Dimanche dernier, Guy Lafleur s’est retrouvé sur les écrans de quelque 900 000 Québécois, pour une entrevue à Tout le monde en parle.

Derrière, on pouvait voir une image de Lafleur, Maurice Richard et Jean Béliveau, soulevant la Coupe Stanley, les trois dans l’uniforme du Canadien. On le devine aux têtes blanches de Richard et de Béliveau, la photo n’a pas été prise pendant leur carrière de joueur. De toute façon, Lafleur avait 8 ans quand Richard a pris sa retraite, et est arrivé avec le Canadien la saison suivant la retraite de Béliveau.

Il se trouve que l’image tire son origine d’une photo prise lors de la fermeture du Forum, dont on fête le 25e anniversaire cette semaine. « C’est moi qui ai fait faire ça. Ça fait longtemps, car le tableau est signé par Jean et Maurice, raconte Lafleur, au bout du fil. »

« C’était une photo qui avait été prise dans le vestiaire, ajoute-t-il. Et j’avais demandé à Lapensée [Michel, le peintre] de la reproduire. Je lui ai dit : “Je veux que ce soit sur la glace du Forum, avec des partisans dans les estrades.” »

Plus que jamais, à l’ère des réseaux sociaux, toute discussion autour du Canadien mène à des débats. C’est vrai pour la poutine quotidienne – par exemple, Mete ou Kulak ? – ou pour les questions plus larges – par exemple, Trevor Timmins est-il un bon recruteur ?

Mais quand vient le temps de nommer les plus grands de l’histoire du Canadien, il y a rarement débat. On revient toujours aux trois mêmes noms : Lafleur, Richard, Béliveau.

En fait, la réponse semble couler de source... sauf pour Lafleur, pour des raisons évidentes. « C’est dur pour moi de répondre. Il y a eu Jacques Plante. Il y a eu Henri... 11 Coupes, c’est quelque chose, calvaire ! Ça ne sera jamais battu. En plus, il avait sa petite stature. Les gens vont dire qu’il y a une question de timing, qu’il a joué à la bonne époque, mais ça n’enlève rien à ce qu’il a fait.

« Ça me fait chaud au cœur quand les gens me nomment là-dedans, ça me fait un velours. Mais il y a tellement eu de bons joueurs qui ont gagné plusieurs Coupes. Yvan [Cournoyer] en a gagné 10 ! »

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Transparence totale : cette entrevue était prévue depuis quelques jours. Le but : prendre des nouvelles, tout simplement. Pas de commentaires sur le Canadien, sur l’étrange saison en temps de pandémie ou sur le ménage derrière le banc. Seulement avoir des nouvelles du dernier des trois ténors du Canadien encore parmi nous, qui se bat justement pour rester parmi nous.

Sauf qu’entre-temps, la Fondation du CHUM a lancé le Fonds Guy Lafleur, engendrant évidemment de multiples apparitions médiatiques du Démon blond.

> Consultez le site du Fonds Guy Lafleur

https://fondationduchum.com/fonds-guy-lafleur/

En une semaine, il a tourné une entrevue avec Jean-Michel Dufaux pour le lancement du fonds, il a participé à une conférence de presse sur Zoom sur le même sujet, il a accordé une entrevue à Louis Jean, diffusée en avant-match samedi dernier à TVA Sports, et il a été invité à Tout le monde en parle.

Une semaine de rêve pour la visibilité de son nouveau projet visant à amasser de l’argent pour la recherche sur le cancer. Mais une semaine éprouvante pour un homme qui combat ce satané cancer. Malgré tout, Lafleur a honoré son engagement avec La Presse.

« J’étais assez fatigué à la fin de la semaine, et c’est normal », admet-il, au bout du fil.

Avec le confinement, on ne fait plus grand-chose, et là, je me suis ramassé en ville quatre jours de suite, lundi, mardi, mercredi et jeudi, pour faire des enregistrements. Quand Guy A. m’a proposé de faire l’entrevue par Skype, j’étais content !

Guy Lafleur

Lafleur est fatigué, car pour combattre la récidive de son cancer du poumon, ses médecins préconisent un traitement expérimental, à raison d’un traitement toutes les trois semaines.

« C’est un programme de recherche, décrit Lafleur. Pour mes quatre premiers traitements, je faisais 30 minutes de chimiothérapie, 30 minutes d’immunothérapie et 10 autres minutes de chimio. Là, ils viennent d’enlever les 30 premières minutes de chimio. Et ça se peut que j’aie de la radiothérapie, ça va dépendre de mon scan [qu’il a passé mardi dernier]. »

De prime abord, un traitement expérimental n’est pas la meilleure nouvelle : c’est signe que l’on craint que les méthodes traditionnelles, éprouvées, ne fonctionnent pas. Mais les premiers résultats donnent espoir à Lafleur, qui avait annoncé, en conférence de presse, que sa masse cancéreuse avait diminué de 30 %. On note aussi que physiquement, mis à part la fatigue et son souffle court, il ne semble pas souffrir d’effets secondaires.

« Jusqu’ici, je suis chanceux. Ce n’est pas si pire. J’ai la peau sèche, mais je n’ai pas de picotements. Je n’ai pas perdu de poids non plus. Ça, c’est bon signe. Ils avaient peur que je perde 10-15 lb d’un coup, car ils auraient dû changer le traitement. »

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La tournée médiatique tirant à sa fin, Lafleur pourra retourner à ses occupations des derniers mois.

Ça comprend notamment son fameux gin, pour lequel un compte Instagram a même été créé. Le compte est géré par Martin, un de ses deux fils.

> Consultez le compte Instagram

https://www.instagram.com/realguylafleur/?hl=fr

« Martin n’avait pas beaucoup d’expérience. Il fait les meetings, les dégustations. Il trouve des recettes avec ses chums. On va sortir une vodka l’automne prochain, il travaille là-dessus », décrit-il.

Son autre fils, Mark, a vécu des démêlés avec la justice au fil des ans, mais se replace tranquillement depuis sa dernière condamnation, en 2017. « Ça va bien. Il n’a pas de job en ce moment, mais il a suivi son cours de carrelage, à l’École des métiers de la construction. Il ne consomme aucune drogue dure, je touche du bois ! »

Sinon, la vie sociale lui manque. « Mon confinement, ça a commencé quand j’ai eu mon quadruple pontage le 26 septembre 2019. Deux mois plus tard, ils m’ont enlevé le lobe supérieur droit du poumon. Je suis sorti de l’hôpital et ensuite, le confinement est arrivé. On nous vole du temps !  »

On nous enlève les plaisirs de la vie. Ce qu’on aime, c’est d’aller au restaurant, et ils sont fermés. Tu ne pognes pas la COVID au restaurant. Tu la pognes dans les CHSLD ! Combien de gens sont morts de la COVID au resto ?

Guy Lafleur

« Sortez-les, les vaccins ! La santé mentale aussi, c’est important, et on n’a pas de vaccin pour ça ! », ajoute-t-il.

En attendant le déconfinement, Guy Lafleur est toutefois loin de s’ennuyer, car le bon vieux courrier traditionnel le tient occupé. « J’en reçois tellement des fans, c’est fou ! Ça me prend une journée complète à faire la semaine. Ça vient d’Europe, de partout. »

Et comme le faisait justement Béliveau avant lui, Lafleur s’efforce de répondre à tout le monde, peu importe les demandes. Parce que c’est ce que les joueurs de cette génération font.

« La plupart du temps, les gens me demandent de signer des photos. Sinon, ce sont des cartes, des chandails, des tuques à signer. Des gens m’envoient des mots d’encouragement. Il y en a aussi qui m’écrivent pour me demander d’appeler untel, qui est malade. C’est plus rare, mais je l’ai fait. La semaine dernière, j’ai appelé une femme de 40 ans et un monsieur de 56 ans, qui avaient le cancer. Les gens sont contents, ça leur fait oublier la maladie. »

Ça fait oublier la maladie, mais ça rappelle aussi à ces gens qu’ils ne sont pas seuls, puisqu’ils ont au bout du fil une légende qui vit la même chose qu’eux.

« Ça fait drôle et ça fait plaisir. Ça te garde en vie dans le monde du hockey. Tu vois que les fans ont apprécié ta carrière. Moi, je trouve ça le fun. C’est sûr que ça me demande du temps, mais je l’ai toujours dit : je n’ai jamais rien refusé. La journée où je n’aurai plus de demandes, c’est là que je vais me poser des questions. »