est maintenant de gagner une ronde et il faut le préparer.

« Mais tu as aussi des gars qui veulent jouer et qui sont en santé, et qui vont te dire : je veux jouer, je veux garder mon rythme, mon énergie est bonne. C’est là que la discussion est essentielle. La décision doit se prendre en collaboration avec le joueur, les entraîneurs et les préparateurs physiques. De toute façon, le Canadien fait un bon suivi de la demande énergétique de chaque joueur. »

Il y a aussi le fait que cette équipe a toutes les misères au monde à se donner un élan depuis son départ canon. L’actuelle séquence de trois victoires est seulement sa troisième du genre cette saison.

« Il faut finir la saison de la bonne façon. C’est la première étape, a estimé Jake Allen. Il faut bâtir notre jeu, trouver notre momentum et ne pas le perdre. »