Au cours des prochaines semaines, nous vous offrirons une analyse de chacun des repêchages du Canadien depuis 2003. Cette cuvée coïncide avec l’entrée en poste de Trevor Timmins à titre de directeur du recrutement amateur chez le CH. Nous replongerons dans le contexte de l’équipe à a veille de chaque cuvée, rappellerons les déclarations enthousiastes de l’époque, avant de terminer avec le bilan.

LE CONTEXTE

Un vent de renouveau souffle sur le Canadien. Le directeur général Pierre Gauthier et son entraîneur Randy Cunneyworth ont été congédiés après une saison désastreuse. Le successeur de Gauthier, Marc Bergevin, charme son auditoire lors de sa première conférence de presse.

Le Canadien a terminé au 28e rang du classement général, mais le noyau est intéressant. À 23 ans, Max Pacioretty vient de connaitre sa première saison de plus de 30 buts. Il forme un excellent trio avec le centre David Desharnais, 25 ans, 60 points à sa première saison complète. L’autre membre du trio, le vétéran Erik Cole, a marqué 33 buts.

Après ces trois-là, il n’y a pas beaucoup de profondeur par contre. Depuis le départ d’Alex Kovalev, la production du deuxième centre, Tomas Plekanec, a chuté. Il a obtenu 52 points. L’équipe est faible aux ailes. Andrei Kostitsyn et Mike Cammalleri ont été échangés au cours de l’hiver. Obtenu en retour de Cammalleri, Rene Bourque a offert un rendement très décevant.

Le Canadien a deux bons défenseurs, Andrei Markov et P. K. Subban, mais rien de très fort après eux. Preuve du manque de profondeur du club, Mike Blunden, Chris Campoli, Gabriel Dumont, Blake Geoffrion, Tomas Kaberle, Louis Leblanc, Aaron Palushaj, Frédéric St-Denis et Brad Staubitz participent au dernier match de la saison régulière contre les Maple Leafs. On ne les reverra pas à Montréal, ou à peine quelques matchs (dans le cas de Kaberle, Dumont et Blunden) par la suite. Parmi ses premières décisions, Marc Bergevin, auparavant avec les Blackhawks de Chicago, confirme sa confiance en Carey Price, mêlé à mille rumeurs d’échange. Il embauche même l’un des meilleurs entraîneurs des gardiens du milieu, Stéphane Waite, des Blackhawks, pour l’épauler. En juillet, Price signe un nouveau contrat de six ans pour 39M$.

Trevor Timmins est maintenu en poste par Marc Bergevin. Après Bob Gainey et Pierre Gauthier, Bergevin est le troisième DG à conserver ses services. Au grand soulagement de Timmins, Bergevin le soustrait au domaine du développement des joueurs pour lui permettre de se consacrer entièrement à sa tâche de recruteur. Martin Lapointe et Patrice Brisebois, récemment embauchés à cette fin, s’en chargeront désormais.

Le Canadien détient le troisième choix au total de ce repêchage 2012. L’équipe n’a jamais repêché aussi tôt depuis Doug Wickenheiser en 1980. Montréal possède aussi deux choix de deuxième ronde, au 33e et au 51e rang. Le deuxième choix de second tour a été obtenu des Predators de Nashville par Gauthier pour Hal Gill avant la date limite des échanges.

Il ne s’agit pas d’une grande cuvée, dit-on, même si Nail Yakupov, avec ses 101 points en 65 matchs à Sarnia, dans la Ligue junior de l’Ontario, alimente les discussions depuis plusieurs mois. On s’attend à ce qu’il soit repêché au premier rang par les Oilers d’Edmonton. Le défenseur Ryan Murray, semble destiné aux Blue Jackets de Columbus. On le dit prêt à jouer dans la LNH dès la prochaine saison.

Selon plusieurs observateurs, le Canadien hésiterait entre Alex Galchenyuk, le centre de Yakupov à Sarnia, et Filip Forsberg, du Leksand IF, en deuxième ligue suédoise. Forsberg a marqué cinq buts en six matchs au Championnat mondial des moins de 18 ans, mais ses coéquipiers Sebastian Collberg et Alexander Wennberg ont été plus spectaculaires encore avec neuf points en six matchs.

Galchenyuk suscite des doutes également. Il a disputé seulement deux matchs en saison régulière et six matchs de séries après s’être bousillé un genou en début de saison. Il avait néanmoins obtenu 83 points en 68 matchs à seulement 16 ans, 17 en février, pour Sarnia.

À LA VEILLE DU REPÊCHAGE

Un souvenir de Claude Giroux
Mathias Brunet
La Presse, 18 juin 2012 « Vingt clubs de la LNH ont boudé Claude Giroux lors du repêchage de 2006 parce qu’on le trouvait trop frêle. Giroux venait pourtant d’amasser 106 points en 69 matchs à Gatineau. Le Canadien a fait la même erreur que les autres. Il se disait que l’équipe regorgeait déjà d’attaquants de petit gabarit et qu’il fallait regarnir la banque d’espoirs à la défense. L’un des plus sérieux espoirs en prévision du prochain repêchage, Teuvo Teravainen, a du talent. Beaucoup de talent. Mais, comme Giroux au même âge, il ne fait pas 5’11 et 170 livres. « Il pourrait bien, dans quatre ou cinq ans, constituer le meilleur joueur de la cuvée 2012, a confié un recruteur au téléphone ces derniers jours. Mais il ne sera pas prêt avant quelques années et certaines équipes n’auront peut-être pas la patience d’attendre. » Plusieurs sources affirment que le Canadien, troisième à parler le 22 juin, aime beaucoup ce Teravainen. Trevor Timmins confirme d’ailleurs que le jeune homme a beaucoup de potentiel. Mais il dit aussi la même chose de Yakupov, Galchenyuk, Forsberg et des autres. Il y a cependant un lien intéressant à faire entre Teravainen et l’organisation montréalaise. Le jeune homme de 17 ans joue pour Jokerit, dont le DG s’appelle Jarmo Kekalainen. Timmins et Kekalainen sont des amis de longue date. Ils ont travaillé étroitement ensemble chez les Sénateurs d’Ottawa. « Je ne suis pas vraiment surpris par son éclosion, a mentionné Kekalainen, joint au téléphone ces derniers jours. Il nous montre sa magie depuis plusieurs années déjà. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il devienne un joueur d’impact pour nous aussi rapidement compte tenu de sa frêle constitution. Il ressemble encore à un gamin de 15 ans. Mais son intelligence et sa vitesse lui permettent de compenser. C’est un joueur unique. Il a des mains extraordinaires. Il peut vous faire bondir de votre siège. Parfois, il voit des jeux que moi-même, je ne voyais pas de ma loge sur la tribune de presse !  » Kekalainen éclate de rire quand on lui demande s’il s’attend à voir Teravainen repêché au troisième rang. « Je ne veux pas mettre de pression sur mon ami Trevor, répond-il, mais je ne serais pas surpris qu’il soit repêché très tôt par une équipe. Ça prendra un recruteur audacieux, car Teuvo n’est pas le plus imposant physiquement, mais il n’est pas minuscule non plus à 5’11. Il n’est certainement pas plus petit que Claude Giroux… »

LES CHOIX

La logique est respectée. Nail Yakupov et Ryan Murray constituent les deux premiers choix. Selon une rumeur, confirmée par la suite, les recruteurs des Oilers voulaient repêcher le défenseur gaucher Murray, mais le propriétaire de l’équipe Daryl Katz aurait mis son droit de veto en faveur de Yakupov, un joueur plus spectaculaire.

Le Canadien prend le risque de repêcher Galchenyuk même s’il n’a presque pas joué de l’hiver. On voit en lui l’éventuel centre numéro un de l’équipe.

Le robuste défenseur Griffin Reinhart constitue le quatrième choix, par les Islanders de New York. Le DG des Islanders, Garth Snow, aurait offert tous ses choix à Columbus (4e, 34e, 65e, 103e, 125e, 155e et 185e) pour obtenir le deuxième choix et mettre la main sur Murray. Parmi leurs sept choix, incluant le quatrième, un seul est devenu un régulier dans la LNH, dans un rôle marginal, Adam Pelech, choisi en troisième ronde. Snow a toutefois échangé Reinhart quelques années plus tard et obtenu deux choix qui lui ont permis de repêcher Mathew Barzal et Anthony Beauvillier.

Filip Forsberg et Teuvo Teravainen doivent attendre plus longtemps que prévu. Forsberg est repêché au 11e rang par les Capitals de Washington et Teravainen au 18e rang seulement par Chicago.

Au début de la deuxième ronde, le Canadien repêche l’ailier Sebastian Collberg, pressenti par plusieurs comme un choix de première ronde après un gros Championnat mondial des moins de 18 ans. Le défenseur Dalton Thrower, robuste à souhait, a impressionné Marc Bergevin lors de l’une de ses visites de recrutement dans l’Ouest canadien. Il constitue le deuxième choix de la seconde ronde. Après Tim Bozon et Brady Vail, le CH repêche en cinquième ronde Charles Hudon, des Saguenéens de Chicoutimi, même si son rendement offensif a stagné par rapport à la saison précédente.

QUELQUES CITATIONS

Honnêtement, Trevor m’impressionne de plus en plus. Je ne le connaissais qu’un peu avant d’arriver à Montréal, mais plus on passe du temps ensemble, plus il m’impressionne. C’est une bonne tête de hockey, c’est un homme qui respecte les gens qui travaillent avec lui, il sollicite les opinions de tout le monde et ce n’est pas gris avec lui. C’est noir ou blanc, et j’aime ça. »

Marc Bergevin, avant le repêchage, quelques semaines après avoir confirmé le maintenir en poste.

Je ne le vois pas comme un petit joueur à 5 pi 11. Il a un grand potentiel et je le vois comme l’un des attaquants les plus talentueux à ce repêchage.

Trevor Timmins, à propos de Teuvo Teravainen, un rare joueur dont il commente le potentiel avant le repêchage.

On ne bâtit pas d’équipe solide sans de bons joueurs de centre. Pour nous, c’était le choix logique. C’est un gros centre avec du talent, une vision du jeu et du caractère. Ce genre de joueur est quasiment impossible à aller chercher. Je l’ai vu dans son regard : le hockey est la chose la plus importante pour Alexander et rien ne va l’empêcher de devenir un joueur. J’ai eu ce sentiment dès le Combine à Toronto, et sa venue à Brossard n’a fait que le renforcer. Quand il est parti, j’ai regardé Trevor. C’était notre homme.

Marc Bergevin, après avoir repêché Alex Galchenyuk.

Nous croyons qu’il deviendra un centre au sein de nos deux premiers trios, a indiqué Trevor Timmins. Mais il est jeune, il a raté une saison de hockey, alors ne lui mettez pas de pression pour qu’il se taille une place dans l’équipe dès l’automne.

-Trevor Timmins, après avoir repêché Alex Galchenyuk.

Au Championnat du monde junior, Sebastian a joué un plus grand rôle que Filip Forberg. Physiquement, il est bâti dans le même moule que Daniel Alfredsson. C’est un marqueur qui joue avec beaucoup d’énergie et se démarque par son coup de patin. Il est toujours sur la rondelle.

Trevor Timmins, à propos du choix de deuxième ronde Sebastian Collberg.

LA SUITE

Quelle part de blâme doit prendre le joueur pour la déconfiture de sa carrière ? Alex Galchenyuk n’est jamais devenu le centre tant espéré. Ses lacunes en défense et son manque de rigueur en zone défensive ont exaspéré tour à tour ses entraîneurs Michel Therrien et Claude Julien. Ses frasques nocturnes (ou matinales ? ) sont documentées.

Ses talents de marqueur ne font cependant pas de toute, comme en témoigne sa saison de 30 buts et 56 points en 2015-2016, à seulement 22 ans.

Galchenyuk aurait connu trois saisons consécutives de 50 points ou plus n’eut été d’une blessure au genou subie en décembre 2016. Il avait d’ailleurs amassé 23 points à ses 24 premiers matchs, en route vers une saison de 78 points.

Le rendement de Galchenyuk a dégringolé par la suite. En juin 2018, il était échangé aux Coyotes de l’Arizona pour Max Domi. Il a changé deux fois d’équipe depuis. Il joue désormais pour le Wild du Minnesota, à l’aube de son autonomie complète, avec une production de 24 points en 59 matchs à Pittsburgh et au Minnesota. Il demeure néanmoins à ce jour le deuxième compteur de sa cuvée, derrière Filip Forsberg, avec 320 points en 549 matchs.

Yakupov a constitué un flop total. Il peine même aujourd’hui à s’accrocher à une place dans la KHL, en Russie. Ryan Murray est efficace à Columbus au sein de la deuxième paire, mais presque toujours blessé. Le quatrième choix, Griffin Reinhart, a disputé 37 matchs en carrière dans la LNH. Les 8e et 10e choix, Derrick Pouliot (Pittsburgh) et Slater Koekkoek (Tampa), sont des défenseurs marginaux.

Teravainen, échangé bêtement aux Hurricanes par les Blackhawks il y a quelques années pour alléger leur masse salariale, était en voie de réussir une deuxième saison consécutive de 75 points. Il est le seul joueur de la cuvée à avoir atteint ce plateau. Il est désormais à 64 points de Forsberg et du premier rang des compteurs chez les joueurs repêchés en 2012. Il pourrait le rattraper d’ici quelques années s’il poursuit au même rythme.

Si le repêchage était à refaire, le défenseur Morgan Rielly, repêché au cinquième rang par Toronto, serait sans doute le premier choix. Teravainen, Forsberg, Andrei Vasilevskiy, Tomas Hertl et Hampus Lindholm ne seraient pas loin. Rielly a obtenu 72 points l’an dernier.

« Oui, je l’aimais beaucoup, me confiait Marc Bergevin en entrevue ce printemps. Mais je venais d’être embauché le 2 mai, et mon nouveau staff aimait beaucoup Alex Galchenyuk. J’étais avec Chicago cette saison-là, et on repêchait plus tard. On ne perdait pas notre temps avec Galchenyuk, qui allait probablement être choisi parmi les premiers ; en plus, il n’avait presque pas joué cet hiver-là. Je regardais notre situation au centre, on avait [David] Desharnais, [Tomas] Plekanec, et Chucky était considéré comme un centre. Tu entres en poste, tu n’as pas vu jouer Galchenyuk et tu vas les forcer à prendre un autre joueur ? Ça commence bien une relation. J’ai laissé choisir. En plus, j’étais d’accord, je savais qu’on avait besoin de joueurs de centre. »

Il y a des années où le Canadien obtient la note de passage pour des récoltes plus maigres. On tient compte des circonstances atténuantes, comme un choix après le 25e rang de la première ronde et l’absence de choix en deuxième et, ou, troisième ronde.

En 2012, le Canadien repêchait au troisième rang, détenait deux choix de deuxième ronde et un choix de troisième. L’équipe n’est peut-être pas responsable de la déconfiture de Galchenyuk, mais il faut tenir compte des résultats. Avec le recul, au moins une quinzaine de joueurs ont plus de valeur que Galchenyuk/Domi.

Collberg n’a jamais été proche de la LNH. Il a au moins servi d’appât pour obtenir Thomas Vanek avant qu’on ne découvre qu’il était un flop. Thrower n’a même pas obtenu de contrat de la part du Canadien. Bozon, victime de la maladie, et Vail, ont eu peine à s’imposer dans la Ligue américaine.

Il y avait pourtant une belle profondeur après le 50e rang : Damon Severson (60e), Jimmy Vesey (68e), Esa Lindell (74e), Shayne Gostisbehere (78e), Oscar Sundqvist (81e), Matt Murray (83e), Matt Grzelcyk (85e), Colton Parayko (86e), Frederik Andersen (87e), Erik Gustavsson (93e), Cedric Paquette (101e), Brett Kulak (105e), Andreas Athanasiou (110e), Jacob Slavin (120e), Connor Hellebuyck (130e), Alexander Kerfoot (150e), Colin Miller (151e) et Connor Brown (156e).

NOTE FINALE : 5/10

Les choix du Canadien

-Alex Galchenyuk, attaquant, 1re ronde, 3e total.

De grandes promesses, une saison de 30 buts, puis la dégringolade.

-Sebastian Collberg, ailier, 2e ronde, 33e total.

Deux saisons modestes dans la Ligue américaine pour le club-école des Islanders avant de rentrer en Suède.

-Dalton Thrower, défenseur, 2e ronde, 51e total.

Un joueur de calibre de la ECHL.

-Tim Bozon, attaquant, 3e ronde, 64e total.

Une méningite a failli l’emporter. Il joue en Suisse aujourd’hui.

-Brady Vail, centre, 4e ronde, 94e total.

Un joueur du calibre de la ECHL.

-Charles Hudon, attaquant, 5e ronde, 122e total.

Le meilleur joueur de la cuvée après Galchenyuk. Tente de s’accrocher à la LNH.

-Erik Nystrom, ailier, 6e ronde, 154e total.

N’a jamais quitté la Suède. Carrière modeste là-bas.

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