Il y a toujours un risque à échanger un jeune joueur. Mika Zibanejad venait d’avoir 23 ans lorsque les Sénateurs d’Ottawa l’ont envoyé à New York en retour de Derick Brassard.

Ce sixième choix au total en 2011 n’avait pas un vilain début de carrière.

Il est demeuré en Suède un an après avoir été repêché. Il a obtenu 20 points en 42 matchs à sa première saison à Ottawa, après son rappel de la Ligue américaine. Zibanejad venait de connaître des saisons de 46 et 51 points au moment de la transaction en juin 2016.

Pour les Sénateurs, l’occasion était trop belle de mettre la main sur un centre plus mature et établi. Brassard avait 28 ans, bientôt 29, il venait de Hull, il venait de marquer 27 buts et de connaître des séries éliminatoires exceptionnelles avec les Rangers un an plus tôt. Il allait aussi retrouver son entraîneur des rangs juniors à Drummondville, Guy Boucher.

PHOTO CHARLES LECLAIRE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Derick Brassard

La transaction n’a pas été bien reçue à New York au départ. Brassard était un joueur très populaire, autant dans le vestiaire que chez les fans. Mais les Rangers venaient de subir une élimination hâtive, et nette, aux mains des Penguins de Pittsburgh en première ronde malgré une saison de 101 points.

Jeff Gorton, à sa première année à la succession de Glen Sather, a été visionnaire. Subtilement, il venait de poser la première pierre de sa phase de rajeunissement.

« Nous avions évoqué la possibilité de nous rajeunir et d’ajouter de la vitesse, a déclaré Gorton lors d’une conférence de presse téléphonique le jour de l’échange. Certains s’attendaient à un remaniement important, mais ça n’était pas réaliste. Je n’ai pas le mandat de faire dix changements. Mais nous avions une occasion ici de nous améliorer. (Zibanejad) a un gros potentiel. Son talent n’a pas encore atteint la surface. Il a seulement 23 ans. »

Les Rangers ont reçu en outre un choix de deuxième ronde en 2018 dans l’échange. Ils l’ont envoyé à Detroit un an plus tard pour le joueur de location Brendan Smith, une décision moins glorieuse. Les Wings ont repêché Jonatan Berggren, deux rangs devant Jesse Ylonen et six avant Alexander Romanov, deux choix du Canadien. Mais New York n’en a cure aujourd’hui.

Zibanejad a marqué cinq buts jeudi soir. Il porte ainsi son total à 71 points, dont 38 buts, en 54 matchs. S’il n’avait pas raté une douzaine de matchs, il ne figurerait pas au 13e rang des compteurs de la LNH, mais autour du cinquième rang, près de Nathan MacKinnon et de ses 88 points.

Ce centre droitier de 26 ans compte désormais sur un ailier de premier plan, Artemi Panarin, mais il a obtenu 74 points sans lui l’an dernier.

Zibanejad venait de s’acheter un manoir dans la région d’Ottawa quelques semaines avant l’échange. Pourtant, des chroniqueurs évoquaient déjà la possibilité de le voir quitter.

« On s’attendait à plus de Zibanejad, surtout en l’absence de Kyle Turris, blessé, écrivait Don Brennan, du quotidien Ottawa Sun, en avril 2016. On se demande quelle est sa chaise exactement. Turris sera le premier centre l’an prochain, et Jean-Gabriel Pageau peut jouer un rôle plus offensif. Les Sénateurs doivent-ils tenter d’acquérir un centre gaucher capable de marquer ? Donnent-ils une chance à l’espoir Colin White de jouer dès 2016-2017 ? Déplacent-ils Zibanejad à l’aile ou dans une autre ville ? Si Ottawa effectue les changements promis par Eugene Melnyk, quelqu’un sera échangé. Zibanejad peut encore devenir un grand joueur, mais après quatre ans d’attente, je me demande s’il a bien fait de s’acheter une nouvelle maison… »

Les Sénateurs venaient de rater les séries. Le DG, Pierre Dorion, cherchait un moyen de se qualifier rapidement. Dès cette saison-là, Ottawa a surpris en atteignant le carré d’as. Les Sénateurs étaient à un but en prolongation dans le septième match contre les Penguins d’atteindre la finale.

Après une saison régulière décevante de 39 points, dont 14 buts, Brassard a totalisé 11 points, dont quatre buts, en 19 matchs, dans un rôle plus modeste, derrière Turris et Pageau.

Moins de deux ans après la transaction, il était échangé aux Golden Knights de Vegas dans une transaction à trois équipes avec les Penguins de Pittsburgh.

Rien ne laissait présager une telle baisse de régime de la part de Brassard. Mais Zibanejad avait encore un potentiel inexploité. Même à 23 ans…

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Guillaume Lefrançois s’est fait plaisir ce matin. Il a profité de notre dossier sur les défaites pour parler de son dada, la lutte, en retraçant le parcours de l’un des faire-valoir les plus célèbres de l’histoire. Sa passion transpire d’ailleurs de son texte !