S’il y en a un dont les oreilles devaient « siler », c’est bien Vincent Damphousse.

C’est que la bonne vieille machine à rumeurs s’est emballée ces derniers jours. C’était l’éléphant dans la pièce, au point où Geoff Molson, dans sa téléconférence de mercredi, a attaqué de front la délicate question de la nécessité d’un président hockey au-dessus de Marc Bergevin.

« Ça s’est rendu à moi parce que des gens m’ont texté. Je n’aime pas que mon nom circule quand il y a des gens en place qui font le travail, a lancé Damphousse à La Presse, au bout du fil. C’est inconfortable. Ce n’est pas le fun quand quelqu’un travaille fort et que ton nom sort. C’est flatteur, mais inconfortable. »

Rappelons les faits. Dans une chronique parue le 3 juin dernier sur le roulement de personnel dans les hautes sphères du Canadien, Réjean Tremblay, du Journal de Montréal, a prédit que « dans un an », Damphousse serait président du Canadien. Prédiction qu’il répétera le jour même au micro du 91,9 Sports, en précisant que c’était son opinion.

Dans les jours qui ont suivi, la discussion s’est transportée sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les tribunes téléphoniques.

« C’était plus son opinion qu’un scoop, a rappelé Damphousse. Geoff sentait le besoin de mettre ça au clair. L’article n’était pas très flatteur pour Geoff, ça suggérait qu’il devait laisser sa place. Geoff prend souvent des décisions difficiles. Mais de garder une certaine stabilité, c’est une décision en soi. Ce n’est pas de rien faire. Moi, je respecte ça. »

Bien des gens avaient de bons mots à dire, mais ce n’était pas fondé. Je ne voulais pas commenter, car ça n’avait pas sa place. Mais maintenant que Geoff [Molson] est sorti et a mis ça au clair, tant mieux.

Vincent Damphousse

Damphousse a travaillé pour l’Association des joueurs de la LNH dans différents rôles jusqu’à l’été 2007. Cinq ans plus tard, il faisait partie des candidats pour succéder à Pierre Gauthier comme directeur général du Canadien, mais il s’était retiré du processus pour des raisons familiales.

Treize ans après son dernier emploi dans la LNH, espère-t-il encore revenir dans le milieu ?

« Pour l’instant, je suis heureux comme actionnaire des spas, je suis heureux à RDS, et je peux passer du temps avec mes trois enfants, qui ont 15, 12 et 5 ans. Je ne ferme pas la porte à quoi que ce soit. Mais en ce moment, ce n’est pas un objectif immédiat. Si c’était un objectif, j’aurais commencé à faire des pas en conséquence. Ce que j’aime avec RDS, c’est que ça me garde dans la game, ça me tient au courant. »

Dès le début

Quoi qu’il en soit, Geoff Molson parlait comme quelqu’un qui avait été fouetté par les rumeurs. Le président et propriétaire du Canadien a abordé le sujet avant même la période des questions, dès ses remarques d’ouverture, dans une déclaration de 1 min 35 s.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Geoff Molson et Marc Bergevin

« Je n’ai aucune intention d’embaucher un président hockey. Très peu d’équipes le font. Marc est un des DG les plus respectés et expérimentés dans la LNH. Il va continuer à se rapporter à moi », a notamment déclaré Molson.

Questionné sur le sujet plus tard dans la conférence, Molson a ajouté : « Il y a tellement de journalistes que quand un sujet sort, tout le monde en parle. C’est unique à Montréal. […] Quand j’entends des histoires comme celle-là, je réfléchis, je parle à beaucoup de monde, j’appelle d’autres équipes pour comprendre leur structure, pourquoi des équipes en ont et d’autres n’en ont pas. […] Le plus important, c’est que Marc soit bien entouré, et je crois qu’il l’est. »

Ce faisant, Molson a offert à Bergevin un autre vote de confiance, car on comprend que l’ajout d’un président hockey aurait en quelque sorte sapé son autorité. Récemment, les Golden Knights de Vegas ont ajouté cette fonction ; ils l’ont toutefois fait en promouvant George McPhee du poste de directeur général à celui de président des opérations hockey, et en donnant le titre de DG à Kelly McCrimmon.

Molson n’a pas tort quand il dit que « très peu d’équipes » ont un président des opérations hockey. En faire une recension exacte demeure un exercice imprécis, car l’organigramme varie d’une équipe à l’autre. Aux fins de l’exercice, La Presse s’est limitée aux organisations où un homme de hockey détient un poste entre le directeur général et le propriétaire.

Nous en arrivons à sept organisations avec une telle structure : Boston (Cam Neely), Detroit (Jim Devellano), Los Angeles (Luc Robitaille), New Jersey (Martin Brodeur), les Rangers (John Davidson), Toronto (Brendan Shanahan) et Vegas (McPhee). Du lot, le poste de Devellano semble plus honorifique, tandis que la structure des Devils n’est pas fixée, puisque l’équipe est à la recherche d’un DG.

On note toutefois que ces organisations, à l’exception des Devils, sont fort bien nanties, comme l’est le Canadien. On note aussi que le modèle des Bruins n’a pas exactement été vilain, l’équipe ayant atteint la finale de la Coupe Stanley trois fois depuis que Neely a été embauché, en 2010.

En séries éliminatoires ?

Ce vote de confiance survient au moment où l’équipe traverse sa pire séquence depuis que Maurice Duplessis a battu Adélard Godbout pour redevenir premier ministre.

En effet, le CH n’a pas gagné une seule série depuis 2015. L’équipe était en voie de rater le tournoi cette année, avant que la COVID-19 ne s’en mêle. Cinq années de suite sans gagner une série, c’est du jamais-vu depuis la séquence de six saisons entre 1937-1938 et 1942-1943.

Cette année, le Tricolore aura toutefois la chance de se reprendre puisqu’en vertu du plan de retour au jeu, Montréal affrontera Pittsburgh en phase de qualification dans une série 3 de 5, avec comme enjeu une participation aux séries éliminatoires. Avec un dossier de 31-31-9, le CH a la pire fiche des 24 équipes qui joueront cet été si les circonstances le permettent.

Aux yeux de Molson, cependant, la participation du Canadien à cette phase constitue une qualification pour les séries. « J’ai très hâte qu’on commence les séries. Je suis très content pour nos vétérans qui auront la chance de jouer en séries », a-t-il lancé dans ses remarques d’ouverture, que l’on devinait préparées.

Molson s’est montré très réaliste quant aux chances de son équipe de faire un bout de chemin. Rappelons que quelques semaines avant l’éclatement de la pandémie, Bergevin avait échangé les vétérans Marco Scandella, Nate Thompson, Ilya Kovalchuk et Nick Cousins.

« Est-ce que cette équipe est bâtie pour gagner la Coupe Stanley ? Je ne pense pas. Mais je pense que tout peut arriver en séries, on l’a vu. On est reposés depuis trois mois, mais les autres équipes aussi. Je regarde l’avenir, je vois un noyau de vétérans et de jeunes qui pourront nous amener au point où on pense qu’on peut gagner. »