On ne vous mentira pas : c’est l’excellent dossier des collègues Cadorette et Dubé, du Journal de Québec, sur le « nouveau » chandail des Nordiques, qui n’a jamais vu le jour, qui nous a un peu inspirés.

On s’est donc mis à fouiller sur les équipes disparues, puis on est tombés sur un de ces trésors dont YouTube regorge : le dernier match des Whalers de Hartford avant leur déménagement en Caroline du Nord. Et puis ça adonne bien : ça se passait un 13 avril (c’était lundi, mais bon) !

Mais voilà, en cette période de ralentissement économique, on se sent mal de partager une vidéo offerte sur l’internet, qui rapportera des sous seulement au géant YouTube, plutôt qu’à des commerçants qui vendent des DVD, par exemple. Alors on amorce des recherches sur tous les bons sites, pour réaliser que le match est introuvable. Dans la description sous la vidéo, il est même écrit : « Ceci est l’unique copie du match en entier que vous trouverez, sur YouTube ou ailleurs. »

On tente de rejoindre la personne derrière le compte YouTube en question pour en savoir plus, sans succès. On essaie donc une dernière piste : John Forslund, le descripteur du match, qui commente encore aujourd’hui les matchs des Hurricanes de la Caroline.

« C’est vrai, ce serait la seule copie. J’avais enregistré le match chez moi sur VHS. Quand je suis parti pour la Caroline, j’ai laissé toutes mes cassettes chez ma mère, dans le sous-sol de sa maison à Springfield. Au début des années 2000, elle a été inondée et j’ai tout perdu. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @CANES

John Forslund

Voilà pour une partie de la réponse. Mais il y a plus. « Personne n’était d’humeur à en garder une copie ! ajoute Forslund. Les gens étaient tristes, et la station [Sports Channel] perdait une propriété sportive. Ce n’était pas une bonne journée. »

Le descripteur avoue d’ailleurs avoir seulement revisionné le match il y a quelques années.

« Pendant longtemps, j’ai eu de la misère à le regarder. Mais je l’ai fait il y a quelques années, justement sur YouTube, et j’étais content de mon travail. Mais je me sentais aussi misérable. »

Folklorique

Forslund donne le ton en ouverture d’émission. « It’s the meaningless game with tremendous meaning », un match sans importance avec une énorme signification. L’équipe de diffusion affiche, en lieu et place de la formation des Whalers pour le match, des trios fictifs composés des meilleurs joueurs de l’histoire du club. Ça donne donc un premier trio Stoughton-Francis-Dineen, avec Hull-Keon-Howe comme deuxième unité.

Sur la glace, Glen Wesley donne l’avance aux Whalers dès la troisième minute. C’est le coup d’envoi d’un après-midi riche en émotions dans un Hartford Coliseum bruyant ce jour-là.

Contrairement au départ des Nordiques deux ans plus tôt, il était déjà su que c’était la fin : la relocalisation était annoncée et l’équipe était exclue des séries éliminatoires. Nombreuses étaient donc les pancartes saluant l’équipe, son histoire et ceux qui ont « saigné vert ».

À la fin du deuxième entracte, les partisans sont tous debout, applaudissant l’équipe qui revient du vestiaire, au son de Brass Bonanza. Des moments qui rappelleront certainement aux partisans des Expos des souvenirs du 29 septembre 2004…

PHOTO TIRÉE DU COMPTE TWITTER @CHRISPETRONE26

Un billet du dernier match des Whalers de Hartford

Malgré ces mauvais souvenirs, un je-ne-sais-quoi nous garde accrochés au match. Il y a bien l’intrigue de voir aller un jeune Roman Hamrlik pour le Lightning de Tampa Bay, un très jeune Paul Maurice derrière le banc des Whalers. La nostalgie d’entendre des noms comme Patrick Poulin, Kevin Haller ou Curtis Leschyshyn.

Il y a un aspect folklorique à se plonger dans une époque où l’accrochage régnait. Les bagarres aussi. D’ailleurs, au premier entracte, l’analyste Bill Gardner déplore le manque de robustesse de ce match entre deux équipes exclues des séries. Devinez ce qui arrive. Une mêlée lors du retour des joueurs sur la patinoire, au terme de laquelle les arbitres chassent Jason Muzzatti… le gardien auxiliaire des Whalers !

Longue fin de match !

On retiendra aussi de ce match qu’il ne semblait pas vouloir finir. Après un arrêt de jeu avec 46 secondes à écouler au match, l’équipe en retard au pointage (on ne vous dit pas laquelle !) demande un temps d’arrêt. Un but dans un filet désert fait ensuite l’objet d’une consultation vidéo. Résultat : ces 46 dernières secondes se jouent en 6 min 50 s ! Les amateurs de basketball n’y verront évidemment rien d’anormal.

« Bill Gardner était bon. Il y a eu du bon travail de caméra. On a laissé le match respirer. On n’a pas toujours parlé, on a laissé parler le bruit de l’aréna. Je suis content de ma phrase du début, énumère John Forslund. Mais c’était horrible, et les gens de Montréal pourront s’identifier à ce moment. J’ai vite appris que les gens de Montréal sont passionnés par leur équipe, à force de couvrir le hockey. Et quand j’étais petit, mon père m’avait amené voir les Expos au parc Jarry pour voir jouer Hank Aaron !

Je sais ce que c’est pour une ville de perdre son équipe. Je me souviens des partisans qui pleuraient quand je les croisais dans le stationnement. Je pense à ceux qui ont perdu leur emploi parce qu’ils ne se sont pas fait offrir de suivre en Caroline.

John Forslund

Malgré la tristesse du moment, Forslund demeure en contrôle de ses émotions tout au long de la diffusion. Après le match, le capitaine Kevin Dineen s’adresse à la foule. Les joueurs reviennent sur la patinoire et lancent des bâtons et des rondelles aux partisans.

Et Geoff Sanderson, lui, lance… son protecteur buccal ! On le sait parce qu’il ne semble pas du tout gêné de le faire devant la caméra.

John Forslund éclate de rire quand on lui rapporte cette séquence. « Non, je ne l’avais jamais remarqué. Ceux qui le connaissent sauront que c’est son genre de faire ça ! »