Selon sa propre estimation, Guy Lapointe n’avait pas mis une paire de patins une seule fois en 15 ans. Mais là, ça s’est mis à lui tenter. Dehors, il ne faisait plus si froid, et puis lui, il commençait à s’ennuyer un peu. En plus, il se trouve que juste derrière son joli domaine, à Saint-Lazare, il y a de la place en masse. Il ne restait plus qu’à sortir le tuyau d’arrosage, et aussi à demander un peu d’aide au voisin, parce qu’à 72 ans, une patinoire, ça ne se prépare pas si facilement.

Ensuite, Guy Lapointe a ressorti ses vieux patins. Il a noué les lacets. Il a posé une lame sur la glace, puis la deuxième. Et il s’est mis à patiner, tout seul, et à repasser à chaque tour des souvenirs dans sa tête, « et à penser aux années 1970 et à [s]es matchs avec le Canadien », explique-t-il au bout du fil.

Son fils, Guy Lapointe Jr, a diffusé quelques images sur son compte Twitter. On y voit l’ancien grand défenseur du CH patiner avec une telle aisance qu’il faut s’approcher un peu les yeux de l’écran pour bien confirmer qu’il s’agit de lui. « Non, je ne pense pas à un retour au jeu ! », ajoute-t-il en riant.

Il n’y aura pas de retour au jeu, mais ça ne dérange pas, puisque ces images-là, c’est déjà tout un retour. Car Guy Lapointe, il y a un peu plus d’un an, recevait une très mauvaise nouvelle : un cancer de la gorge, qui allait nécessiter une enfilade de traitements.

Ce n’est pas le genre de nouvelle que l’on souhaite à quiconque, et encore moins à lui, l’ancien numéro 5 que l’on a tous un peu l’impression de connaître. Parce qu’il a été membre du Big Three à la ligne bleue montréalaise dans les années 1970, bien sûr, mais aussi parce qu’au fil du temps, on a appris à connaître l’homme, le joueur de tours, le bon gars qu’on avait encore l’habitude de voir passer à l’écran de temps à autre.

On ne s’attendait pas à ça, et lui non plus.

Ça va pas pire. Le 13 janvier, ça va faire un an jour pour jour que j’ai fini tous les traitements. Je suis en rémission. Je te dirais que je me sens bien physiquement, mais il y a des séquelles.

Guy Lapointe, ancien joueur du Canadien de Montréal

« Ma langue est paralysée à 50 % et j’ai de la difficulté à parler parfois, à prononcer certains mots. Il y a eu des fois où je dormais 12 heures par jour », explique-t-il.

Il n’est pas le seul ancien du CH à devoir affronter des défis de la sorte par les temps qui courent. Yvon Lambert et Guy Lafleur, entre autres, ont eux aussi dû composer avec de mauvaises nouvelles au chapitre de la santé récemment. « Je parle avec les gars à l’occasion au téléphone… J’ai parlé à Guy il y a une dizaine de jours, il va bien. Il est très confiant dans sa bataille [contre un cancer du poumon]. Si tu lui parles au téléphone, tu ne peux pas savoir qu’il y a quelque chose qui ne marche pas. Il garde un bon moral. »

PIERRE CÔTÉ, ARCHIVES LA PRESSE

Guy Lafleur et Guy Lapointe en 1976

C’est, en gros, ce que Guy Lapointe fait depuis le début de cette pandémie : il parle à ses anciens coéquipiers (« on a tous hâte au vaccin ! »), et il pense au hockey. Il faudrait chercher bien longtemps pour trouver des qualités à la COVID-19, mais parmi les (rares) bons moments à la télé en temps de pandémie, il y a eu ces nombreux retours dans le passé avec la diffusion des matchs d’autrefois, qui nous ont permis de revoir aller les gloires d’antan… dont Guy Lapointe.

« Je n’ai pas vu tous les matchs qui ont été diffusés, mais j’ai pu attraper certains matchs quand même… C’est sûr que de revoir les fois où on a gagné la Coupe Stanley, c’est toujours spécial. »

Je ne sais pas si je retiens un match plus qu’un autre, mais ce que je retiens quand je revois ça, c’est à quel point on formait une grande famille avec le Canadien.

Guy Lapointe

« C’est sûr que l’argent, les salaires, ce n’était pas du tout la même chose dans mon temps ; je pense que le plus gros salaire que j’ai eu, ça a été 250 000 $ par saison ! Si tu compares avec maintenant, ça n’est pas grand-chose, mais dans ce temps-là, c’était de l’argent ! De toute façon, on ne jouait pas pour ça. »

Guy Lapointe a beau être retraité du hockey depuis la saison 1983-1984, il se tient quand même au courant. « J’ai hâte à la prochaine saison ! Je trouve que Marc Bergevin a fait du très bon travail et qu’il est allé chercher les joueurs qui nous manquaient. Je pense que le Canadien peut faire un bout de chemin dans les séries… »

Et si jamais, à tout hasard, les joueurs de l’édition actuelle ont besoin d’un peu d’inspiration, ils pourront toujours regarder les images de Guy Lapointe, à 72 ans, qui patine comme un jeune homme derrière chez lui, comme si les malheurs de la dernière année n’étaient jamais arrivés. Parce que l’espoir ne disparaît jamais, peu importent les obstacles sur le chemin.