Officiellement, Andrew Shaw a été victime de cinq commotions cérébrales au cours de sa carrière, si l’on se fie aux données de la LNH. Mais combien en a-t-il subi en réalité ? « Je ne sais pas… Beaucoup ! »

Le fougueux attaquant des Blackhawks de Chicago n’a tristement surpris personne, lundi matin, en annonçant sa retraite prématurée du hockey professionnel, à seulement 29 ans.

La commotion qu’on lui a diagnostiquée à la suite du match du 9 février dernier contre les Stars de Dallas a été celle de trop. Après de longues discussions avec des professionnels de la santé, qui lui ont exposé en long et en large les répercussions à long terme que pourraient avoir les coups répétés à la tête sur sa vie future, Shaw a décidé d’accrocher ses patins.

« Pour la première fois de ma vie, j’ai écouté les médecins », a-t-il dit au cours d’une visioconférence.

Difficile d’interpréter cette affirmation. D’une part, celui qui a disputé trois saisons avec le Canadien, de 2016 à 2019, maintient qu’autant à Montréal qu’à Chicago, son équipe s’est toujours assurée qu’il était « complètement en santé » avant de lui donner le feu vert pour revenir au jeu.

Or, combien de fois a-t-il plutôt décidé de ne pas « écouter les médecins », pour reprendre son expression ? C’est moins clair.

Dans une entrevue accordée au réseau Sportsnet, à la veille du camp d’entraînement du Canadien, en 2017, Shaw avait expliqué avoir passé une bonne partie de l’été à composer avec les séquelles d’une commotion subie pendant les séries éliminatoires. Troubles du sommeil, anxiété, montagnes russes émotionnelles… un refrain connu chez les abonnés aux coups à la tête.

Et combien d’autres blessures ont contribué à empirer sa situation ? Pensons notamment à cette blessure au cou qui lui a fait rater 15 matchs pendant l’hiver 2019, et qui lui avait valu des maux de tête, de l’aveu même de l’entraîneur-chef de l’époque, Claude Julien.

« Je ne sais pas combien j’ai subi de commotions dans ma vie, a encore dit Shaw, lundi. Pas mal plus que bien du monde, c’est sûr… »

Sans retenue

Cette retraite anticipée est, malheureusement pour Shaw, une conséquence directe du style de jeu qu’il a pratiqué au cours des 616 matchs qu’il a disputés dans la LNH, en incluant les séries éliminatoires.

Lui-même l’a rappelé, lundi : dès sa deuxième présence sur la glace, à son tout premier match en 2012, il a jeté les gants contre le dur à cuire Zac Rinaldo. Et il a marqué un but plus tard dans la même rencontre.

Pour ce joueur de 5 pi 11 po, ignoré deux années de suite au repêchage avant d’être sélectionné par les Hawks au cinquième tour en 2011, qui n’était ni le plus rapide ni le plus habile des joueurs de sa génération, le message était clair : c’est cette « mentalité de col bleu », inhérente selon lui à la population de Chicago, qui serait la clé de son succès dans la LNH.

Depuis le début de la saison 2011-2012, sa première dans le circuit, il a distribué 1044 mises en échec. Cette récolte, quoique notoire, n’est pas hors norme – elle le place en réalité en 48e place, très loin derrière le meneur, Matt Martin (2835).

La différence dans le cas d’une petite peste comme Shaw, c’est qu’il en a reçu encore davantage qu’il en a donné : 1232. Martin, notre contre-exemple, en a essuyé 841 en disputant 120 matchs de plus.

Au cours de ces 10 saisons, Shaw s’est également battu à 20 reprises, selon une compilation du site HockeyFights. Quand on regarde la liste de ses adversaires, on constate qu’il n’a pas choisi la voie de la facilité. De purs durs à cuire comme Chris Neil, des colosses comme Ben Chiarot, Corey Perry, Darnell Nurse… À cela s’ajoutent 24 autres combats dans les rangs juniors et 6 autres dans la Ligue américaine.


PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Un combat entre Andrew Shaw (à droite) et Brendan Smith lors des séries éliminatoires de 2017.

Le jeu rude, toujours la pédale au plancher, sans peur ni retenue, est devenu son pain et son beurre. Nul doute dans son esprit : « Il n’y avait aucune chance que je change ma manière de jouer. »

Le prix à payer a toutefois été élevé. Il a dû faire l’impasse sur les 44 derniers matchs de la saison ainsi que sur les séries éliminatoires en 2019-2020. Et sa commotion du 9 février dernier lui a coûté les 32 matchs menant à l’annonce de lundi matin.

La décision qu’il prend aujourd’hui, repoussée depuis longtemps, mais envisagée avec sérieux au cours des derniers mois, était devenue inévitable.

« À long terme, c’est la meilleure pour moi », croit-il. Répéter sans cesse les étapes du processus de guérison, « ça ne donne pas une bonne qualité de vie ». Et vu son historique médical, « ça semblait destiné à arriver de plus en plus souvent ».

Le temps était donc venu, à contrecœur, « d’arrêter de jouer à ce jeu que j’adore ».

Adoré

Le souvenir que laisse derrière lui Shaw est quasi unanime : celui d’un joueur adoré. Le favori des partisans vu l’intensité qu’il a démontrée à chaque minute qu’il a passée sur la glace. Mais également le chouchou de ses coéquipiers, envers lesquels il a fait preuve d’une dévotion sans limites.

Même s’il a joué un rôle-clé dans deux conquêtes de la Coupe Stanley avec les Blackhawks, en 2013 et en 2015, ce qui lui manquera le plus sera la camaraderie du vestiaire.

Dans le communiqué annonçant sa retraite, il a d’ailleurs lui-même évoqué les tours qu’il a joués à ses coéquipiers au cours des années.

J’espère que ma femme sera tolérante, car maintenant, c’est elle qui va devoir m’endurer !

Andrew Shaw

Il s’est en outre dit « choyé » d’avoir joué pour deux des équipes dites « originales » de la LNH.

À Montréal, il a connu « trois années magnifiques » et a tissé des amitiés qui le suivront longtemps. Et retourner à Chicago au cours de l’été 2019 lui a permis de conclure sa carrière là où il l’a commencée. Il compte d’ailleurs rester dans la ville des vents au cours des prochaines années.

Ses plans à court terme se résument à passer du temps en famille. Mais il se verrait bien revenir dans le hockey, peut-être même dans l’organisation des Hawks.

« Ce n’est pas un au revoir », a-t-il prévenu.

Puis, pince-sans-rire : « Vous verrez encore ce beau visage-là, entendrez encore cette belle voix-là… »

Pas de doute, Andrew Shaw n’a pas changé. Et n’est pas près de le faire.