Le Canadien de Montréal retrouvera les Penguins de Pittsburgh au tour de qualification. Un défi de taille, surtout contre des Penguins qui sont allés chercher des renforts à la date limite des transactions. Mathias Brunet et Guillaume Lefrançois analysent ce duel selon cinq points : attaque, défense, gardien, arguments en faveur du Canadien et arguments en faveur des Penguins.

L’analyse de Guillaume Lefrançois

Attaque

Parfois, le retour d’un joueur blessé équivaut à une transaction. Dans ce cas, l’attaque des Penguins a droit au beurre et à l’argent du beurre ! En plus d’avoir fait l’acquisition de Jason Zucker, Conor Sheary et Patrick Marleau, tous des ailiers des trois premiers trios, ils salueront le retour de Jake Guentzel, qui produit un point par match depuis deux ans. Chez le Canadien, ç’a été l’inverse en février, avec le départ de trois attaquants (Ilya Kovalchuk, Nate Thompson, Nick Cousins), ce qui, par un effet domino, remonte les joueurs de profondeur d’un trio.

Défense

Voilà maintenant quelques années que la défense des Penguins fonctionne très bien avec un groupe assez anonyme derrière Kristopher Letang. C’est qu’année après année, on développe un nouveau défenseur. Cette année, c’est John Marino ; l’an dernier, c’était Marcus Pettersson et avant cela, Brian Dumoulin. Résultat : derrière les 25 minutes de Letang, tout le monde a joué entre 19 et 21 minutes par match en moyenne. Tout le contraire du Canadien, où Shea Weber, Jeff Petry et Ben Chiarot jouent 23 ou 24 minutes par match, laissant une quinzaine de minutes aux trois autres.

Gardien

Encore des situations contraires. Chez le Canadien, le filet appartient à Carey Price. C’est tellement vrai que Claude Julien a même dit ouvertement que Price détenait la priorité pendant les entraînements pour le nombre de tirs qu’il souhaite recevoir. Price affronte toutefois une équipe qui l’embête historiquement, comme en font foi sa fiche de 13-14-5 et sa moyenne de 2,95 contre Pittsburgh. Dans le camp adverse, le titulaire Matt Murray a connu une saison difficile (efficacité de ,899) et sa tenue au début du camp n’était guère rassurante. Derrière lui, Tristan Jarry progresse et les Penguins ne seront pas mal pris s’ils doivent s’en remettre à lui.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Carey Price

Arguments en faveur du Canadien

La pause a permis à Guentzel de guérir, mais c’est aussi vrai pour Jonathan Drouin, Tomas Tatar et Victor Mete, qui étaient blessés au moment de l’arrêt des activités, et Shea Weber, qui était hypothéqué. On sait que le trio de Phillip Danault offrira un rendement de buts pour/buts contre positif. Le deuxième trio pourrait aussi faire une différence, puisqu’il est composé de trois joueurs (Drouin, Nick Suzuki, Joel Armia) qui avaient tous grandement besoin d’une pause en mars. Si ces trois-là reviennent à leur niveau de l’automne dernier, l’unité sera dangereuse.

Arguments en faveur des Penguins

Si la ligne de centre dicte le sort des équipes, les Penguins n’ont pas à s’inquiéter. Evgeni Malkin produisait à un rythme de 110 points cette saison. Sidney Crosby a été réduit au silence au printemps 2019 quand les Penguins ont été balayés ; un joueur de sa trempe, avec sa détermination, ne se fera pas prendre deux fois. Derrière eux, Jared McCann et Teddy Blueger offrent un rendement supérieur à bien des centres de troisième et quatrième trios. Le top 4 en défense est sous-estimé. Jarry constitue une valve de sécurité derrière Murray. Sans dire que les Penguins n’ont pas de faiblesses, le Canadien n’est simplement pas assez fort pour les exploiter.

L’analyse de Mathias Brunet

Attaque

Les Penguins n’ont jamais eu autant de profondeur à l’attaque. Non seulement comptent-ils sur le retour en santé de Jake Guentzel, un marqueur de 40 buts, mais ils ont sacrifié des choix de premier et troisième tours, un de leurs meilleurs espoirs en défense, Cale Addison, et Dominik Kahun, pour obtenir Jason Zucker, Conor Sheary et Patrick Marleau. Ils occupent chacun une place sur les trois premiers trios de l’équipe. L’émergence de Jared McCann, 24 ans, qui jouait entre 15 et 20 minutes lors de l’interruption de la saison, leur procure un troisième centre de qualité entre Patrick Marleau et Patric Hornqvist. Brandon Tanev et son salaire annuel de 3,5 millions sont refoulés sur un quatrième trio de luxe. Les jeunes centres du Canadien, Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi, en auront plein les bottines contre une formation nettement plus aguerrie, mais l’expérience leur sera inestimable.

Défense

La montée en puissance du jeune duo constitué de John Marino, 23 ans, et Marcus Pettersson, 24 ans, qui n’ont presque rien coûté aux Penguins, a transformé la défense de l’équipe. Ils forment désormais la deuxième paire du club, derrière Kris Letang et Brian Dumoulin, et permettent à Jack Johnson et Justin Schultz de bénéficier d’une opposition moins féroce au sein du troisième duo. Le Canadien n’a pas cette profondeur. Après Shea Weber, Ben Chiarot et Jeff Petry, on joue à la chaise musicale. Victor Mete et Brett Kulak compléteront le flanc gauche, mais leur potentiel demeure limité. Cale Fleury, Noah Juulsen et Christian Folin se battent pour le dernier poste à droite. Vivement l’arrivée d’Alexander Romanov au sein du top 4 et l’émergence d’un Fleury ou d’un Juulsen pour donner un peu plus de profondeur au CH à ce chapitre. Pour l’instant, il faudra jouer « au-dessus de sa tête », pour reprendre l’expression de Carey Price.

Gardien

Voilà enfin une position où le Canadien est avantagé. Mais contrairement à la perception populaire, Carey Price n’est pas dominant contre Pittsburgh, comme en fait foi sa fiche de 13-14-5 et sa moyenne de 2,95. Price semble détendu et en contrôle au camp, malgré le « blues » d’être éloigné de sa famille. À l’autre bout du spectre, le gardien titulaire lors des deux dernières conquêtes de la Coupe Stanley, Matt Murray, a connu une saison nettement inférieure à ses standards. Son auxiliaire Tristan Jarry a brillé, au point où l’entraîneur Mike Sullivan a choisi de leur faire partager le travail. Mais Murray a disputé quatre des cinq derniers matchs des Penguins avant l’interruption de la saison, comme quoi on a voulu lui donner toutes les chances de se racheter, tandis que Jarry a accordé 11 buts à ses deux derniers départs.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Matt Murray

Arguments en faveur du Canadien

Les Penguins ont cinq joueurs de six pieds ou moins au sein de leur top 6 à l’attaque. Leur style convient mieux à celui du Canadien, pas très costaud à l’attaque non plus. Le CH voudra miser sur sa vitesse et il faut prévoir un échec avant soutenu et agressif. Malgré leur belle saison, les défenseurs Pettersson et Marino sont peu expérimentés. Schultz et Johnson sont vulnérables défensivement. La meilleure défense, contre Crosby et Malkin, sera l’attaque, c’est-à-dire tenter d’étouffer Pittsburgh dans son territoire. Mais le stratège Jacques Martin a sans doute prévu quelque chose pour contrer la vitesse des attaquants du Canadien. Le retour de Max Domi pourrait permettre à Claude Julien de bâtir quatre trios équilibrés.

Arguments en faveur des Penguins

Le contraire est aussi vrai. L’agressivité des Penguins en poursuite de rondelle pourrait faire mal paraître la troisième paire de défense du CH et même un arrière moins mobile comme Shea Weber. Au chapitre du retour en santé des blessés, les Penguins sont avantagés. Jake Guentzel est un marqueur de 40 buts, pas Jonathan Drouin. Les deux clubs ont eu des stratégies contraires à la date limite des transactions. Le Canadien a échangé Ilya Kovalchuk, Nate Thompson, Nick Cousins et Marco Scandella, les Penguins ont acquis Zucker, Marleau et Sheary. Price est un numéro un plus solide que Murray, mais après lui, nul ne sait. Charlie Lindgren n’inspire pas confiance, Cayden Primeau est encore jeune. Chez les Penguins, on a un plan B, peu importe quel gardien entame la série.