Les Blackhawks de Chicago, les Penguins de Pittsburgh et le Lightning de Tampa Bay ont encouragé les organisations moins fortes à opter pour une reconstruction dans la dernière décennie.

Ils ont terminé dans la cave pendant quelques saisons et ont ainsi pu repêcher des joyaux comme Jonathan Toews, Patrick Kane, Sidney Crosby (merci à la loterie de 2005), Evgeni Malkin, Steven Stamkos et Victor Hedman pour ainsi relancer leurs équipes respectives.

Mais les exemples récents sont moins probants. Les Sabres de Buffalo occupaient le dernier rang du classement général en 2014. Puis en 2015 aussi. Presque huit ans plus tard, ils n’ont toujours pas participé aux séries et sont en train de battre des records de médiocrité.

Les Red Wings de Detroit et Steve Yzerman doivent sans doute espérer une reconstruction semblable à celle du Lightning, mais leur situation commence à ressembler à celle des Sabres.

Detroit occupait le 25e rang du classement général en 2017. Ils sont à égalité au 29e rang presque cinq ans plus tard.

Le plus inquiétant, c’est que leurs jeunes vétérans régressent. Dylan Larkin, 24 ans, a 18 points, dont 6 buts, en 32 matchs. Anthony Mantha, 26 ans, en a 17 en 35 rencontres.

PHOTO JEROME MIRON, USA TODAY SPORTS

Anthony Mantha

Le défenseur de 23 ans Filip Hronek est l’un des rares points positifs dans le camp des Red Wings. Il est le premier compteur de l’équipe et joue presque 24 minutes par match. Le deuxième compteur, Robby Fabbri, a été obtenu dans un échange pour Jacob De La Rose. Quelque chose cloche.

Parmi les hauts choix au repêchage des dernières années, Michael Rasmussen, neuvième choix au total en 2017, et Filip Zadina, sixième choix au total en 2018, tardent à faire leur place, même s’ils n’ont pas trop de compétition sur des trios plus offensifs.

Rasmussen, repêché l’année de Nick Suzuki, le 13e choix de sa cuvée, a cinq points en 20 matchs. Zadina, 21 ans, a été repêché pour ses qualités de buteurs. Il a trois buts en 29 matchs, mais dix aides.

On s’accroche à l’espoir de voir les deux plus récents premiers choix de l’équipe, le défenseur Moritz Seider, sixième choix au total en 2019, et Lucas Raymond, quatrième au total en 2020, rejoindre le club d’ici septembre, mais dans quel état se retrouvera le reste du groupe ?

Car la reconstruction peut aussi avoir des effets pervers. Les années perdantes contribuent parfois à miner le moral des jeunes joueurs et à créer une culture toxique.

Prenez les Sabres. Eichel, deuxième choix au total en 2015, vit une sixième année perdante. Reinhart, deuxième choix au total l’année précédente, une septième et le défenseur Rasmus Dahlin, premier choix en 2018, déjà une troisième. Le pauvre Dahlin semble complètement perdu sur la glace. Tellement de talent pourtant.

Dans une reconstruction, il y a toujours aussi le risque de ne pas faire les bons choix. Reinhart avant Draisaitl en 2014 n’a pas été payant. Alexander Nylander et Casey Mittelstadt, deux joueurs repêchés au huitième rang, n’ont pas eu d’effet positif. Nylander a été préféré à Sergachev et McAvoy, entre autres, Mittelstadt à Suzuki et Necas. Nylander a déjà été échangé pour le jeune défenseur Henri Jokiharju. Rasmussen à Detroit a lui aussi été préféré à Suzuki et Necas.

Les nouveaux règlements ne favorisent pas non plus des reconstructions telles qu’on les a connues. Le plafond salarial, entre autres, ne permet plus de garder ensemble un lot de vedettes qui ont émergé au même moment.

Le règlement de la loterie nuit également. Terminer dans la cave du classement ne garantit plus un premier ou un deuxième choix.

De 1995 à 2012, seuls les cinq pires clubs au classement pouvaient espérer recevoir le premier choix au total. La pire équipe au classement recevait, dans le scénario le plus dramatique, le deuxième choix au total. Mais elle avait néanmoins 25 % de chances de remporter la loterie et conservait son premier choix si une équipe à l’extérieure du top 5 des pires clubs remportait la loterie (car le gagnant de l’époque ne pouvait gagner plus de quatre rangs).

En 2014, on a ouvert le premier choix à 14 équipes. L’année suivante, le pire club de la ligue a vu ses probabilités de remporter la loterie passer de 25 % à 18 %. À compter de 2016, on a fait tirer les trois premiers choix pour dissuader les pires équipes de couler volontairement au classement.

L’an dernier, par exemple, les Red Wings ont terminé au dernier rang du classement général. Ils ont repêché au quatrième rang. Les Rangers de New York ont terminé au 18e rang, mais en vertu des règles spéciales en temps de pandémie, ils ont obtenu le premier choix.

En 2019, l’Avalanche du Colorado s’est contenté du quatrième choix au total (avec le choix des Sénateurs d’Ottawa obtenu pour Matt Duchene) même si les Sénateurs ont terminé au dernier rang du classement général.

La LNH a modifié encore les règles cette année. Seulement deux choix seront désormais à l’enjeu à compter du prochain repêchage. Le pire club sera donc assuré de choisir dans le top 3. Et seules les 11 pires formations pourront remporter le premier choix. Par contre un club ne pourra pas obtenir le premier choix au total plus de deux fois en cinq ans.

Cette nouvelle règle sera toutefois mise en application à compter de 2022 seulement, de sorte que les Devils du New Jersey, récipiendaires du premier choix en 2017 et 2019, pourront choisir en premier en 2021 s’ils remportent la loterie à nouveau.

Dans ces circonstances, on comprend pourquoi les organisations préfèrent désormais miser sur une réinitialisation, c’est-à-dire une reconstruction plus en douceur, en amassant de hauts choix à droite et à gauche, sans pour autant faire exploser leur noyau.

Les Bruins de Boston ont conservé Bergeron, Rask, Chara, Marchand et compagnie même s’ils ont accumulé les choix de première et deuxième ronde en 2015 et 2016 (neuf choix dans les deux premières rondes en deux ans).

PHOTO ERIC HARTLINE, USA TODAY SPORTS

Brad Marchand et Patrice Bergeron

Les Rangers ont acquis de jeunes vétérans comme Artemi Panarin, Adam Fox et Jacob Trouba dans leur processus, et attendu de voir le club atteindre une certaine maturité avant de se départir de Marc Staal et Henrik Lundqvist.

Lou Lamoriello n’a pas accepté que son équipe coule au classement à son entrée en poste, malgré la perte de John Tavares. Ils sont compétitifs depuis.

Le Wild du Minnesota de Bill Guerin a la même approche. On a été patient avec les jeunes en place et Guerin a cédé à la tentation de faire table rase, même s’il tente d’échanger Zach Parise depuis un an.

Les Hurricanes de la Caroline ont un club redoutable même s’ils n’ont jamais terminé sous le 21e rang depuis 2016. Ils ont même fini dans le top 10 au classement général ces deux dernières années. Ils ont repêché une seule fois dans le top 3 en 16 ans, en 2018, lorsqu’ils ont remporté le deuxième choix et Andrei Svechnikov.

Marc Bergevin utilise la même approche depuis 2018. On a intégré Jesperi Kotkaniemi, Nick Suzuki et Alexander Romanov, bientôt Cole Caufield sans doute, tout en misant sur de nombreux vétérans.

Les Sénateurs d’Ottawa, un peu par la force des choses aussi, avec leur propriétaire chiche, font le contraire. La reconstruction est totale. Ils pourraient bien réussir là où Buffalo et Detroit ont échoué, entre autres grâce à l’échange d’Erik Karlsson, qui a rapporté Tim Stützle et Josh Norris.

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3- Le CF Montréal justifie à nouveau son changement d’identité. Frédérick Duchesneau nous en dit davantage.