Il s’est claqué 25 heures de route. Il a patienté dans sa chambre d’hôtel de Sunrise, en quarantaine. Et voilà qu’il arrive dans une équipe en arrêt forcé pendant une semaine.

Noah Juulsen aura pleinement mérité le prochain match qu’il jouera dans la LNH. Mais quand on sait qu’il attend depuis plus de deux ans, est-il vraiment à quelques jours près ?

« Ils m’ont dit que j’avais une occasion à saisir ici, donc je dois démontrer ce que je peux faire à l’entraînement. J’espère ensuite avoir des matchs pour faire mes preuves. Je suis juste content de changer de décor, ça peut parfois aider », a expliqué Juulsen, ancien choix de premier tour du Canadien, en entrevue téléphonique avec La Presse.

Juulsen a eu droit à un nouveau départ il y a deux semaines quand les Panthers de la Floride l’ont réclamé au ballottage. Ils ont en quelque sorte pris un pari sur ce défenseur, repêché au 26e rang par le Tricolore en 2015.

Un pari, parce que Juulsen n’a pas joué dans la LNH depuis le 17 décembre 2018. Des problèmes de migraines, liés à deux rondelles qui l’ont atteint à un œil dans le même match, ont fait dérailler sa carrière. Il a tenté un premier retour à l’automne 2019 avec le Rocket de Laval, et l’expérience a duré 12 matchs. Nouveau retour à Laval le 11 mars 2020, avec succès, mais cette fois, c’est plutôt la pandémie qui a coupé court à son projet.

Son parcours n’a pas été facile, et en entrevue à RDS il y a deux semaines, le directeur général du Canadien, Marc Bergevin, a laissé tomber que Juulsen avait même songé à la retraite.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Noah Juulsen aura un nouveau départ avec les Panthers de la Floride.

Le scénario a peut-être été évoqué avec l’agent – le vénérable Ron Fournier avait d’ailleurs affirmé que la carrière de Juulsen était possiblement compromise. Mais le principal intéressé assure toutefois que la retraite n’a jamais été une option.

« Non, je n’y ai pas pensé, et je n’ai jamais mentionné cette possibilité, affirme le grand Britanno-Colombien. Je voulais juste régler mes problèmes. Je voulais parler aux médecins, comprendre ce qui se passait. Les membres du personnel à Laval ont été incroyables avec moi, je ne peux pas assez les remercier.

« Mais dans ma tête, j’ai toujours su que j’allais recommencer à jouer. »

Coincé dans la hiérarchie

C’est bien sûr en raison de cette longue période d’inactivité qu’il n’est plus membre du Canadien. Le message à son sujet était le même, peu importe l’intervenant : « Il doit jouer ».

Dans une équipe améliorée, il n’y avait tout simplement pas de place pour lui à droite, derrière Shea Weber, Jeff Petry et Alexander Romanov.

« En arrivant au camp, je me doutais que je n’aurais pas vraiment de chance, admet-il. Le camp était très court et je savais que je serais dans le groupe B. Je n’ai pas joué dans la LNH depuis deux ans, je me doutais que j’allais être soumis au ballottage, surtout avec les joueurs qu’on a ajoutés. J’espérais avoir la chance de jouer à Laval. »

Bergevin espérait qu’aucune des 30 autres équipes ne tente sa chance avec un joueur qui a besoin de millage, millage qu’il obtiendrait idéalement dans la Ligue américaine. Rappelons qu’une équipe qui réclame un joueur au ballottage doit elle aussi l'y soumettre si elle veut le céder à la Ligue américaine. Si les Panthers le soumettent à leur tour au ballottage, et que le Canadien est l'unique équipe à le réclamer, Montréal aurait alors le droit de l'envoyer à Laval sans passer par le ballottage. C'est là un bel incitatif pour que les Panthers le gardent dans leur formation.

En ce matin du 11 janvier, Juulsen pensait bien avoir été ignoré, d’ailleurs. Les équipes avaient jusqu’à midi pour le réclamer. « Je ne savais pas vraiment ce qui se passait. Je suis arrivé à l’aréna à 12 h 05, j’ai fait mon test de dépistage de la COVID-19, et je pensais que j’étais encore avec le Canadien. Puis, Marc était là, et c’est lui qui m’a appris que les Panthers m’avaient réclamé.

J’ai été repêché par le Canadien. Ç’a été difficile de dire adieu à des gens, mais j’avais besoin de ce nouveau départ. C’est bien d’obtenir une nouvelle chance. Ç’a été un soulagement de savoir que quelqu’un croyait encore en moi.

Noah Juulsen

Alors c’est là qu’il a sauté dans sa voiture, parcourant les quelque 2600 km qui séparent Montréal de Sunrise. Un détail technique qui lui permettait de faire une quarantaine plus courte que les sept jours obligatoires s’il était arrivé par avion.

« Je me suis arrêté à Philadelphie pour dormir, et j’ai roulé pendant 15 heures le lendemain. C’était beaucoup de route, et j’ai encore plus de respect pour les camionneurs qui passent des journées entières à faire ça ! »

« J’ai hâte de jouer ! »

Le hasard faisant bien les choses, il débarque dans une équipe en arrêt forcé, parce que les matchs de jeudi et de samedi ont été annulés en raison des cas de COVID-19 chez les Hurricanes de la Caroline. Juulsen a donc droit à une semaine complète d’entraînement pour retrouver la forme. Vendredi, il patinait au sein du quatrième duo, à la droite du vétéran Keith Yandle.

Le potentiel est certainement là. Lorsqu’il a subi sa blessure à un œil, il était employé en moyenne 18 minutes par match, il comptait cinq points en 16 matchs, montrait un différentiel de + 3 et semblait en voie de s’établir comme un défenseur à temps plein dans la LNH.

Juulsen a bon espoir d’être dans une forme optimale pour disputer un match et tenter de reprendre là où il avait laissé en novembre 2018. « Les matchs annulés m’ont permis d’avoir quelques entraînements de plus après la quarantaine. Je me sens très bien et j’ai hâte de jouer ! »