La Ligue nationale de hockey souhaite présenter un tournoi estival avec ses 24 meilleures équipes. Soit huit de plus que le format habituel des séries éliminatoires. Si le projet se concrétise, le Canadien, 24e au classement, y participera.

Le mérite-t-il ?

Non.

Est-ce une hérésie ?

Non plus.

La LNH agit ainsi pour rester pertinente dans le plus grand nombre de marchés. Avec raison. Ce tournoi sera sa seule vitrine avant longtemps. Peut-être jusqu’en janvier 2021, comme l’a suggéré l’agent Pat Brisson, dans la balado La Poche bleue. Et encore, c’est optimiste.

Cette proposition devrait susciter l’enthousiasme. Pourtant, tout ce que j’entends autour de la distributrice de Purell, c’est de la grogne. Même à Montréal.

Partisans et commentateurs soutiennent que des clubs faibles comme le Canadien et les Blackhawks de Chicago ne doivent pas participer aux séries. Que ça dévaluera la prochaine Coupe Stanley. Qu’il faudra apposer un astérisque à côté des noms des champions. Comme l’a fait le baseball majeur, pour distinguer le record de circuits de Babe Ruth (60 en 154 matchs) et celui de Roger Maris (61 en 162 matchs). Pire, comme on le fait pour souligner les performances des athlètes dopés.

Pause.

C’est moi, ou cette situation a dégénéré rapidement ?

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Analysons la situation autour d’un gros bol de lait chaud à l’érable.

C’est vrai, le Canadien a connu une saison pitoyable. Une séquence de huit défaites consécutives, c’est inacceptable. Deux ? Dans le même mois ? C’est impardonnable.

L’équipe a terminé le calendrier avec 71 points, sur une possibilité de 142. Pour un taux de réussite de ,500. Le plus faible pour un club qualifié en séries depuis 1999.

Pourquoi 1999 ? Parce que c’est l’année où la LNH a commencé à donner des médailles en chocolat (pardon, des points bonis) pour des défaites en prolongation. Dans l’ancien système, le Canadien aurait obtenu 12 points de moins*. Son taux de réussite aurait été de ,415.

C’est très mauvais. Mais dans l’histoire de la LNH, il y a eu bien pire.

Prenez la Coupe Stanley remportée par le Canadien en 1986. Sans astérisque. Ce printemps-là, trois clubs se sont qualifiés avec un taux inférieur à ,400.

PHOTO MIKE BLAKE, ARCHIVES REUTERS

Quand Patrick Roy et le Canadien ont remporté la Coupe Stanley en 1986, 76 % des équipes de la LNH étaient qualifiées pour les séries éliminatoires.

Deux ans plus tard, les Maple Leafs de Toronto ont accédé aux séries avec un taux de ,325. Soit moins d’une victoire par trois matchs.

Leur différentiel ? - 72.

Le Canadien cette saison ? - 7.

En fait, l’édition actuelle du Tricolore n’est même pas la pire de l’histoire du club à avoir participé aux séries. Entre 1939 et 1942, en misant sur des légendes comme Toe Blake, Butch Bouchard et Elmer Lach, le Canadien s’est qualifié malgré des saisons de seulement 15, 16 et 18 victoires en 48 matchs.

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La semaine dernière, Jordan Martinook, représentant syndical des Hurricanes de la Caroline, s’est moqué du plan de la LNH. D’ailleurs, son équipe a voté contre le format à 24 équipes.

« Ça donne essentiellement une chance à une équipe qui n’en avait pas, a-t-il commenté. Si on avait disputé les 82 matchs, l’équipe en 12e place aurait peut-être eu 6 %, 8 % de chances de réussite. Personne n’a jamais vu ça avant. Les éliminatoires de la Coupe Stanley, ce sont 16 équipes, et sept matchs par série. »

Pas nécessairement.

Depuis 1927, la seule constante avec la Coupe Stanley, c’est qu’elle est remise au champion d’un tournoi disputé après la saison entre des équipes de la LNH. Point. La LNH respecte à la lettre ce principe avec son projet de séries à 24 équipes. Aussi, ce ne serait pas la première fois que la ligue augmenterait le nombre de clubs qualifiés.

Nombre de clubs en séries éliminatoires
1927-1941 : 6
1942-1967 : 4
1968-1974 : 8
1975-1979 : 12
1980-2019 : 16

Au tennis, il est plus prestigieux de gagner Wimbledon – avec sa centaine d’inscrits – que le tournoi de fin de saison, auquel seulement huit joueurs sont invités. Pourquoi serait-ce différent au hockey ? Pourquoi faudrait-il associer un astérisque au champion d’un tournoi de 24 clubs, mais pas à celui de 16 ? De 12 ? De 8 ? De 6 ? De 4 ?

Et 24 équipes, est-ce vraiment trop ? Ça signifierait que 77 % des franchises participeraient aux séries. C’est vrai que c’est beaucoup.

Mais sachez que lorsque le Canadien a gagné ses coupes de 1944, 1946, 1953, 1956 à 1960, 1965, 1966, 1968, 1969, 1976, 1977 et 1978, les deux tiers des clubs étaient qualifiés.

PHOTO ROBERT NADON, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Savard et ses coéquipiers du Canadien célèbrent la conquête de la Coupe Stanley le 13 mai 1977 à Boston.

En 1979 ? 71 %.

En 1986 ? 76 %.

À un petit point de pourcentage de cette saison…

Parmi les promoteurs de l’astérisque, certains soulignent le contexte sanitaire.

Je cite Kevin McGran, du Toronto Star : « Match 7, finale de la Coupe Stanley. La veille, Auston Matthews et Mitch Marner reçoivent un diagnostic positif du coronavirus. Mais ils sont asymptomatiques. Que se passe-t-il ? Connor McDavid et Leon Draisaitl voudraient-ils gagner contre des Leafs amoindris, ou préféreraient-ils vaincre l’équipe complète des Leafs ? Quel bordel, eh ? Des astérisques partout. »

Primo, les Leafs ne se rendront pas en finale.

Deuxio, s’il fallait distribuer des astérisques pour toutes les compétitions marquées par des blessures majeures, les trophées seraient illisibles.

Puis si le tournoi se concrétise, un club de bas de classement – comme le Canadien – pourrait devoir gagner cinq rondes et 18 ou 19 matchs pour pouvoir soulever la Coupe. Du jamais-vu. Tout ça dans un contexte sanitaire dangereux. Sans l’appui des partisans. Loin de la maison. Pendant deux mois.

Les champions mériteront pleinement leur titre.

Sans astérisque.

Dans le calepin

– Le gouvernement a dévoilé lundi son plan de déconfinement. Nous sommes rendus dans la phase 5. Les sports d’équipe extérieurs sont prévus à la fin de la phase 6. La réouverture des gymnases et la reprise des sports professionnels ? Tout en bas de la liste, juste avant les croisières. Hockeyeurs amateurs, il faudra être patients.

– Un petit mot d’encouragement pour Olivier Crête-Belzile, du Phoenix de Sherbrooke. Le joueur de 19 ans a reçu un diagnostic de lymphome hodgkinien nodulaire. Il commencera ses traitements cette semaine. Courage dans cette épreuve difficile.

* 3 victoires en tirs de barrage, 9 défaites en prolongation