(Toronto) « Et maintenant, accueillons nos Canadiens ! » Cette phrase, Michel Lacroix la prononce 41 fois par saison au Centre Bell.

Le problème : le Canadien disputera des matchs « à domicile » lors du tour de qualification, et la LNH souhaite que les équipes se sentent comme à la maison. Et Lacroix n’est pas dans la Ville Reine pour la reprise des activités.

La solution n’était pas bien difficile à trouver. L’annonceur maison aux matchs des Maple Leafs, Mike Ross, est un Franco-Ontarien qui a vécu toute sa vie en français et qui a occupé de nombreux postes exigeant un bilinguisme parfait. Alors la voix francophone que vous avez entendue mardi, celle qui a dit « Accueillons les Canadiens de Montréal et les Maple Leafs de Toronto » au son de l’atroce solo de guitare de Coldplay, celle que vous entendrez dans le match 3 (et 4, si nécessaire) de la série Montréal-Pittsburgh, c’est lui !

Quand j’ai su que je faisais les matchs du Canadien, j’ai tout de suite contacté Michel Lacroix. Il m’a envoyé des instructions pour présenter les buts, il a rafraîchi ma mémoire pour les termes des punitions en français. Il m’a vraiment appuyé et je le remercie. Les commentaires ont été bons, mardi. C’est ça, le but. On veut que les joueurs aient le feeling d’être dans leur propre aréna.

Mike Ross. en entrevue à La Presse

À Toronto comme à Edmonton, deux annonceurs maison se partagent le travail. Dans la Ville Reine, Ross fait équipe avec Simon Bennett, la voix des Marlies de Toronto, le club-école des Leafs. C’est toutefois Ross qui fera tous les matchs de la série Maple Leafs-Blue Jackets, de même que les rencontres « à domicile » du CH.

Des Lynx aux Leafs

Mike Ross est la voix des Leafs depuis 2016. Il est seulement le quatrième annonceur maison dans la longue histoire de l’équipe, après Andy Frost (1999-2016), Paul Morris (1961-1999) et Red Barber (1931-1961).

« Quand j’ai eu l’emploi, des gens me disaient : ‟T’as de gros souliers à remplir.” Et c’est vrai ! Mais je regarde Michel Lacroix et c’était comme ça quand il a commencé avec le Canadien. Pour moi, la voix du hockey, c’était Paul Morris en anglais et Claude Mouton en français. Quand Claude Mouton est mort, Michel était dans le même bateau que moi aujourd’hui. Il remplaçait une légende. Il y avait de la pression. Mais Michel est un vrai pro. »

Pour Ross, c’était l’emploi de rêve. L’homme de 46 ans a grandi à Ottawa, mais c’était avant que Laurie Boschman, Jody Hull, Sylvain Turgeon et les Sénateurs débarquent dans la capitale canadienne en 1992. Son équipe, ç'a toujours été les Leafs.

> Regardez une entrevue de Mike Ross à Radio-Canada

Ross a grandi dans la culture franco-ontarienne. « J’ai été élevé dans une maison bilingue. Mon père est anglophone, ma mère est francophone, une Bergeron. J’ai fait mon secondaire à l’école De La Salle. Ce n’était pas de l’immersion, c’est une école française. »

Ont suivi des études en littérature française à l’Université Carleton, là où sa voix radiophonique est devenue un atout dans sa vie. Ça a commencé par la radio étudiante — où bien des carrières médiatiques naissent — puis avec l’équipe de football de l’université. Ça s’est poursuivi avec les 67 d’Ottawa (hockey junior) et les Lynx d’Ottawa, jadis la filiale des Expos. « Ces deux emplois-là, je devais annoncer dans les deux langues, donc le bilinguisme m’a ouvert des portes », souligne-t-il.

De fil en aiguille, il a fait quelques remplacements aux matchs des Sénateurs, mais c’est le Championnat du monde junior à Toronto en 2015 qui l’a fait connaître dans l’organisation des Leafs, puisque le tournoi avait lieu en partie à Toronto.

« Comme c’était au Canada, je savais qu’ils allaient chercher un annonceur francophone et un anglophone. Je me suis dit : je suis capable de faire les deux ! Donc j’ai appelé Hockey Canada, j’ai eu une audition et ça a fonctionné. Ils étaient contents, ils avaient une personne qui pouvait faire deux jobs ! »

L’importance du bilinguisme

Aujourd’hui, Ross vit à Ajax, en banlieue est de Toronto. En plus de ses tâches avec les Leafs, il est producteur et animateur chez Accessibilité Média (AMI), un organisme multimédia sans but lucratif pour personnes aveugles, malvoyantes, sourdes, malentendantes, à mobilité réduite ou incapables de lire les textes imprimés.

Sa femme, également franco-ontarienne, est une enseignante devenue directrice adjointe de la commission scolaire francophone locale.

« Si tu parles bien français, il y a tellement d’emplois dans la région, en éducation, avec les conseils scolaires. Dans le monde des affaires, avec le nombre de sièges sociaux installés ici, c’est aussi un avantage.

« Mes parents m’ont toujours dit : on a la fierté d’être francophones, mais c’est aussi un avantage. Mes deux parents ont travaillé au gouvernement fédéral. Ils ont vu ça tous les jours, les avantages du bilinguisme. C’est le fun que ma langue m’a permis de vivre des expériences incroyables dans un domaine que j’adore. »