Pour certains, Jesperi Kotkaniemi inquiète déjà. Son renvoi dans la Ligue américaine, à 19 ans, sonnerait l’alarme. Ses détracteurs en sont désormais convaincus : le Canadien a fait le mauvais choix au troisième rang du repêchage de 2018. Or, le passé nous le prouve, il faut attendre plusieurs saisons avant de porter un jugement définitif sur la valeur d’un jeune joueur.

Et vous avez ici l’un des plus grands admirateurs du jeu de Quinn Hughes, repêché au septième rang, un défenseur dont le Canadien ne pouvait se passer avec son choix de première ronde, écrivais-je plusieurs semaines avant le fameux repêchage. Et je maintiens toujours cette affirmation. Mais pas au point de dénigrer Kotkaniemi, dont le potentiel demeure toujours très élevé.

Hughes a été repêché septième par les Canucks de Vancouver, mais on compare surtout Kotkaniemi à Brady Tkachuk, repêché un rang plus tard, au quatrième, par les Sénateurs d’Ottawa. Le jeune homme de 20 ans a 38 points en 64 matchs cette saison et s’impose physiquement.

PHOTO TIMOTHY T. LUDWIG, USA TODAY SPORTS

Brady Tkachuk

La course est peut-être entamée, mais il s’agit ici d’un marathon. Le repêchage de 2011 nous servira de modèle d’analyse. Ryan Nugent-Hopkins, Gabriel Landeskog et Jonathan Huberdeau avaient constitué les trois premiers choix.

Jetons un coup d’œil aux statistiques des principaux élus cette année-là après trois ans. Pas un an, pas deux, trois ans. Pour les joueurs repêchés en 2018, il s’agirait de faire un bilan à la fin de la saison 2020-2021.

Deux joueurs dominaient le paysage, Landeskog, avec 65 points en 81 matchs, et Ondrej Palat, un obscur choix de septième ronde du Lightning, avec 59 points en 81 rencontres. Suivaient dans l’ordre, au chapitre du nombre de points par match, Nugent-Hopkins, des Oilers, et Brandon Saad, un choix de deuxième ronde des Blackhawks de Chicago.

Si Jonathan Huberdeau avait eu le malheur d’être repêché à Montréal, on aurait hurlé au meurtre. Le jeune homme venait au 12e rang parmi les joueurs de sa cuvée avec seulement 28 points en 69 matchs. En terme de points par match, il était aussi devancé par Ryan Strome, Andrew Shaw, Sven Baertschi et Tomas Jurco. À sa première saison, Huberdeau avait pourtant remporté le trophée Calder remis à la recrue par excellence dans la LNH.

Neuf ans plus tard, Jurco et Baertschi jouent dans la Ligue américaine. Shaw a connu sa meilleure saison en carrière l’an dernier à Montréal avec 47 points en 63 matchs, mais il n’a jamais atteint la marque des 50. Saad a 29 points cette saison.

Landeskog demeure un excellent joueur. Mais il a surpassé sa marque de 65 points une seule fois. Il a 31 points en 46 matchs cette saison.

Huberdeau a amassé 77 points en 63 matchs à sa fiche cette année, en route vers une première saison de 100 points. Il en avait obtenu 92 l’an dernier.

À Tampa, si on avait demandé aux fans du Lightning de faire un choix entre Nikita Kucherov, le choix de deuxième ronde du club, et Ondrej Palat, tous auraient probablement opté pour Palat. Kucherov avait obtenu 18 points, dont 9 buts, en 52 matchs, après avoir été rappelé du Crunch de Syracuse. Palat, lui, n’avait pas eu à passer par la Ligue américaine. Kucherov allait avoir 21 ans quelques mois après cette saison.

PHOTO KATHY WILLENS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Nikita Kucherov et Ondrej Palat

Neuf ans plus tard, Kucherov est de loin le meilleur producteur de points de cette cuvée. Johnny Gaudreau, des Flames de Calgary, encore dans la NCAA trois ans après avoir été repêché en quatrième ronde, vient au deuxième rang en terme de points par match.

William Karlsson, Phillip Danault et Jean-Gabriel Pageau, n’étaient pas dans la LNH eux non plus trois ans après ce repêchage. Ils ont évidemment coiffé au fil les Jurco, Jenner, Saad et même Palat de ce monde.

Kotkaniemi a obtenu un 11e point en autant de matchs avec le Rocket de Laval mercredi soir. Ses détracteurs ont trouvé le moyen de noter sa perte d’équilibre sur son superbe jeu à l’endroit de Charles Hudon. Un adversaire venait pourtant de lui planter la lame de son bâton dans les patins alors qu’il coupait vers le filet. 11 points en 11 matchs dans la Ligue américaine. Le kid est encore d’âge junior, rappelons-le.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Jesperi Kotkaniemi

Jusqu’où son potentiel le mènera-t-il ? Un Aleksander Barkov, clament les plus optimiste ; un Mikko Koivu, espèrent d’autres ; au mieux un Lars Eller, affirmait mon collègue Richard Labbé mercredi soir sur Twitter. Les avis sont très partagés, de tout évidence.

Il faudra attendre. Même au-delà de l’année prochaine, comme nous le rappelle l’analyse du repêchage de 2011. Au même titre, il faudra attendre, par souci de rigueur, avant de se vanter d’avoir floué les Golden Knights avec Nick Suzuki et non pas Cody Glass dans l’échange de Max Pacioretty, même si Suzuki nous enflamme. Glass a encore le temps de devenir un joueur dominant même s’il a été renvoyé dans la Ligue américaine cet hiver.

Et de grâce, ces prochaines années, cessons les comparaisons entre Kotkaniemi et Tkachuk. Ils n’ont pas le même âge même s’ils ont été repêchés la même année. Un mois sépare d’ailleurs Nick Suzuki, né en août 1999, de Tkachuk, né en septembre 1999. Kotkaniemi est né 10 mois après Tkachuk.

À cet âge, la différence est énorme. Parlez-en à Huberdeau, qui concédait presque huit mois à Landeskog au moment d’être repêché, ou à Kucherov, l’un des plus jeunes joueurs de cette cuvée, étant né en juin…

Après trois ans

(Entre parenthèses, le rang de sélection, puis le nombre de points/matchs, et enfin la moyenne de points par match)

1- (2) Gabriel Landeskog 65/81 (0,80)
2- (208) Ondrej Palat 59/81 (0,73)
3- (1) Ryan Nugent-Hopkins 24/40 (0,60)
4- (43) Brandon Saad 47/78 (0,60)
5- (7) Mark Scheifele 34/63 (0,54)
6- (5) Ryan Strome 18/37 (0,49)
6- (139) Andrew Shaw 39/80 (0,49)
8- (6) Mika Zibanejad 33/69 (0,48)
8- (8) Sean Couturier 39/82 (0,48)
10- (13) Sven Baertschi 11/26 (0,42)
10- (35) Tomas Jurco 15/36 (0,42)
12- (3) Jonathan Huberdeau 28/69 (0,41)
13- (37) Boone Jenner 29/72 (0,40)
14- (58) Nikita Kucherov 18/52 (0,35)
15- (30) Rickard Rakell 4/18 (0,22)
16- (15) J.T. Miller 6/30 (0,20)

Cette saison

(Entre parenthèses, le rang de sélection, puis le nombre de points/matchs, et enfin la moyenne de points par match)

1- Nikita Kucherov 76 points (1,25)
2- Mika Zibanejad 61 points (1,24)
3- Jonathan Huberdeau 77 points (1,22)
4- Mark Scheifele 68 points (1,05)
5- J.T. Miller 63 points (1,02)
6- Ryan Strome 55 points (0,89)
7- Ryan Nugent-Hopkins 50 points (0,88)
8- Sean Couturier 55 points (0,87)
9- *Johnny Gaudreau 53 points (0,82) - NCAA en 2013-2014
10- *William Karlsson 40 points (0,71) - SUÈDE en 2013-2014
11- *Jean-Gabriel Pageau 41 points (0,67) - LAH en 2013-2014
12- Gabriel Landeskog 30 points (0,66)
13- *Phillip Danault 42 points (0,65) - LAH en 2013-2014
14- Ondrej Palat 39 points (0,63)

Moyenne en carrière

(Entre parenthèses, le rang de sélection, puis le nombre de points/matchs et enfin la moyenne de points par match)

1- Nikita Kucherov (1,05)
2- *Johnny Gaudreau (0,87) - NCAA en 2013-2014
3- Mark Scheifele (0,86)
4- Jonathan Huberdeau (0,82)
5- Gabriel Landeskog (0,71)
6- Ryan Nugent-Hopkins (0,72)
7- Mika Zibanejad (0,69)
8- Ondrej Palat (0,67)
9- Rickard Rakell (0,63)
10- Sean Couturier (0,62)
11- J.T. Miller (0,60)
12- Brandon Saad (0,59)
13- *William Karlsson (0,56) - SUÈDE
14- Ryan Strome (0,52)
15- *Phillip Danault (0,51) – LAH en 2013-2014
16- Sven Baertschi (0,47)
17- Boone Jenner (0,46)
18- Tomas Jurco (0,24)

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