Au cours des prochaines semaines, nous vous offrirons une analyse de chacun des repêchages du Canadien depuis 2003. Cette cuvée coïncide avec l’entrée en poste de Trevor Timmins à titre de directeur du recrutement amateur chez le CH. Nous replongerons dans le contexte de l’équipe à a veille de chaque cuvée, rappellerons les déclarations enthousiastes de l’époque, avant de terminer avec le bilan.

LE CONTEXTE

Marc Bergevin a tenté le tout pour le tout cette année-là. Il a échangé P. K. Subban, 27 ans, pour Shea Weber, à l'aube de son 31e anniversaire ; Andrew Shaw a été acquis pour deux choix de deuxième ronde et on lui a offert un contrat de six ans pour 23M$ ; Alexander Radulov a été embauché pour un an à un salaire de 5M$.

Montréal a connu une autre excellente saison régulière avec 103 points, sa quatrième en cinq ans sous le règne de Bergevin (au pro rata d’une saison de 82 matchs en 2012-2013), mais les séries n’ont pas duré très longtemps. Le CH s’est fait timide devant les Rangers de New York et le gardien Henrik Lundqvist, impérial ce printemps-là.

Bergevin s’était pourtant chargé d’ajouter du muscle et de l’expérience à la date limite des transactions. Le frêle Sven Andrighetto a été échangé pour le colosse Andreas Martinsen. David Desharnais est passé aux Oilers pour Brandon Davidson. Steve Ott a été obtenu pour un choix de sixième ronde. Jordie Benn a été acquis pour Greg Pateryn.

Mais après six matchs éliminatoires, le Canadien était en vacances et on déplorait un manque de d’offensive chez le Canadien. Bergevin espère avoir réglé une partie du problème avant le repêchage de 2017 en échangeant son meilleur espoir, le défenseur gaucher Mikhail Sergachev, 18 ans, pour Jonathan Drouin, 22 ans.

En raison de ses succès en saison régulière, le Canadien repêchera au 25e rang seulement. Mais il détient un choix supplémentaire en fin de deuxième ronde, obtenu des Capitals de Washington pour Lars Eller, et un choix de troisième ronde acquis des Sabres de Buffalo pour Nathan Beaulieu. Mais le choix de quatrième ronde a été cédé pour Jordie Benn, celui de sixième pour Nikita Nesterov et le choix de septième ronde a été donné aux Jets lors du repêchage de 2016 afin d’en obtenir un autre de septième sur le champ et repêcher le défenseur Arvid Henrikson.

Il y a de plus en plus de pression sur Trevor Timmins. Après son gros repêchage de 2007, les récoltes sont minces. Nathan Beaulieu est le plus récent des choix de première ronde à avoir échoué dans sa tentative de devenir un joueur de premier plan, après Jarred Tinordi et Louis Leblanc.

À sa défense, il a repêché en moyenne au 18e rang depuis son entrée en poste en 2003. Et un seul club a obtenu moins de choix de deuxième ronde depuis 2008.

LES CHOIX

Sans surprise, Nico Hischier et Nolan Patrick constituent les deux premiers choix, par New Jersey et Philadelphie. Suivent Miro Heiskanen à Dallas et Cale Makar à Denver, les meilleurs défenseurs disponibles selon plusieurs. Vancouver sort des sentiers battus au cinquième rang en optant pour le centre Elias Pettersson, classé beaucoup plus loin par une majorité d’observateurs.

Les Golden Knights de Vegas, fraîchement entrés dans la LNH, ont réussi à obtenir trois choix parmi les 15 premiers. Ils choisissent Cody Glass (6e), Nick Suzuki (13e) et Erik Brannstrom (15e).

Des observateurs de la scène sportive montréalaise se mettent à rêver d’un centre offensif comme Robert Thomas, Josh Norris ou Morgan Frost. Norris est repêché au 19e rang par San Jose et Thomas au 20e rang par St. Louis.

Le Canadien préfère le centre Ryan Poehling à Morgan Frost au 25e rang malgré ses 13 points en 35 matchs à St. Cloud State, dans la NCAA. Poehling a un bon gabarit et on le dit très responsable défensivement.

Les deux choix de deuxième ronde se situe à la fin de celle-ci. Montréal repêche d’abord le défenseur offensif droitier Josh Brook, 40 points en 69 matchs avec les Warriors de Moose Jaw, puis un petit attaquant finlandais, Joni Ikonen, huit points en sept matchs au Championnat mondial des moins de 18 ans avec la Finlande, dont il était l’assistant-capitaine.

Le CH repêche trois défenseurs costauds par la suite, Scott Walford et Cale Fleury en troisième ronde, Jarred Tyszka en cinquième ronde. Brook, Walford, Fleury et Tyszka mesurent tous entre 6 pieds et 1 pouces et proviennent de la Ligue junior de l’Ouest.

Le Canadien ne détient en principe plus de choix à compter du 149e choix de la cinquième ronde. Le jeune gardien Cayden Primeau, qu’ils suivent à la trace depuis un an, est toujours disponible en septième ronde. Montréal offre aux Flyers de Philadelphie leur choix de septième ronde en 2018 contre le leur au 199e rang et mettent la main sur le fils de l’ancien centre des Flyers Keith Primeau.

Des journalistes ne manquent pas de rappeler que pour une deuxième année de suite, le Canadien n’a pas repêché de Québécois.

QUELQUES CITATIONS

Trevor Timmins est l’un des meilleurs dans la LNH. Je suis très heureux de l’avoir dans l’organisation du Canadien de Montréal. On peut s’asseoir ici et regarder les choix des 30 formations. Toutes les équipes repêchent des joueurs qui n’atteindront jamais leur potentiel. Quand tu regardes un jeune de 17 ans, tu fais une projection dans trois, quatre ou cinq ans. Si l’âge du repêchage passait de 17 à 20 ans, nous ferions moins d’erreurs. Mais toutes les équipes ont les mêmes enjeux. Nous faisons nos devoirs, nous parlons aux joueurs, mais le repêchage reste un exercice encore très difficile.

Marc Bergevin

Nous avons des munitions, cette année, et nous sommes prêts à tirer.

Trevor Timmins, qui repêchera deux fois en deuxième ronde. Le CH repêchera en deuxième ronde pour la troisième fois seulement en neuf ans.

Nous voyons un grand potentiel en lui. C’est parfois plus difficile de faire une bonne prédiction sur un joueur quand il joue contre des adversaires plus âgés. Il était le plus jeune de son équipe à 17 ans. Il est responsable et il a plus de talent que les gens peuvent croire. Il ne faut pas juste regarder ses statistiques. Nous pensons qu’il jouera au sein de l’un de nos trois premiers trios.

Trevor Timmins, à propos de Ryan Poehling.

Tous nos choix aujourd’hui se retrouvaient sur la première page de notre liste. Des équipes ont tenté de s’avancer et nous ont demandé notre choix. Je n’en suis pas certain, mais je soupçonne que c’était pour réclamer Brook. Il a un potentiel encore inexploité et c’est un des joueurs qui se sont le plus améliorés durant la saison. On croit qu’il pourra jouer de nombreuses minutes dans la LNH et être utilisé dans toutes les situations. Tous les défenseurs que nous avons repêchés aujourd’hui ont un bon gabarit, possèdent un haut niveau de compétition et sont de bons patineurs.

-Trevor Timmins, après la deuxième journée de repêchage.

Il n’y a pas grand monde qui a pris la peine de se déplacer à Kootenay cette année, c’était l’une des pires équipes de toute la Ligue canadienne. Mais vous pouvez revoir le Défi des Espoirs, et il a connu un match exceptionnel lors de cette rencontre.

-Trevor Timmins, à propos du choix de troisième ronde Cale Fleury.

LA SUITE

Il faudra encore quelques années avant d’évaluer ce repêchage. La majorité des joueurs de cette cuvée ont 21 ans ou moins et seulement une douzaine sont établis dans la LNH, parmi lesquels les six premiers choix au total.

La plupart poursuivent leur apprentissage dans la Ligue américaine et les circuits professionnels européens. Seulement 25 joueurs ont disputé au moins 25 matchs dans la LNH jusqu’ici, dont Cale Fleury et Ryan Poehling.

Les performances de Poehling dans les 18 derniers mois ont contribué à gonfler les attentes. Il a été nommé le joueur par excellence du Championnat mondial junior en 2018 avec huit points, dont cinq buts, en sept matchs. Il a marqué trois buts à son seul match avec le CH en fin de saison 2019, en plus du but gagnant en fusillade.

Pourtant, on l’a toujours pressenti à titre de centre de deuxième ou troisième trio au sein de l’organisation. Sa production dans la NCAA, inférieure à un point par match, en faisait foi.

Le début de carrière de Poehling chez les pros a été difficile. Il connaissait un bon début de camp d’entraînement avec le Canadien en septembre 2019 lorsqu’il a subi une commotion cérébrale. Il a peiné à retrouver son rythme. Il a obtenu seulement deux points en 27 matchs à Montréal et 13 points en 36 matchs avec le Rocket de Laval. L’entraineur Joel Bouchard dit avoir observé un progrès dans les dernières semaines avant l’interruption de la saison.

La pire chose qui soit arrivée pour les médias et les fans, c’est son fameux match de trois buts. Ça a gonflé les attentes. Nous, ce soir-là, on s’est regardés, on était contents pour le kid, mais on s’est dit que, l’année prochaine, il allait peut-être en « scorer » juste trois… Dans ma tête, Poehling deviendra dans quelques années ton centre de troisième trio qui va gagner des mises en jeu, qui va jouer en désavantage numérique et affronter les gros trios adverses dans une très bonne équipe de hockey.

Marc Bergevin, à La Presse, en février.

Le rendement de Josh Brook à sa dernière année junior, 75 points en 59 matchs à Moose Jaw, participation au Championnat mondial junior, a excité bien des fans et des journalistes. Brook avait encore beaucoup de choses à apprendre et le camp d’entraînement a permis d’observer ses immenses lacunes.

Il n’a pas passé un hiver facile à Laval, à sa première année professionnelle. On l’a même rayé de la formation à quelques reprises et utilisé comme attaquant. Il s’est amélioré. Au point où il avait un impact au sein du top quatre défensif en fin de saison. Voilà un cas où la présence d’un pédagogue comme Joel Bouchard (avec Alexandre Burrows et Daniel Jacob) dans la Ligue américaine est essentielle.

Cale Fleury, un défenseur droitier comme Brook, a dépassé les attentes. Il a fait le saut à Laval un an plus tôt. Il a réussi à s’intégrer au top six défensif du Canadien, et à impressionner, en première moitié de saison, avant de frapper le mur. Seulement quatre joueurs repêchés après la première ronde ont disputé au moins 40 matchs à ce jour : Mario Ferraro (San Jose), Emil Bemstrom (Columbus), Drake Batherson (Ottawa) et lui.

Joni Ikonen montrait de belles promesses en 2017. Il a survolé le tournoi préparatoire du Championnat mondial junior à Lake Placid avec cinq points en cinq matchs, deux de moins que Poehling. Mais les blessures ont ralenti son développement. Il a disputé seulement 13 matchs en deux ans.

Le meilleur espoir du groupe chez le Canadien a été repêché au 199e rang. Le gardien Cayden Primeau a connu une progression fulgurante après le repêchage. Il a mené les Américains à la médaille d’argent au Championnat mondial junior en 2018 avec une moyenne de 1,36 et un taux d’arrêts de .936. On l’a invité au Championnat du monde avec le gros club.

Primeau a été nommé le gardien par excellence de la NCAA en 2018-2019 avec une moyenne de 2,09 et un taux d’arrêts de .936. À sa première saison dans la Ligue américaine, il a mérité le titre de gardien numéro un du Rocket et on vient de le nommer au sein de l’équipe d’étoiles des recrues, devant Jake Oettinger, un choix de première ronde en 2017. Vingt gardiens ont pourtant été repêchés avant lui.

NOTE FINALE : trop tôt pour évaluer.

Les choix du Canadien en 2017

Ryan Poehling, centre, 1re ronde, 25e total.

Première année professionnelle difficile, mais 25e de sa cuvée pour les matchs disputés ; 15 ont été repêchés avant lui.

Josh Brook, défenseur, 2e ronde, 56e total.

Belle progression après un départ difficile à Laval, il y a encore de l’espoir.

Joni Ikonen, attaquant, 2e ronde, 58e total.

Le pauvre est toujours blessé. Année de vérité si le hockey reprend en Europe cet hiver.

Scott Walford, défenseur, 3e ronde, 68e total.

Le Canadien ne lui a jamais offert de contrat.

Cale Fleury, défenseur, 3e ronde, 87e total.

Une agréable surprise, déjà 41 matchs dans la LNH.

Jarret Tyszka, défenseur, 5e ronde, 149e total.

Le Canadien ne lui a jamais offert de contrat.

Cayden Primeau, gardien, 7e ronde, 199e total.

Désormais l’un des joyaux de l’organisation.

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