N’est pas Xavier Dolan qui veut.

Vous ne vous attendiez peut-être pas à entendre parler du cinéaste québécois dans un texte de hockey, mais voici. Dolan, on s’en souvient, avait connu des débuts fracassants avec son tout premier film, J’ai tué ma mère, ovationné et primé sur la Croisette.

On passe de Cannes à Kanata. Le 12 octobre 2016, Auston Matthews réussissait un tour de force équivalent – on exagère peut-être un brin, mais qu’importe – en n’inscrivant pas un, ni deux, ni trois, mais bien quatre buts à son tout premier match dans la Ligue nationale, contre les Sénateurs d’Ottawa.

Jeudi soir, quatre ans après les débuts éclatants de Matthews, ce sera au tour d’un autre premier choix au total de vivre son baptême dans la LNH. Alexis Lafrenière le fera à l’occasion d’un duel contre les grands rivaux de ses Rangers de New York, les Islanders.

« Je me sens super bien, excité, un peu nerveux. J’ai rêvé à ce premier match-là dans la LNH depuis quelques années. C’est un rêve d’enfance », a dit Lafrenière, rendu disponible dans une visioconférence par les Rangers, mercredi.

Un trio de jeunes

Selon les calculs de CapFriendly le 1er janvier dernier, les Rangers forment la plus jeune équipe de la LNH, et de loin. Au terme du camp d’entraînement, leurs joueurs affichent en effet un âge moyen de 24,9 ans. À l’avant, Chris Kreider est le doyen du groupe, à 29 ans. En défense, ce titre revient à Jack Johnson, qui fêtait justement ses 34 ans mercredi.

Sans surprise, Lafrenière se retrouve donc au sein d’un jeune trio, avec Filip Chytil (21 ans) et Julien Gauthier (23 ans) comme partenaires. Chytil compte déjà 144 matchs dans la LNH, malgré son jeune âge, tandis que Gauthier n’en totalise que 17.

Il s’agit de la troisième unité de l’équipe, derrière les menaçants trios Kreider-Zibanejad-Buchnevich et Panarin-Strome-Kakko.

« Notre trio, on se sent bien. On s’améliore depuis le jour 1, on essaie d’apprendre à jouer ensemble. Ils travaillent fort et ils patinent. C’est le fun avec eux, ils travaillent toujours pour récupérer des rondelles », a évalué Lafrenière.

Évidemment, sans jouer avec Artemi Panarin ou Mika Zibanejad, les deux moteurs offensifs de l’équipe, les attentes seront plus modestes pour l’ancien de l’Océanic de Rimouski. On vous parlait de Matthews, mais il importe de rappeler que les premiers pas des premiers choix ne sont pas toujours des coups d’éclat.

Premier match des derniers premiers choix (buts-aides-points, différentiel, temps d’utilisation)

Jack Hughes (2019) : 0-0-0, - 1, 15:12

Rasmus Dahlin (2018) : 0-0-0, - 1, 22:37

Nico Hischier (2017) : 0-0-0, 0, 15:44

Auston Matthews (2016) : 4-0-4, + 3, 17:37

Connor McDavid (2015) : 0-0-0, - 1, 17:07

Ce sera aussi un ajustement pour un jeune homme habitué d’être la grande vedette de son équipe. À ses trois saisons à Rimouski, il a chaque fois fini au premier rang des marqueurs de l’Océanic.

« Je pense que je peux quand même avoir un impact, estime Lafrenière. Je vais continuer de travailler, peu importe où je suis dans la formation. Je peux quand même créer de l’attaque. Je vais faire ce que je suis capable de bien faire. C’est toujours comme ça que j’ai joué. »

Je vais continuer de jouer à ma façon et on va espérer que le match se passe bien.

Alexis Lafrenière

À la différence des cinq joueurs nommés précédemment, Lafrenière a toutefois l’avantage d’atterrir dans une équipe pas mal plus avancée dans son processus de réinitialisation. Au moment de l’interruption de la saison 2019-2020, les New-Yorkais étaient à deux points d’une place en séries – auxquelles ils ont participé grâce au format élargi.

Dans les circonstances, le Québécois n’arrive pas non plus avec la pression d’être le sauveur. L’attention ira aussi sur Panarin, Zibanejad, Jacob Trouba et Adam Fox, sans oublier le très prometteur gardien Igor Shesterkin.

Dans la gueule du loup

La vie en 2021 est différente, et le hockey n’y échappe pas.

Dans le cas de Lafrenière, ça signifie un premier match trois mois plus tard que prévu, devant 18 000 personnes de moins que prévu, sans les quatre ou cinq matchs préparatoires qu’il aurait normalement dû jouer. Il sera donc jeté directement dans la gueule du loup. Son premier match chez les professionnels ne sera pas un duel hors-concours de septembre, mais bien le premier des 56 matchs de la saison.

Dans le vestiaire des Rangers, Chris Kreider peut comprendre ce que vivra Lafrenière. Le gros ailier gauche avait fait ses débuts dans des circonstances plutôt particulières, se joignant aux Rangers une fois sa saison à l’université terminée.

PHOTO DANNY WILD, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Chris Kreider

Kreider n’avait donc jamais joué de match préparatoire dans la LNH. Et en ce soir du 16 avril 2012, à deux semaines de ses 21 ans, il vivait son baptême de feu en pleines séries, lors du troisième match d’une série de premier tour contre les Sénateurs !

« Nos situations sont différentes, car Alexis est 1000 fois le joueur que j’étais !, a lancé Kreider.

« À 19 ans, j’avais de la misère à jouer au collège. Je suis arrivé dans la ligue à 20 ans, mais c’était après avoir passé beaucoup de temps au gym. Pour lui comme pour nous, ce sera comme sauter dans un train en marche. Mais à le voir aller, il n’y aura pas de problème, il sera prêt. »