Bien sûr, les chances ratées. Bien sûr, les revirements. Bien sûr, Erik Gustafsson.

Rien n’étant parfait en ce bas monde, le match du Canadien, vendredi soir, était bourré de défauts. Mais quand on y pense, cette victoire de 5-3 contre les Jets de Winnipeg a stoppé ou renversé tellement de mauvaises tendances que, finalement, il est difficile de ne pas y voir précisément la performance dont cette équipe avait besoin.

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Le 7 avril, on apprenait que Brendan Gallagher ne jouerait plus de la saison. Le soir même, après une défaite à Toronto, Jake Allen y allait de cette déclaration : « C’est malheureux, mais c’est une chance pour d’autres gars de se lever et de bien jouer. De remplir ses souliers. »

Avance rapide, un peu plus de trois semaines plus tard, après ce gain contre les Jets. Le même Allen, cette fois à propos de la blessure qui a forcé Shea Weber à déclarer forfait : « C’est triste pour lui, mais ça a donné des chances aux autres. Les gars se sont levés. »

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Tyler Toffoli, Nick Suzuki et Jeff Petry

Le but ici n’est pas d’insinuer qu’Allen sonne comme un disque qui saute – le gardien du CH étant, au demeurant, l’un des représentants les plus éloquents de son groupe. Mais sa dernière intervention prend une résonance toute particulière du fait que, pour l’une des premières fois depuis l’appel des souliers, la réponse s’est fait entendre avec clarté.

Prenons Ben Chiarot, par exemple. En l’absence de son partenaire des deux dernières années, il s’est retrouvé dans l’inconfortable obligation de jouer sur le flanc droit, ce qu’il n’avait jamais fait, ou presque, depuis qu’il évolue à Montréal.

Le résultat n’a pas été sans faille. Le défenseur a tout de même disputé, et de loin, son meilleur match depuis son retour au jeu à la mi-avril.

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Connor Hellebuyck

À la droite d’Alexander Romanov, il est redevenu « le Chiarot qu’on veut voir tous les soirs », a opiné l’entraîneur-chef Dominique Ducharme, qui a décrit sa performance comme « simple et efficace […], avec la rondelle, oui, mais aussi pour tuer des jeux ».

On a en effet retrouvé le défenseur qui peut être mobile et connaître du succès en appuyant l’attaque. Un aide-mémoire précieux, car parfois nécessaire.

Un autre qui semble déterminé à reprendre le contrôle de sa destinée est Nick Suzuki. Le jeune joueur de centre, flanqué de Tyler Toffoli et du Joel Armia des beaux jours, avait pourtant la tâche ingrate d’affronter le meilleur trio des Jets. Son unité a néanmoins largement dominé la possession du disque à forces égales, et Suzuki a inscrit deux des buts des siens.

La satisfaction est d’autant plus grande, pour lui, qu’il a longtemps semblé dérouté depuis le début du printemps. La magie des premières semaines de la saison s’était visiblement éteinte. La voilà toutefois rallumée, comme en font foi ses six points – dont trois vendredis – à ses quatre derniers matchs.

« Il est une véritable menace offensive, a résumé Jake Allen. Quand il est en feu, il est dur à arrêter. »

Montagnes

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Alexandre Burrows et Dominique Ducharme

Encore mercredi, après une défaite contre les Maple Leafs de Toronto, Ducharme s’était désolé que ses hommes aient abordé leur retard de 2-0 de la mauvaise manière. Ils avaient vu la montagne plus grosse qu’elle ne l’était en réalité, avait-il imagé.

À ce chapitre aussi, contre les Jets, on a rompu avec le passé récent. Car le Tricolore s’est donné deux montagnes à escalader en se plaçant à autant de reprises en retard de deux buts. À 2-0, il a d’abord réduit l’écart, puis il a plus tard surmonté un déficit de 3-1.

« Je ne pense pas qu’il faille avoir peur de ces retards, car on peut les combler », a prévenu Nick Suzuki. Selon lui, toute l’équipe en retirera une importante dose de confiance.

« C’est une bonne leçon pour nous, a abondé Ben Chiarot. Les gars ne se sont pas laissé abattre. Ces points au classement sont tellement importants… Il y aura encore des matchs pendant lesquels on tirera de l’arrière 2-0 d’ici la fin de la saison. On doit rester dans la bataille. »

Dominique Ducharme, de son côté, a salué le fait que ses troupes s’en étaient tenues au plan en place, un autre élément qui a souvent fait défaut, encore davantage récemment.

Dans l’adversité, on doit retourner au plan, à ce qu’on contrôle. On a même poussé un peu plus, mais de la bonne façon. Ç’a rapporté.

Dominique Ducharme, entraîneur-chef du Canadien

Une partie du plan, justement, consiste à passer davantage de temps en zone adverse – et inversement, moins en zone défensive. Là aussi, on a assisté à un déblocage, après de longues soirées passées à se défendre tant bien que mal sans générer d’attaque.

Chiarot a rendu hommage au travail des attaquants, au mouvement soutenu et au succès en protection de rondelle.

« On avait des options, a renchéri Ducharme. On a utilisé tous nos outils. […] On n’était pas prévisibles, on s’est donné de l’espace dans la zone, on a gagné du temps, on a activé les défenseurs au bon moment, bien travaillé derrière le but, obtenu des tirs, des retours, des déviations… »

Ce n’est pas si compliqué, quand on y pense.

Le principal défi, maintenant ? « Revenir et faire la même chose » ce samedi soir contre les embêtants Sénateurs d’Ottawa, selon Ducharme.

Une dernière chose à retenir de cette imparfaite victoire parfaite – cette remarque de Nick Suzuki, qui a indiqué que son équipe « devait gagner des matchs pour Shea Weber d’ici à ce qu’il puisse revenir ».

C’est une jolie attention pour le capitaine, inédite, il nous semble, depuis le début de la saison.

Qu’à cela ne tienne, si jamais le Tricolore voulait créer une tradition en dédiant ses victoires à ses blessés, il ne manquerait pas de choix.

En hausse : Cole Caufield

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Cole Caufield

Sept rondelles envoyées vers le filet, dont trois sur la cible. Son meilleur match jusqu’ici.

En baisse : Erik Gustafsson

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Erik Gustafsson

Il est à l’aise en avantage numérique, mais à cinq contre cinq, c’est parfois catastrophique. On s’explique mal pourquoi Brett Kulak est encore en pénitence.

Chiffre du match : 19

Pour la première fois en 19 matchs, le Canadien a marqué deux buts en avantage numérique. La dernière occurrence remontait au 19 (décidément) mars dernier.

Dans le détail

Une fin de semaine sans Weber ?

Le bilan médical du Canadien ne s’améliore pas. L’équipe était déjà privée de quatre attaquants et de Carey Price, et voilà que Shea Weber manquait à l’appel vendredi et que sa présence samedi est « peu probable », dixit Dominique Ducharme. Le capitaine du Tricolore subira des examens approfondis pour une blessure au haut du corps dont Ducharme n’a pas voulu dévoiler la nature exacte. Le plus intéressant, cependant, est que Weber a subi cette blessure au début du dernier voyage, et qu’il a donc disputé les derniers matchs en dépit de celle-ci. « Quand on dit que c’est un guerrier, ce ne sont pas des blagues », a dit l’entraîneur. Ce n’est pas la première fois que Weber joue malgré une blessure, notamment au début de la saison 2017-2018, ce qui a été suivi d’une absence d’un an. Ducharme semblait cependant plus serein lorsqu’il a parlé de Joel Armia, sonné par Derek Forbort en fin de match. « Ça n’a pas l’air si mal », a-t-il dit.

Un trio étonnant

Artturi Lehkonen a inscrit le troisième but du Canadien, vendredi soir, au grand bonheur de Cole Caufield. Plusieurs craignaient que Cole Caufield soit éteint en jouant avec Artturi Lehkonen et Jake Evans, deux attaquants qui n’ont pas exactement rempli les filets adverses cette saison. Cela dit, Jake Evans joue avec aplomb depuis son retour dans la formation le 24 avril dernier, et Lehkonen ne manque jamais d’énergie. Ça a donné une unité très efficace, qui a passé bien plus de temps en zone offensive qu’ailleurs. Les trois comparses ont même réussi quelques bonnes présences, même si Mark Scheifele et Kyle Connor sont les deux attaquants adverses qu’ils ont vus le plus souvent. Caufield a obtenu les principales chances de marquer, dont un tir qui a abouti sur le poteau. Mais au bout du compte, c’est Lehkonen qui a marqué en faisant confiance à son tir, plutôt que de tenter une passe impossible à Caufield, avec Neal Pionk qui a plongé pour bloquer la ligne de passe.

Pauvre Kulak…

Pour un sixième match de suite, Brett Kulak était relégué aux gradins. Le pauvre a perdu sa place avec l’arrivée de Jon Merrill et d’Erik Gustafsson. Or, à voir aller Gustafsson, on comprend de plus en plus pourquoi il n’a coûté qu’un choix de 7e tour à Marc Bergevin. Son jeu est souvent très risqué, mais sans les retombées offensives qui viennent avec une telle audace. En deuxième période, il est carrément passé tout droit sur une rondelle qui semblait pourtant bien à plat sur la patinoire, ce qui a permis à Trevor Lewis de s’envoler et de marquer son deuxième but du match. S’il y a une justification à la présence de Gustafsson, c’est possiblement sa capacité de jouer en avantage numérique, un critère essentiel en l’absence de Weber. On a certes vu Alexander Romanov au sein de l’attaque à cinq cette saison, mais vendredi, le défenseur recrue a été fortement sollicité à forces égales et a fini sa soirée avec 23 minutes au compteur. Dans les circonstances, on devine que Ducharme était content d’avoir une autre option que lui pour le cinq contre quatre.

Ils ont dit

Ils volaient dès le départ. Jake est le centre et dictait le rythme. Cole a eu des chances, les buts vont venir. Lehkonen patinait, c’est une peste sur la patinoire. Et Lehkonen a marqué sur un très beau but.

Jake Allen, au sujet du trio de Jake Evans

Il voit tellement bien le jeu, il connaît tous les jeux dans le livre. J’ai beaucoup de plaisir à jouer avec lui. On trouve de la cohésion dernièrement et ça va aller en s’améliorant.

Nick Suzuki, au sujet de Tyler Toffoli

[Alexander Romanov] est un bon patineur, il passe bien la rondelle. J’ai essayé de communiquer le plus possible avec lui. C’est un bon joueur, alors je n’ai pas grand-chose à faire. Juste aller sur la glace et jouer.

Ben Chiarot

Toutes les défaites sont nulles. Je ne sais pas si celle-là est pire.

Trevor Lewis

On a une bonne équipe. C’est vrai que l’on traverse une période difficile. Vous pouvez paniquer quand vous voulez, mais nous, on ne paniquera pas.

Paul Maurice, à propos de la sixième défaite de suite des Jets