Il y a de ces évènements tant attendus des amateurs de sports qu’un réveil en pleine nuit n’est pas exclu.

C’est l’alarme à 6 h du matin pour regarder un match du Mondial junior de hockey pendant les Fêtes. Les amateurs de tennis qui se lèvent à 3 h pour regarder en direct la finale des Internationaux d’Australie. Combien de partisans de Jacques Villeneuve ont regretté d’avoir commandé un Grand Marnier, un daiquiri aux bananes et un Gumby avec deux cerises quand ils ont entendu le réveil sonner à 7 h ?

Chez les St-Pierre, ce moment, c’était le 17 février 1998, à 4 h du matin. C’était la finale du tournoi de hockey féminin des Jeux de Nagano.

« Ma mère et moi, on s’était levées en pleine nuit pour regarder jouer Manon Rhéaume, raconte Kim St-Pierre, nouvellement élue au Temple de la renommée du hockey. Je me souviens encore de la peine dans ses yeux quand elle était sur la ligne bleue, après la défaite. En la voyant jouer, j’ai réalisé que le hockey féminin pouvait être un objectif. »

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En février 1998, à Nagano, Manon Rhéaume a participé aux Jeux olympiques avec l’équipe féminine canadienne de hockey.

On ne soulignera jamais assez l’importance des idoles dans le développement des futurs athlètes. C’est particulièrement vrai pour ceux qui font face à différents défis. Jarome Iginla, lui aussi élu mercredi, a affirmé que Grant Fuhr, Tony McKegney et Claude Vilgrain lui avaient montré que des Noirs pouvaient atteindre la LNH. Martin St-Louis voyait aller Mats Naslund et se disait que les joueurs de petite taille pouvaient percer. Et ainsi de suite.

Et si St-Pierre a connu la carrière qu’elle a connue, c’est en grande partie parce que Rhéaume l’a inspirée, d’abord en participant à un match préparatoire avec le Lightning de Tampa Bay en 1992, six ans avant Nagano.

Quand j’étais petite, je rêvais vraiment de jouer dans la Ligue nationale.

Kim St-Pierre

Pour une fille née en 1978, c’était en effet la seule version possible du rêve.

« Les filles ne jouaient pas encore aux Jeux olympiques, poursuit-elle. Je voulais jouer pour le Canadien, c’était mon rêve. Alors de voir que Manon avait joué un match pour le Lightning, c’était incroyable. Ma mère m’avait même acheté son livre. Je trouvais ça tellement hot. »

Elle ne le savait pas

Lors de la conférence téléphonique qui a suivi l’annonce de son élection au Temple, St-Pierre a nommé Rhéaume et Patrick Roy comme ses idoles.

C’est super pour Kim. Je suis fière d’elle, elle le méritait vraiment !

Manon Rhéaume

Et ça fait quoi d’entendre une nouvelle membre du Temple te nommer parmi ses idoles ?

« Je ne savais pas qu’elle avait dit ça. C’est le fun de l’entendre ! », lance l’unique gardienne à avoir participé à un match de la LNH.

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En septembre 1992, Manon Rhéaume est devenue la première femme à disputer un match de la LNH en prenant part à une rencontre préparatoire du Lightning de Tampa Bay.

Il faut savoir que même si elles n’ont que six ans de différence, Rhéaume et St-Pierre n’ont jamais été coéquipières dans un tournoi majeur. Leurs rencontres ont eu lieu au hasard, ici dans un tournoi de roller-hockey, là au Tournoi international pee-wee de Québec. Les rencontres sont rares, mais les deux femmes se suivent sur les réseaux sociaux habituels.

« J’ai réalisé plus tard dans ma vie que mon histoire a inspiré les gens, poursuit Rhéaume. Dans tout ce que j’ai fait, la chose la plus satisfaisante, c’est que ça a inspiré des jeunes. L’an passé, j’avais été invitée au podcast de Mike McKenna [ancien gardien dans la LNH et la Ligue américaine]. Il m’avait raconté que quand il était enfant, il s’était dit : “si une fille peut se rendre dans la LNH, moi aussi je peux le faire !” Je suis contente d’avoir inspiré des gars comme des filles. »

Le cycle continue

Son plus grand moment au hockey féminin, Rhéaume l’a vécu pendant que c’était la nuit dans le marché nord-américain. Pas idéal pour la visibilité.

St-Pierre, elle, a pu disputer une finale olympique aux États-Unis, et une sur le sol canadien, dans une période de grande croissance du hockey féminin. Entre ses sélections avec l’équipe nationale, elle a aussi joué avec l’Université McGill, de même que pour les Stars de Montréal.

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Kim St-Pierre a participé à trois tournois olympiques au cours de sa carrière ; à Salt Lake City, en 2002, à Turin, en 2006, et à Vancouver, en 2010.

D’une génération à l’autre, les options se sont améliorées. Mais le vide actuel depuis que la Ligue canadienne de hockey féminin a mis fin à ses activités devra être rapidement comblé pour que le calibre continue à s’améliorer.

« Certaines filles seraient assez fortes pour jouer avec les gars, mais il y a maintenant un assez bon bassin pour qu’on les laisse ensemble, explique Rhéaume, aujourd’hui coordonnatrice des programmes de hockey féminin pour l’association de hockey mineur Little Caesars, près de Detroit. Avec les universités, avec le soutien des équipes nationales, les filles peuvent s’entraîner à temps plein. Ce n’est pas au niveau de la LNH, mais elles ont plus d’aide que nous dans notre temps ! »

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Manon Rhéaume occupe aujourd’hui le poste de coordonnatrice des programmes de hockey féminin pour l’association de hockey mineur Little Caesars, dans la région de Detroit.

Une seule grande ligue professionnelle avec du soutien de la LNH, c’est ça qui va faire la différence. Sinon, c’est très dur d’avoir une ligue qui survit.

Manon Rhéaume

Ce sera maintenant au tour de St-Pierre, première gardienne admise au Temple, d’inspirer les générations futures.

« J’ai toujours eu des modèles masculins, et Manon a été mon premier modèle féminin, rappelle St-Pierre. Maintenant, avec Hayley Wickenheiser, Marie-Philip Poulin, Danielle Goyette, les petites filles ont eu beaucoup de modèles féminins de réussite à qui s’identifier.

« Si des petites filles peuvent s’identifier à moi, tant mieux ! Et avec BOKS Canada [programme d’activité physique pour lequel elle travaille], j’espère aussi inspirer des enfants à bouger. »