Oubliez Montréal : c’est finalement chez les Jets de Winnipeg que Pierre-Luc Dubois poursuivra sa carrière.

Les Blue Jackets de Columbus ont échangé Dubois et un choix de 3e tour en 2022 aux Jets, contre les attaquants Patrik Laine et Jack Roslovic, samedi matin.

PHOTO JOHN WOODS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Patrik Laine

Le torchon brûlait depuis plusieurs mois entre Dubois et les Blue Jackets, si bien que son désir de changer d’air était de notoriété publique. Jeudi, Dubois a été cloué au banc pour les deux dernières périodes du match contre le Lightning de Tampa Bay, que Columbus a perdu 3-2 en tirs de barrage. Est-ce à dire que le désir de Dubois de quitter l’Ohio était strictement lié à sa relation avec l’entraîneur-chef ?

« Non, ce n’était pas ça, a affirmé le directeur général des Blue Jackets, Jarmo Kekalainen. Bien sûr, je suis toujours en discussion avec notre entraîneur. Mais la décision est prise par la direction, au bout du compte. »

On a 20 joueurs, on a toujours eu un vestiaire très fort. On est une équipe et un individu ne peut pas briser ce vestiaire.

Jarmo Kekalainen, directeur général des Blue Jackets de Columbus

« Avant d’être repêché par Columbus, je savais quel type d’entraîneur il était, a pour sa part dit Dubois en entrevue au réseau Sportsnet. J’en ai entendu parler par des joueurs qui ont joué pour lui par le passé. J’en ai entendu parler par Vincent Lecavalier, Martin Saint-Louis, et le consensus est qu’il aide les joueurs, il les pousse, il les motive, il les fait travailler. C’est parfois difficile de le réaliser dans le moment présent, mais tous ces joueurs me disent la même chose. Tu vas y repenser plus tard et te rendre compte qu’il a fait de belles choses pour ta carrière, qu’il t’a lancé des défis, qu’il t’a rendu plus mature. Ce n’était pas toujours facile [avec Tortorella], mais tu dois apprécier son honnêteté et sa volonté de te rendre meilleur comme joueur et comme personne. Certains croient que c’est la raison [de mon départ], mais ça ne l’est pas. C’est un entraîneur dur et je sais que ce n’est pas personnel. J’ai grandi avec un père entraîneur qui m’a toujours dit de ne pas le prendre personnel. Si un entraîneur te met au défi, ce n’est pas personnel, c’est parce qu’il veut ton bien. Je vois Torts ainsi et je n’ai que du respect pour lui. »

Un centre contre un marqueur

À seulement 22 ans, Dubois était déjà le premier centre des Blue Jackets, et ce, depuis deux ans. Il était employé près de 18 minutes par match, a amassé 61 points en 2018-2019 et a produit à un rythme annualisé (sur 82 matchs) de 57 points la saison dernière.

En séries, l’été dernier, il avait aussi transporté son équipe avec 10 points en 10 matchs. Dès le deuxième match, il avait eu un échange animé, au banc, avec l’entraîneur John Tortorella, et Dubois était revenu à la charge en inscrivant un tour du chapeau lors de la rencontre suivante.

Les négociations contractuelles de cet été ont toutefois été laborieuses, et les deux parties se sont finalement entendues sur une entente de deux ans d’une valeur totale de 10 millions de dollars. Mais il était clair que Dubois souhaitait poursuivre sa carrière ailleurs, et Tortorella l’a même carrément admis lors d’une entrevue à la radio le 13 janvier dernier.

Les deux équipes s’échangent ainsi des joueurs malheureux. Laine, prolifique marqueur de 138 buts à ses quatre premières saisons dans la LNH, souhaitait lui aussi quitter Winnipeg. Au début du camp des Jets, il avait éludé les questions au sujet de son désir de rester à Winnipeg, sans jamais nier qu’il avait demandé une transaction.

Laine a atteint la marque des 30 buts à ses trois premières saisons (il en a marqué 44 en 2017-2018), et totalisait 28 buts en 68 matchs quand la campagne 2019-2020 a été suspendue.

Roslovic était lui aussi malheureux dans la capitale manitobaine. Claude Lemieux, l’agent de ce choix de premier tour (25e au total) en 2015, avait confirmé à Pierre LeBrun que son client souhaitait un nouveau départ ailleurs.

Il était d’ailleurs sans contrat cette saison et n’avait pas encore joué. En annonçant la transaction, les Blue Jackets ont aussi confirmé s’être entendus sur un contrat de deux ans, bon pour 3,8 millions de dollars (moyenne annuelle de 1,9 million), avec Roslovic.

L’attaquant de 23 ans vient de Columbus et y a joué son hockey mineur. Il a connu sa saison la plus productive l’an dernier, récoltant 29 points (12 buts, 17 passes) en 71 matchs.

Le Canadien dans le coup ?

Tard vendredi soir, le collègue Pierre LeBrun avait identifié les Jets, le Canadien et les Ducks d’Anaheim comme les trois équipes les plus sérieuses dans le dossier.

Évidemment, le Canadien n’a pas dans ses rangs de marqueur de la trempe de Laine, un phénomène de 6 pi 5 po que plusieurs, il y a quelques années, voyaient comme le prochain Alexander Ovechkin.

Par contre, le CH avait certainement de très bons jeunes centres à offrir, au potentiel supérieur à celui de Roslovic. Ces centres sont Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi. Suzuki présente une courbe de progression impressionnante et obtient, à 21 ans, un temps d’utilisation comparable à celui de Dubois au même âge.

Quant à Kotkaniemi, il a atteint la LNH à 18 ans, soit un an plus tôt que Dubois. Mais ce dernier, à 20 ans, avait déjà des responsabilités de premier centre, tandis que Kotkaniemi pilote encore le troisième trio du Tricolore. On devine néanmoins que le pari aurait été intéressant pour Kekalainen, d’autant que le DG ne doit pas manquer de contacts en Finlande pour l’aider à bien connaître Kotkaniemi…

Il sera d’ailleurs intéressant de voir ce qui adviendra de la ligne de centre des Blue Jackets. Interrogé sur le sujet, Kekalainen a tenté de défendre la profondeur de son équipe à cette position, mais son centre le plus aguerri demeure l’imprévisible Max Domi…

« On a Mikko Koivu qui revient mardi. Alexandre Texier a joué au centre, on a Roslovic, Domi, Riley Nash. Boone Jenner peut retourner au centre. On a de la profondeur à cette position. On s’attend à ce que Jack joue au centre, c’est un bon fabricant de jeu, il est très rapide, mais il devra mériter ses minutes. »

Des Jets améliorés

Le directeur général des Jets, Kevin Cheveldayoff, a indiqué en point de presse que les discussions avec Columbus s’étaient amorcées au repêchage, en octobre, avant de reprendre au camp d’entraînement.

Avec Dubois, les Jets se retrouvent donc avec une ligne de centre qui donnera des maux de tête à leurs rivaux de la division Nord, dont le Canadien. L’équipe comptait déjà sur l’excellent Mark Scheifele, et aura le loisir d’employer Paul Stastny soit comme troisième centre, soit comme ailier au sein des deux premiers trios.

Cheveldayoff n’a pas voulu s’étendre sur les problèmes qui ont fait pourrir la relation de Dubois avec les Blue Jackets. « À moins que tu sois dans le vestiaire là-bas, au quotidien, tu ne le sais pas. Tu y vas avec ce que tu connais. Ce qui ressort, c’est ce qu’il a fait en séries », a-t-il répondu. Il a ajouté que la décision d’échanger Laine n’avait pas été facile non plus.

On vit dans le monde du plafond salarial. Obtenir un centre de cette trempe, c’est presque impossible. On n’aurait pas échangé Patrik à moins d’obtenir un centre ou un défenseur d’élite.

Kevin Cheveldayoff, directeur général des Jets de Winnipeg

« Ses performances en séries sont alléchantes. Il semble se lever quand ça compte et il veut jouer dans un marché fou du hockey. C’est un fou du hockey lui-même. On espère bâtir une relation à long terme. »

On ne sait pas si ça aidera en ce sens, mais Dubois rejoint son père, Éric, entraîneur adjoint avec le Moose, le club-école des Jets qui joue également à Winnipeg.

« On sait quel genre de personne Pierre-Luc est parce qu’on sait dans quelle famille il a été élevé. Mais on n’a pas voulu mettre son père dans une situation inconfortable, a assuré Kevin Cheveldayoff. Mais c’est un moment spécial pour la famille. On espère que ce sera comme une deuxième maison pour lui. Il est heureux d’un point de vue familial, mais je pense qu’il l’est surtout pour le groupe de joueurs qu’on a. »

Reste maintenant à voir quand Dubois pourra se joindre à sa nouvelle équipe. Cheveldayoff a indiqué que les équipes canadiennes espéraient que la quarantaine modifiée du camp d’entraînement (sept jours/quatre tests négatifs) puisse s’appliquer aussi pendant la saison, plutôt que la quarantaine de 14 jours. Il dit avoir bon espoir que le dossier se règle. Si tel est le cas, il sera plus facile pour les équipes canadiennes de conclure des transactions.