En avril dernier, au tout début de la pandémie, Brendan Gallagher avait été clair : il souhaitait être un gagnant, et c’est cette idée qui allait le guider dans le choix qu’il devait faire pour la suite de sa carrière.

« Être un gagnant, c’est le plus important. Je veux être reconnu comme un gagnant et je ne veux pas avoir de regrets à la fin de ma carrière », avait-il dit.

Son message n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Depuis ce temps, Marc Bergevin s’est transformé en acheteur compulsif. Le directeur général a greffé Josh Anderson, Tyler Toffoli, Jake Allen et Joel Edmundson, sans oublier Brandon Baddock, à sa formation. Ajoutez à cela la bonne impression laissée par le Canadien dans la bulle de Toronto, et vous arriverez au résultat de mercredi soir.

Ce résultat, c’est Gallagher qui signe une prolongation de contrat de 6 ans, bonne pour 39 millions de dollars (valeur annuelle moyenne de 6,5 millions). Lui et Anderson ont donc en poche des contrats valides jusqu’en 2027 ; ils sont les deux premiers joueurs du CH à avoir des ententes qui se terminent plus tard que celles de Carey Price et de Shea Weber (échéance en 2026).

Gallagher n’était pas disponible pour des entrevues mercredi ; il parlera plutôt aux médias ce jeudi. Mais il a enregistré une vidéo pour les réseaux sociaux du Canadien.

« Je ne me voyais pas jouer ailleurs. J’ai eu huit bonnes années jusqu’ici, je suis heureux de savoir que j’en jouerai au moins sept autres. J’espère qu’on pourra gagner le prix ultime. J’adore ce que Berg [Marc Bergevin] a fait cet été, on aura une équipe très compétitive. Les gars sont enthousiastes. Je suis assez enthousiaste. »

Un « malentendu »

Comme l’a sagement rappelé Elliotte Friedman, la situation n’est pas sans rappeler celle du contrat de P. K. Subban, en 2014. Cette fois-là, c’était le début de la séance d’arbitrage qui avait suscité bien des questionnements et de la pression populaire. Le lendemain de premier jour d’audiences, Subban signait un contrat de huit ans et ce fut le début d’une belle et longue relation entre le joueur et l’organisation. Ou pas. Enfin...

Toujours est-il que la coïncidence est amusante. Mardi, le collègue de Vancouver Rick Dhaliwal apprenait que les pourparlers entre Gallagher et le CH étaient interrompus. La nouvelle était surprenante, car Bergevin avait répété sur toutes les tribunes, au cours des dernières semaines, que Gallagher était son dossier prioritaire et qu’il souhaitait en faire son attaquant le mieux payé.

Bergevin a rétorqué en conférence de presse, mardi, qu’il ne commentait pas les négociations de contrat, avant de rappeler que « les joueurs doivent comprendre qu’on n’a pas un budget illimité ». Ça sentait les négociations en public, rarement un bon signe.

Il semble toutefois qu’il s’agissait d’un malentendu, dont l’agent de Gallagher, Gerry Johannson, prend l’entière responsabilité. Impossible d’en savoir plus sur la nature du malentendu.

Quoi qu’il en soit, les relations entre Johannson et le Tricolore sont profondes. Johannson et sa firme représentent aussi Carey Price, Brett Kulak, Artturi Lehkonen et Joel Armia. Il est aussi l’agent d’un certain Sebastian Aho, dont le présent contrat de 5 ans et 42,27 millions a été négocié avec Bergevin, avant que l’offre soit égalée par les Hurricanes.

Les relations entre les agents et les directeurs généraux peuvent être une arme à double tranchant, car il arrive que des joueurs voient d’un mauvais œil les trop bons liens entre leur représentant et un DG. Mais quand un « malentendu » survient, les bonnes relations sont toujours commodes.

Kreider, la référence

Cette entente est assortie d’une clause de non-mouvement, ce qui signifie que Gallagher ne peut être soumis au ballottage ou renvoyé dans la Ligue américaine sans y avoir consenti. Des clauses qui semblent aujourd’hui superflues, mais dont il faudra peut-être se souvenir plus tard, car Gallagher aura 34 ans lorsqu’il écoulera la dernière année du contrat.

Selon Pierre LeBrun, d’Athlétique, Gallagher a aussi obtenu une clause de non-échange de six équipes, ce qui signifie qu’il soumettra une liste de six équipes auxquelles il refusera d’être échangé.

Par ailleurs, l’entente est pratiquement identique à celle qu’a signée l’ailier des Rangers Chris Kreider. En fait, la seule différence est que le contrat de Kreider est bon pour sept ans, car il entrera en vigueur dès la saison 2020-2021. Les deux ententes se terminent donc au même moment (2027) et ont le même impact sous le plafond salarial (6,5 millions). On nous assure d’ailleurs que ce n’est pas une coïncidence et que l’entente de Kreider a bel et bien servi de base de comparaison.

Kreider est un attaquant de puissance format géant, si bien que sa contribution se mesure différemment. N’empêche, il est intéressant de constater qu’il n’a toujours pas atteint le plateau des 30 buts dans la LNH ; il était toutefois en voie d’y arriver avant sa blessure et la pandémie, avec 24 filets en 63 matchs.

Gallagher, lui, compte 2 saisons de 30 buts à son actif, et fonctionnait à un rythme pour y parvenir une troisième fois de suite en 2019-2020 (22 buts en 59 matchs, soit 30 buts sur 82 matchs). Depuis octobre 2017, Gallagher vient au 27e rang de la LNH avec 86 buts, soit 4 de plus que Jamie Benn et 8 de plus que Jeff Skinner. Ces deux attaquants, rappelons-le, compteront respectivement pour 9,5 et 9 millions sous le plafond salarial au cours des prochaines années.

La question à 39 millions est de savoir dans quel état sera Gallagher au fil des années. Le numéro 11 ne craint pas les coups ; doit-on rappeler qu’il s’est alimenté avec une paille pendant les semaines après l’élimination du Tricolore ?

Mais Gallagher est aussi un joueur qui, au fil des années, progresse et ajoute des couches à son jeu d’ensemble, particulièrement depuis qu’il a subi deux fractures à la même main. Ça n’exclut pas qu’il puisse heurter le mur en cours de route. Mais tout indique qu’il a de bonnes années devant lui avant d’en arriver là.