Au cours des prochaines semaines, nous vous offrirons une analyse de chacun des repêchages du Canadien depuis 2003. Cette cuvée coïncide avec l’entrée en poste de Trevor Timmins à titre de directeur du recrutement amateur chez le CH. Nous replongerons dans le contexte de l’équipe à a veille de chaque cuvée, rappellerons les déclarations enthousiastes de l’époque, avant de terminer avec le bilan.

LE CONTEXTE

Saison cauchemardesque pour le Canadien. Le flanc gauche entier de la défense, Andrei Markov, Alexei Emelin et Nathan Beaulieu, sans compter Mikhail Sergachev, n’a pas été retenu, et les solutions de rechange, Karl Alzner, Brandon Davidson, Joe Morrow, Mark Streit, Jakub Jerabek et David Schlemko ont failli lamentablement à la tâche.

Pour ajouter aux ennuis, Shea Weber a subi une grave blessure et raté 56 matchs. Avec une défense aussi faible, Carey Price a connu de loin la pire saison de sa carrière.

À l’attaque, outre Brendan Gallagher et ses 31 buts, les autres ont déçu. Alex Galchenyuk et Max Pacioretty n’ont même pas compté 20 buts. Ils sont visés lorsque Marc Bergevin parle d’un problème « d’attitude » au sein de l’équipe.

Jonathan Drouin n’est pas vilain au centre, mais pas dominant non plus. Avec le départ de Tomas Plekanec, échangé à la date limite des transactions, il reste Philippe Danault au centre, mais il a obtenu seulement 25 points, dont huit buts, en 52 matchs, et Jacob de la Rose, un joueur de soutien.

Galchenyuk est échangé le 15 juin en retour d’un ailier, Max Domi, décevant lui aussi chez les Coyotes avec 45 points, dont 9 buts, en 82 matchs. Bergevin a tenté d’échanger Pacioretty, sans succès.

Malgré une décevante 28e place au classement général, Marc Bergevin conserve son poste, en promettant une réinitialisation, ou un « reset on the fly », sa propre expression, en bref, une cure de rajeunissement.

Trevor Timmins n’a jamais été aussi gâté. Le CH détient onze choix, son plus haut total depuis 2003, à une époque où le repêchage comptait neuf rondes au lieu de sept. Montréal possède le troisième choix au total (il a remporté le troisième lot de la loterie et grimpé d’un rang), en plus de quatre choix de deuxième ronde.

Après son premier choix, le Canadien repêchera au 35e rang, en deuxième ronde, avec son propre choix. Le second choix de la ronde, au 38e rang, a été obtenu des Blackhawks deux ans plus tôt avec Danault pour Dale Weise et Tomas Fleischmann. Le choix au 56e rang, en fin de deuxième ronde, a été obtenu des Leafs pour Tomas Plekanec et le 62e, le dernier de la ronde, des Capitals pour Lars Eller.

À court terme, les besoins du CH sont clairs : il n’y a pas de grand centre offensif à l’horizon, ni dans la formation ni dans les filiales. Le côté gauche de la défense en arrache autant, même si Victor Mete a surpris en méritant un poste avec l’équipe à seulement 19 ans. Mais son apport offensif s’est limité à sept aides en 49 matchs.

MON CHOIX

Mon choix personnel annoncé sur Twitter le 4 juin 2018 : « Malgré les suppositions et les analyses, mon choix au troisième rang pour le Canadien demeure le jeune défenseur Quinn Hughes. Tenez-le-vous pour dit ! »

LES CHOIX

Le Canadien a besoin de renfort au centre et les Sabres de Buffalo cherchent à échanger Ryan O’Reilly. Avant le repêchage, le DG des Sabres, Jason Botterill, discute avec le Canadien, mais il est gourmand. Il exige le troisième choix au total du CH, Ryan Poehling et Phillip Danault en retour du centre des Sabres. Sans surprise, Bergevin ne mord pas à l’hameçon. Après tout, il n’est pas à un joueur près d’aspirer à la Coupe Stanley.

Montréal s’accroche donc à son choix et continue à brouiller les pistes. Début juin à Buffalo, Timmins et Bergevin invitent à souper Brady Tkachuk, Jesperi Kotkaniemi et Barrett Hayton lors des tests de la LNH et publient leurs noms sur le compte Twitter de l’équipe. À Dallas, Andreï Svechnikov et Filip Zadina sont invités à leur tour. Timmins ne se gêne pas pour vanter Zadina sans même qu’on lui pose de question au sujet de cet ailier des Mooseheads d’Halifax.

Sans surprise, le défenseur Rasmus Dahlin et l’ailier Andrei Svechnikov constituent les deux premiers choix, par les Sabres et les Hurricanes. Le Canadien opte pour le centre finlandais de 6 pieds 2 pouces et 195 livres, Jesperi Kotkaniemi.

Le jeune homme est classé au sixième rang seulement chez les joueurs européens selon la Centrale de recrutement de la LNH, derrière Dahlin, Adam Boqvist, Vitali Kravtsov, Martin Kaut et Adam Ginning. Si l’on tient compte des meilleurs joueurs nord-américain, on devine qu’il ne figure pas au sein du top dix de la Centrale. Mais bon, elle n’est pas la référence par excellence…

Kotkaniemi a beaucoup progressé au fil de la saison et ses performances printanières au tournoi Ivan-Hlinka et au Championnat mondial des moins de 18 ans ont fait la différence. Né en juillet, Kotkaniemi est aussi l’un des plus jeunes joueurs de sa cuvée.

Au quatrième rang, les Sénateurs d’Ottawa repêchent le fougueux ailier Brady Tkachuk, les Coyotes optent eux aussi pour un centre, Barrett Hayton, Filip Zadina rejoint Detroit et le défenseur Quinn Hughes est repêché par Vancouver au septième rang.

En deuxième ronde, le Canadien repêche d’abord l’ailier finlandais Jesse Ylonen, un patineur très explosif, surprend avec Alex Romanov et repêche un centre suédois, Jacob Olofsson, avec le choix des Leafs.

Trevor Timmins est livide lorsque Bergevin échange son dernier choix de la deuxième ronde pour obtenir des choix de troisième et cinquième ronde. Il tenait mordicus au centre Cam Hillis. Qu’importe, le jeune homme est toujours disponible au début de la troisième ronde et Bergevin ne manque pas de taquiner son bras droit.

Les recruteurs du CH font le plein de centres. En plus de Kotkaniemi, Olofsson et Hillis, ils repêchent Allan McShane, Samuel Houde et Brett Stapley. Deux défenseurs gauchers s’ajoutent donc à la banque d’espoirs, Romanov et Jordan Harris, repêché en troisième ronde.

TEXTE DE GUILLAUME LEFRANÇOIS LE LENDEMAIN DU REPÊCHAGE

SPORTS, dimanche 24 juin 2018 LA PRESSE À DALLAS-REPÊCHAGE DE LA LNH
Le drôle de cas de Romanov
Guillaume Lefrançois
Dallas-Dans quelques années, on criera au génie ou on en fera des blagues. Mais une chose est sûre : le Canadien a fait jaser en sélectionnant le Russe Alexander Romanov dès le 38e rang. Pourquoi ? Parce que la Centrale de recrutement de la LNH le classait au 115e rang des espoirs européens. Ensuite, parce que des recruteurs de certaines équipes ont admis ne pas même l’avoir mis sur leur liste en vue du présent repêchage. Notons toutefois que d’autres équipes savaient très bien qui était ce jeune homme et n’ont pas sursauté en entendant son nom. On ignore s’ils se sont passé le mot, mais tant Trevor Timmins que l’agent de Romanov en ont beurré épais quand est venu le temps de parler de ce porte-couleurs du club junior du CSKA Moscou. Timmins a soulevé l’hypothèse que Romanov était le joueur le plus près de la LNH parmi les 11 que le CH a repêchés cette fin de semaine, car il joue déjà « comme un pro ». « Il me fait un peu penser à Alexei Emelin, mais à un Emelin avec une tonne d’énergie », a-t-il ajouté. Timmins a aussi rappelé que le jeune homme avait dû se contenter de la deuxième vague de l’avantage numérique avec la Russie au Championnat du monde des moins de 18 ans. « Il y avait plusieurs choix discutables dans cette équipe. Mais je n’entrerai pas dans les détails », a dit Timmins. C’est à ce tournoi que les recruteurs du CH sont tombés amoureux de Romanov. Notons d’ailleurs que c’est là aussi que Jesperi Kotkaniemi a grandement grimpé dans leur estime. Dan Milstein, le très loquace agent du joueur, a quant à lui affirmé que son client s’attendait à être repêché au deuxième tour, « mais pas aussi tôt dans la ronde ». Milstein ne s’est pas arrêté là. « S’il avait joué au Canada, il aurait été repêché parmi les 10 premiers. » Sa sélection au 38e rang a fait réagir, d’autant que le Tricolore détenait aussi alors les 56e et 62e choix. Mais selon Timmins, des équipes qui ont l’habitude de scruter la Russie, comme Detroit, Columbus, Nashville ou Tampa Bay, auraient pu le réclamer dans l’intervalle. « La liste de la LNH m’importe peu. C’est comme la 32e équipe. Il y a 31 listes différentes pour le repêchage. Nous dépensons beaucoup d’argent afin de préparer le repêchage. Romanov n’avait pas été invité au camp d’évaluation à Buffalo, tout comme Jonatan Berggren, qui a aussi été repêché au deuxième tour. »

QUELQUES CITATIONS

Au moment où l’on se parle aujourd’hui, je penche plus vers la patience que faire un changement à court terme. La possibilité que l’on échange le choix numéro 3 est très, très, très mince. Dans le passé, des joueurs-clés ont été choisis tôt au repêchage. Alors, on envisage aller chercher un bon joueur-clé, et ça va être important pour l’avenir de l’organisation.

Marc Bergevin, avant le repêchage.

Ces deux joueurs dont tout le monde parle au sommet de la liste, ils sont prêts à jouer maintenant. Les autres, ils devront faire leurs preuves cet automne.

Trevor Timmins, avant le repêchage, en référence à Dahlin et Svechnikov.

Je vais retourner au jour où nous avons choisi Carey Price au 5e rang. Il s’agissait d’une importante décision, car, à l’époque, nous avions une assez bonne profondeur dans les buts. En Carey Price, nous avons sélectionné quelqu’un qui, selon nous, allait devenir un joueur de concession. Aujourd’hui, je regarde le troisième choix, et c’est une position assez difficile parce qu’il y a beaucoup de bons joueurs à des positions différentes, des joueurs différents. Zadina fait partie du groupe. C’est tout un joueur de hockey. Il peut marquer des buts aussi bien que n’importe qui. J’aime le joueur de hockey et j’aime la personne. Nous avons eu une excellente rencontre avec lui hier mercredi soi

Trevor Timmins, avant le repêchage.

Nous savons qu’il est difficile d’acquérir des centres. Kotkaniemi n’a pas été choisi uniquement en raison de sa position. C’est un joueur extraordinaire. Il possède un bon tir, il est bon défensivement, il a un bon physique et il travaille fort. Il n’est même pas près d’avoir atteint son plein potentiel. S’il devient un joueur de premier trio, tant mieux. Sinon, je me serai protégé avec ma réponse. Mais je n’ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous annoncer qu’il sera le prochain Jonathan Toews. Ce n’est pas mon travail.

Trevor Timmins, après avoir repêché Kotkaniemi.

LA SUITE

À la surprise générale, Kotkaniemi mérite un poste à Montréal dès sa première saison professionnelle. Il avait pourtant 17 ans deux mois avant l’ouverture du camp d’entraînement du Canadien.

Il sera le seul avec Dahlin, Svechnikov et Tkachuk à passer la saison complète dans la LNH. Kotkaniemi avait obtenu 26 points à ses 55 premiers matchs, au centre du troisième trio, avant de frapper le mur. Il terminera la saison avec 34 points en 79 matchs.

À sa première saison dans la LNH, Jack Hughes, premier choix au total en 2019, a obtenu 21 points en 61 matchs avec les Devils du New Jersey. Le deuxième choix, Kaapo Kakko, en a amassé 23 en 66 avec les Rangers de New York.

Kotkaniemi a connu une deuxième saison plus difficile. Il avait seulement huit points, dont six buts, en 36 matchs marqués par une commotion cérébrale, lors de sa rétrogradation dans la Ligue américaine. Il y a retrouvé sa confiance, avec 13 points en autant de rencontres, avant de se blesser à la rate. Il ne reviendra pas au jeu cette saison, mais se remettra complètement de sa blessure.

Les détracteurs de Kotkaniemi comparent souvent son rendement à celui de Brady Tkachuk, 44 points, dont 21 buts, en 71 matchs à Ottawa, après sa saison de 45 points la saison précédente.

Il est injuste de comparer les deux à ce stade-ci de leur carrière. Tkachuk est né le 16 septembre 1999. Deux jours plus tôt et il aurait été repêché en 2017.

Kotkaniemi est né le 6 juillet 2000, presque 11 mois plus tard. Il était à deux mois d’être éligible au repêchage de… 2019. Non seulement il y a presque un an de différence entre les deux, mais presque deux années de repêchages aussi !

Pour une comparaison plus juste, il faudrait établir un parallèle entre Nick Suzuki et Tkachuk. Même si Suzuki a été repêché en 2017, il y a seulement six semaines d’écart entre les deux, puisque Suzuki est né le 10 août 1999.

Le reste du repêchage s’annonce bien. Quatre joueurs de cette cuvée ont participé au Championnat mondial junior en 2019. Ylonen était un ailier de premier plan pour la Finlande, il a obtenu six points en sept matchs. Il venait de rejoindre le Rocket de Laval lors de l’interruption de la saison.

Alexander Romanov a connu la progression la plus fulgurante. Il a été nommé le défenseur par excellence de ce Championnat mondial junior et il a brillé à nouveau cette année. Il a 14 points en autant de rencontres lors de ses deux participations. Il vient de signer un contrat avec le Canadien et les attentes sont élevées à son endroit.

Ce sera un jeune défenseur qui, à 23, 24 ans, nous donnera 24, 25 minutes contre les meilleurs trios adverses. Le genre de défenseur qu’on envoie sur la glace pour protéger une avance, jouer en infériorité numérique, peut-être jouer les 30 dernières secondes de la supériorité numérique quand tu sais que l’autre équipe revient avec son gros trio. Mais il faut lui donner du temps. Un défenseur comme ça, je le considère aussi important qu’un défenseur capable d’obtenir de 60 points, mais à risque.

Marc Bergevin, à en entrevue à La Presse en février.

Jacob Olofsson devait jouer au centre du premier trio de la Suède cet hiver à sa seconde participation au Championnat mondial junior, mais une blessure l’a empêché d’y prendre part. Il restera en Suède quelques saisons de plus. Il a obtenu 9 points en 24 matchs à Skelleftea, la Ligue d’élite de Suède, à 19 ans seulement.

Jordan Harris a joué au sein de la première paire de défenseurs de l’équipe américaine au Championnat mondial junior cet hiver. Il vient d’obtenir 21 points en 33 matchs à Northeastern, dans la NCAA. Il y restera une autre saison, mais c’est un espoir de premier plan.

Jesperi Kotkaniemi aurait été le cinquième de cette cuvée à disputer le Championnat mondial junior s’il n’avait pas joué à Montréal. C’est vous dire à quel point il est encore jeune.

Cam Hillis, 83 points en 62 matchs à Guelph, vient de signer un contrat de trois ans avec le Canadien. Il pourrait jouer à Laval l’an prochain ou rester une dernière saison avec son club junior. À moins d’un revirement inattendu, Allan McShane, Cole Fonstad et Samuel Houde ne recevront pas d’offre.

À ne pas oublier, le choix de septième ronde, Brett Stapley, 30 points en 35 matchs à l’Université Denver.

Quant à mon choix personnel, Quinn Hughes -repêché par les Canucks-, il avait 53 points en 68 matchs à Vancouver à sa première saison dans la LNH, au moment de l’interruption du jeu.

Kotkaniemi deviendra sans doute un brillant centre, capable d’amasser au moins 70 points dans la LNH. Mais le p’tit Hughes n’aurait pas été vilain à la gauche de Weber.

NOTE FINALE : Trop tôt pour évaluer

Les choix du Canadien en 2018

Jesperi Kotkaniemi, centre, 1re ronde, 3e total.

Jesse Ylonen, ailier, 2e ronde, 35e total.

Alexander Romanov, défenseur, 2e ronde, 38e total.

Jacob Olofsson, centre, 2e ronde, 56e total.

Cam Hillis, centre, 3e ronde, 66e total.

Jordan Harris, défenseur, 3e ronde, 71e total.

Allan McShane, centre, 4e ronde, 97e total.

Jack Gorniak, attaquant, 4e ronde, 123e total.

Cole Fonstad, attaquant, 5e ronde, 128e total.

Samuel Houde, centre, 5e ronde, 133e total.

Brett Stapley, centre, 7e ronde, 190e total.

À LIRE

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