Cet été, Marc Bergevin avait deux options. Renflouer le Canadien. Ou le laisser couler, pour repêcher plus haut pendant plusieurs années.

Le DG du Canadien a choisi le renflouement. Une décision que je salue.

Il a convaincu Alex Romanov de déménager à Montréal. Il a acquis Jake Allen, meilleur que Charlie Lindgren. Il a ajouté Joel Edmundson, plus fiable que Victor Mete. Il a échangé un petit joueur mécontent, Max Domi, contre un heureux géant, Josh Anderson. À qui il a immédiatement accordé le plus gros contrat de l’histoire de la franchise pour un attaquant.

38,5 millions.

Pour sept ans.

C’est beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent. Surtout avec le gel du plafond salarial. « Josh est un joueur unique, a souligné Bergevin. Moins de cinq gars ont ce style-là [dans la LNH]. »

Quel style ?

Josh Anderson patine vite. Frappe fort. Et peut compter. Il y a deux ans, il a réussi 27 buts. Mais l’hiver dernier, un seul. En 26 matchs.

Oui, mais il était blessé à l’épaule droite, me direz-vous.

PHOTO NICK WASS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Marc Bergevin a accordé à l’attaquant Josh Anderson un contrat de 38,5 millions sur sept ans.

Tut tut tut. Anderson s’est blessé à l’épaule droite lors du 26e match. Pendant un combat contre Mark Borowiecki, des Sénateurs d’Ottawa. Or, ses problèmes ont commencé bien avant cette bagarre. Pendant les séries, contre les Bruins de Boston, en mai 2019.

Charlie McAvoy l’a frappé à la tête. Illégalement. Une mise en échec dangereuse, qui a ébranlé Anderson. L’ailier des Blue Jackets a suivi le protocole des commotions cérébrales. Contre toute attente, il est revenu au jeu en troisième période.

« Comment est-ce possible ? lui ont demandé les journalistes.

— Ce sont les séries. Tu dois revenir. J’ai reçu l’autorisation.

— Et comment te sentais-tu en troisième ?

— Pas bien. »

Diagnostic : blessure à l’épaule. Pas la droite. La gauche. La douleur a persisté. Tout l’été. Tout le camp. Anderson a tenté d’amorcer la saison en même temps que ses coéquipiers. Mauvaise idée. Après deux matchs, il a cessé. Il a fait une pause de trois semaines pour faciliter la guérison. Après laquelle il est revenu au jeu. Prétendument guéri.

S’en est suivie une pénible léthargie. Dans les 16 matchs suivants, il a été blanchi 15 fois. Malgré un temps de jeu enviable. Jusqu’à 20 minutes contre les Flames. Jamais il n’a utilisé sa blessure à l’épaule gauche comme excuse. Au contraire.

Je le cite, à la mi-novembre : « La blessure [à l’épaule gauche] survient, et on prend un pas de recul. Puis on revient, on joue en santé et ça ne roule pas pour nous. On obtient des chances et ça ne rentre pas. C’est comme si les dieux du hockey étaient contre nous. »

A+ pour l’auto-évaluation. C’est exactement ce qui s’est produit. Josh Anderson a profité de très belles occasions de marquer. À répétition. Selon le site Evolving Hockey, Anderson aurait dû compter cinq buts, plutôt qu’un. Les statisticiens sont arrivés à ce nombre en calculant ses probabilités de marquer selon son positionnement sur la patinoire. Les fameux « Expected Goals ». Une donnée importante pour bien des équipes de la LNH.

Ce manque d’« opportunisme » a été particulièrement mis en évidence lors d’une défaite contre les Jets de Winnipeg, lors de laquelle il a obtenu quatre tirs au but. « J’aurais pu marquer quatre fois, avait-il reconnu à l’époque. J’étais frustré après mon échappée. Après le match, je me suis dit : “La saison dernière, c’était deux ou trois buts automatiques.” »

Josh Anderson a terminé la saison avec un pourcentage d’efficacité de 1,6 %. Un des pires de la LNH. Pendant des semaines, il a cherché ce qui ne fonctionnait pas. « Il n’y a pas de secret, disait-il. Je joue de la même façon [qu’avant]. J’obtiens des occasions. Il faut juste que je complète [le jeu]. »

Son jeu physique ne semble en effet pas avoir souffert de sa blessure à l’épaule gauche. Sa moyenne de mises en échec est restée exactement la même que l’année précédente (2,6 par partie).

Alors, quel était le problème ?

Son entraîneur-chef, John Tortorella, s’est aussi posé la question. En novembre, il a tenté une réponse. « Josh est un joueur fantastique [terrific]. Il a la taille. Il a les jambes. Il possède tellement d’atouts et d’habiletés. Mais il doit se souvenir comment amorcer le match et ses présences. En fonçant droit devant. »

« L’affaire, avec Andy [Anderson], a-t-il précisé une autre fois, c’est qu’il doit foncer en ligne droite plutôt que de patiner est-ouest et d’essayer de battre les autres. »

Au pire de la léthargie, Josh Anderson ne jouait que 13 minutes par match. Ça commençait à remonter – autour de 16 minutes – lorsqu’il s’est battu contre Borowiecki. Depuis, Anderson n’a pas joué. Il affirme être complètement rétabli de son opération à l’épaule droite.

Vous comprendrez donc que c’est un (très) gros pari que fait Marc Bergevin. « C’est un risque qu’on a pris », reconnaît le DG du Canadien.

Marc Bergevin souhaite retrouver le Josh Anderson d’il y a deux ans. Efficace. Dangereux. Confiant en lui. Un défi pour Claude Julien et ses adjoints, qui devront remettre en marche le nouvel ailier du Canadien et en faire un joueur d’impact. À l’image de Tom Wilson, des Capitals de Washington.

Parce qu’avec ce mégacontrat, l’échec n’est pas une option.

Le Canadien et les Québécois

Petit mot sur le peu de Québécois repêchés par le Canadien depuis cinq ans.

Que l’équipe préfère Kaiden Guhle à Hendrix Lapierre, ça me va. Les deux sont d’excellents espoirs, avec des attributs différents. On verra dans cinq ans si Trevor Timmins a fait le bon choix. Ou pas.

Mais j’ai un problème avec la suite. Mercredi, le Canadien possédait un choix de septième tour. Il aurait pu encourager un espoir d’ici. Xavier Simoneau. Jacob Dion. Devon Levi. Louis Crevier. Il a préféré les ignorer et échanger son choix aux Blackhawks contre un choix équivalent en 2021. Et les Blackhawks ont choisi… Louis Crevier. Au terme du repêchage, le Canadien n’a sélectionné aucun joueur local.

Trevor Timmins a tenté de se défendre. Notamment en invoquant la limite de 50 contrats professionnels à laquelle le Canadien est soumis. Pourtant, ça ne posait pas de problème l’an dernier.

Au septième tour, le Canadien avait sélectionné un jeune hockeyeur albertain ayant terminé au 17rang des marqueurs de son équipe. Dans le junior majeur ? Non. Dans le Midget AAA. Cette saison, cet espoir n’a compté aucun but. Dans le junior majeur ? Non plus. Dans une ligue de calibre junior A, en Colombie-Britannique.

Un choix mystérieux. Selon le journaliste Andrew Zadarnowski, bien branché auprès des espoirs de l’organisation, le Canadien a ainsi voulu souligner la mémoire d’un recruteur décédé six mois plus tôt. Une belle attention. Un geste humain, qui démontre la grande classe du Canadien. Mais aussi une sélection qui nous prouve qu’avec de la volonté, un recruteur-chef ne s’arrête pas à une règle administrative contraignante.

Si le Canadien souhaite vraiment repêcher plus de Québécois, il peut y arriver.