Les arénas du Québec sont désormais autorisés à rouvrir leurs portes. Et les utilisateurs devront composer avec certains inconvénients. « Mais si ça prend ça pour jouer au hockey, on va le faire. »

(LAVAL) Du désinfectant à l’entrée. Des flèches au sol pour diriger les déplacements. Une pancarte à la porte indiquant une limite de huit personnes.

On n’était pas à l’épicerie ou à la pharmacie, mais bien dans les corridors d’un aréna. En ce 22 juin, les arénas, piscines et gymnases étaient autorisés à rouvrir au Québec, une autre étape de ce déconfinement qui continue à surprendre par sa vitesse.

Avec seulement cinq jours de préavis, la majorité des arénas n’ont évidemment pas rouvert leurs portes, d’autant plus qu’en temps normal, bien des patinoires sont sur le béton en plein été.

Mais à l’aréna Guimond de Laval, on était prêts. Prêts pour le hockey dans une nouvelle réalité. « Les toilettes sont barrées, donc je devrai prendre ma douche chez moi. Ça fait longtemps que je n’ai pas fait ça ! », nous raconte Andrew Stephan, un élève de l’école de gardiens Intense Hockey, bien suintant après 90 minutes sur la patinoire.

À ses côtés, Jonathan Brisson acquiesce. Le gardien de 20 ans vient de passer trois mois loin des patinoires, au terme de sa saison avec les Patriotes du cégep de Saint-Laurent. Normalement, il prend une pause d’un mois, pas trois. Le retour sur glace était pénible. « Les changements de direction étaient difficiles, les hanches étaient assez serrées ! », admet-il.

« J’avais hâte d’embarquer et j’étais prêt à vivre avec les inconvénients qui viennent avec, comme les douches fermées. Ça va être bizarre, mais si ça prend ça pour jouer au hockey, on va le faire. »

Longues semaines

Pour diriger la circulation sur la patinoire, il y a Bruno-Pierre Guillemette, copropriétaire d’Intense Hockey. Et comme ses joueurs, il vit une nouvelle réalité.

Un exemple : pour sa séance de 14 h 30, il n’avait que trois gardiens. Il les a donc regroupés sur une moitié de la patinoire. Sur l’autre moitié, les Nordiques du cégep Lionel-Groulx tenaient un premier entraînement. Ils ne trouvaient pas de patinoire, donc l’entraîneur Charles Dupéré a contacté Guillemette pour partager la surface avec lui. Plus tard cette semaine, une équipe de Saint-Eustache fera de même.

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Les joueurs de hockey doivent suivre de nouvelles règles dans les arénas du Québec.

« On aura le même nombre d’élèves, mais nos horaires seront très différents, explique Guillemette. On va faire de 8 h le matin à 10 h le soir. On ne peut pas faire de sessions de groupe sur synthétique, donc il va falloir faire du semi-privé. Je n’aurai pas de pertes de revenus, mais je vais travailler plus d’heures. »

Plus d’heures, mais aussi plus de dépenses. « On a engagé un troisième coach, qui se promène et qui désinfecte les lieux entre les groupes. Il accueille le jeune, lui fait se laver ses mains, l’accompagne. Le jeune ne peut pas arriver plus que 30 minutes en avance, et a 15-20 minutes pour se changer après son entraînement. »

C’est aussi une nouvelle réalité dans les gradins, où on croise un seul parent pendant la séance de 13 h, et un autre pendant celle de 14 h 30. L’échantillon est mince, certes. Mais on comprend que les règles établies à l’aréna sont aussi martelées à la maison.

« Il faut continuer à sensibiliser les jeunes, plaide Francis Robert, pendant que son fils Gabriel s’exerce avec les Nordiques. C’est de rester le moins longtemps possible dans le vestiaire. Je lui ai dit : prends pas huit heures pour te déshabiller. Go, on sort ! C’est comme à l’épicerie, on ne magasine pas, c’est in and out. »


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Francis Robert

« L’important, c’est qu’il respecte les règles en bas [dans le vestiaire], et qu’il respecte son coach, parce que les personnes les plus à risque, ce sont les plus vieux, les coachs », ajoute Daniel Méthot, l’autre papa croisé.

« La règle d’or, c’est de savoir qui était avec qui. S’il y a de quoi, je vais recevoir un téléphone qui me dit que tel gars a la COVID. Je m’attends à ça des associations de hockey. Et nous, comme parent, il faut être honnête, seulement venir ici si notre jeune est en santé. S’il a la goutte au nez, on ne l’amènera pas. »

Les règles et la réalité

Les règles, c’est bien beau. Mais dans la vraie vie, voici des ados, des jeunes adultes, qui se retrouvent dans un vestiaire de hockey, haut lieu de fraternité s’il en est un.

Dans les vestiaires, on a collé des lignes blanches de ruban adhésif sur les bancs, afin que les jeunes respectent la distanciation en tout temps. Mais l’espace est plutôt contigu. On jette un coup d’œil dans le vestiaire pour constater qu’on ne voit pas une des lignes ; un jeune, avec son gros équipement de gardien sur le dos, est assis directement dessus.

Avec les plus jeunes, il faut faire des petits rappels des distances. Pour les plus vieux, ça va.

Bruno-Pierre Guillemette, copropriétaire d’Intense Hockey

Ces rappels seront visiblement le quotidien des entraîneurs. Les relations sont étroites dans les équipes ; même des jeunes qui fréquentent simplement la même école de hockey, comme celle visitée lundi, deviennent camarades.

« L’été, on est six ou huit dans le même groupe, et on se rapproche, explique le gardien Jonathan Brisson. Là, l’ambiance est plus tendue, plus froide. Tu ne veux pas venir trop proche d’un autre joueur parce que tu veux être respectueux. Sur la glace, avant, on faisait des niaiseries, on se taquinait, mais là, on ne peut pas se toucher. »

Dans les gradins, on aborde le sujet avec Daniel Méthot, qui ne manque pas de sourire.

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Daniel Méthot

« Si vous aviez des ados, vous sauriez que depuis un mois, on n’est pas à un feu de camp près ! Ce sont des ados, ils se retrouvent. Hier, mon gars était à table avec deux amis. À la blague, j’ai sorti mon ruban, j’ai dit : ‟regardez, c’est ça, 2 mètres”. La règle, c’est ça. Respectez-la, faites votre part. L’aréna a fait sa part pour prendre des précautions. C’est important de le leur rappeler parce que ces jeunes-là, dans leur tête, ils sont invincibles, ils n’attraperont rien !

« Les exemples de joueurs de la LNH vont aider à montrer aux jeunes que ça peut arriver. Il faut qu’ils reçoivent ces messages-là. Ça fonctionne pas mal plus que si c’est papa à la maison qui dit : ‟t’es trop proche…” »