(Edmonton) Pour une aventure qui n’a duré que 10 matchs, le séjour du Canadien dans la bulle torontoise lors des dernières séries a pesé très lourd dans les orientations fixées par Marc Bergevin à l’automne.

Les progrès de Nick Suzuki et de Jesperi Kotkaniemi l’ont convaincu de la solidité de sa ligne de centre. La tenue de Jake Evans a incité le DG à lui donner le poste de quatrième centre, sans ramener Nate Thompson, ce vétéran si apprécié qui aurait agi comme police d’assurance. Et les succès de Carey Price lui ont donné un argument de plus pour aller chercher un bon gardien auxiliaire, sur la base de ce que peut accomplir un Price bien reposé.

Si un Price bien reposé donne des performances comme celle que l’on a vue samedi, Bergevin aura vu juste. Malgré un résultat sans appel de 5-1 du Canadien contre les Oilers, samedi, l’homme masqué a joué un rôle crucial dans la victoire.

Price a en effet conclu sa soirée avec 34 arrêts, mais au-delà du chiffre, il y a la façon. Dès la troisième minute, contre Kyle Turris à bout portant, pour garder la marque à 0-0. Dans la première minute de la deuxième période contre Leon Draisaitl, avec Montréal en avance 1-0. Et, bien sûr, son arrêt contre un type du nom de Connor McDavid en échappée, là aussi pour préserver l’avance d’un but des visiteurs. Les hommes de Claude Julien se sont levés à plusieurs reprises au banc pour taper sur la bande pendant ce match, et ce jeu était une de ces occasions.

« On est au banc, on voit le meilleur joueur au monde qui arrive seul devant lui. C’était un moment clé, un arrêt clé, a analysé Brendan Gallagher. On y est habitués, mais on sait aussi qu’on est choyés. Il est tellement constant. »

« Carey a fait ce qu’il fait toujours. Il a été solide », d’ajouter un McDavid un brin dépité, dans le clan adverse.

La perception et les chiffres

Même si le Canadien vient de traverser une période creuse de son histoire, Price a toujours maintenu l’estime de ses pairs. Encore la saison dernière, c’est lui qui avait été élu meilleur gardien de la LNH dans le sondage annuel de l’Association des joueurs.

Pourtant, les chiffres ne correspondaient pas à cette opinion des autres joueurs. De 2017-2018 à 2019-2020, le Britanno-Colombien venait au 21e rang des gardiens pour l’efficacité (,910). Cette fiche était certes la conséquence d’une équipe qui avait de nombreuses failles, mais Price n’affichait plus sa constance d’il y a cinq ans.

Puis sont arrivées les séries de cet été, pendant lesquelles on avait l’impression de revoir le gardien qui avait remporté une médaille d’or olympique en 2014, éliminé les Bruins de Boston trois mois plus tard, gagné les trophées Hart et Vézina un an plus tard. Ce gardien a permis à Montréal de surprendre Pittsburgh au tour de qualification, et d’offrir une bonne opposition à Philadelphie au premier tour.

Samedi, c’est encore ce gardien que l’on a vu.

« Il a eu un gros impact. On n’est pas aveugles non plus. On a vu leurs chances de marquer, et il a été solide, a jugé Claude Julien. Il a fait de bonnes choses. Ils ont peut-être eu trop de chances de marquer. On va essayer de s’améliorer de ce côté-là. »

Julien fait bien de souligner les chances de marquer, d’autant que la division du Canadien compte sa part de joueurs au talent exceptionnel. On a vu Auston Matthews et Mitch Marner mercredi. McDavid et Leon Draisaitl samedi et lundi. Ce sera ensuite Elias Pettersson et Brock Boeser à Vancouver, Mark Scheifele, Blake Wheeler et Kyle Connor chez les Jets… Ça fait beaucoup de joueurs qui n’ont pas besoin de bévues monumentales pour être dangereux.

Le Tricolore a peut-être la formation ayant le plus de profondeur dans sa section, mais pour le talent brut, ses adversaires seront souvent mieux outillés. Et surtout, les gardiens adverses ne seront pas toujours aussi brouillons que l’a été Mikko Koskinen.

Les arrêts de Price compteront encore plus les soirs où ses coéquipiers ne pourront pas lui offrir un coussin de cinq buts.

Dans le détail

Kotkaniemi dans le trafic

Claude Julien a dit pendant le camp qu’il souhaitait voir Jesperi Kotkaniemi continuer à jouer dans le trafic, comme il l’a fait en août pendant les séries. Le Finlandais l’a fait dans les rencontres intraéquipes, et il continue à le faire contre de « vrais » adversaires. En première période seulement, ça lui a valu deux occasions de marquer, à proximité du demi-cercle du gardien. Une fois, il a tiré sur le poteau ; l’autre fois, il est passé dans le vide en tentant son tir. Kotkaniemi n’a pas de points après deux matchs, mais s’il continue à aller dans les zones payantes, ce n’est qu’une question de temps.

Le flair de Toffoli

Parmi les ajustements à prévoir de la part des Oilers, on devine que l’on tentera de surveiller Tyler Toffoli d’un peu plus près. Le nouveau venu n’a pas marqué, mais il serait imprudent de continuer à le laisser filer comme il a pu le faire dans ce match. Jonathan Drouin puis Alexander Romanov l’ont chacun trouvé sur de longues passes, pour l’envoyer en échappée dans le premier cas, pour organiser une attaque menaçante dans le second. De façon générale, le CH a suscité sa part de surnombres et d’échappées. « Je pense qu’on s’est mieux soutenus qu’à Toronto, a estimé Brendan Gallagher. La saison commence, on cherche encore nos marques. Mais grâce à ce meilleur soutien, on avait des jeux plus faciles en sortie de zone. »

Koskinen et les retours

Confession : Mikko Koskinen donne de l’urticaire à l’auteur de ces lignes en raison de son numéro 19, probablement le pire choix de numéro pour un gardien dans l’histoire du hockey. Voilà, c’est dit. On devine toutefois que le gardien des Oilers donne des boutons à son entraîneur pour des motifs plus importants, notamment son niveau de jeu. Dave Tippett ne l’a pas exactement défendu après la défaite des Oilers mercredi, soulignant qu’il aurait bien pris un ou deux gros arrêts pour aider sa défense qui en arrachait. Son contrôle des retours semblait problématique dans les deux premiers matchs et ça ne s’est pas amélioré samedi. On peut parler d’un mauvais bond pour le deuxième but de Jeff Petry, mais rediriger un tir bas dans les airs, vers le côté opposé, est généralement risqué. C’est sans parler de ces rondelles qu’il a été incapable de conserver dans sa mitaine. Avec Mike Smith blessé, les Oilers ont intérêt à ce que Koskinen retrouve ses repères.

Ils ont dit

Ils ont été plus rapides que nous. C’était notre troisième match en trois jours de demi, c’est beaucoup en début de saison. Ce n’est pas une excuse, on doit gagner plus de batailles. Ils étaient à l’évidence mieux reposés, mais notre niveau de compétition n’était pas assez élevé.

Connor McDavid

On est quand même une équipe rapide. Mais de l’autre côté, c’était leur troisième match en quatre soirs. Il y a peut-être un petit élément qui leur a enlevé de la vitesse. On a parlé de jouer rapide, de les attaquer avec force et vitesse pour les fatiguer. On espérait que ça porte ses fruits à mesure que le match avançait.

Claude Julien

Ce sera plus dur de répéter une telle performance. On a vu comment leurs vedettes ont répondu après une défaite. Mais notre plan de match restera le même. Ces deux gars-là [McDavid et Draisaitl] peuvent te faire mal. On doit continuer à faire ce qu’on fait de bien.

Brendan Gallagher

Ce n’était pas vraiment une lecture, plus une réaction. Il est arrivé avec vitesse et j’ai fermé l’ouverture.

Carey Price, à propos de l’échappée de McDavid

Quand la rondelle est arrivée au filet, tout le monde s’est tassé du même côté et j’ai vu [Tomas] Tatar. J’ai simplement essayé de placer la rondelle au filet et de créer du chaos.

Jeff Petry, au sujet de son deuxième but

En hausse 

Tomas Tatar

Déjà trois buts en deux matchs pour le Slovaque. Jusqu’ici, il ne joue pas comme un joueur distrait par son avenir contractuel incertain.

En baisse

Artturi Lehkonen

Habitué au deuxième ou troisième trio ces dernières années, il a chuté au sein de la dernière unité en raison de la nouvelle profondeur de l’équipe à l’aile. Les résultats ne sont pas concluants jusqu’ici.

Le chiffre du match

43 %

C’est le pourcentage d’efficacité du Tricolore aux mises en jeu après deux matchs (40 % samedi). On peut évoquer la jeunesse de l’équipe au centre, mais même Phillip Danault (36 %) a connu ses difficultés.