« Plus tu as de dards, plus tu as de chances d’atteindre [la cible]. »

La phrase est de Marc Bergevin. C’est sa stratégie pour relancer le Canadien. Acquérir des choix au repêchage plutôt que des joueurs établis.

Un tiens vaut moins que deux tu l’auras.

C’est risqué. Rien ne garantit que des choix de 2e, 3e, 4e, 5e, 6e ou 7e tour évolueront dans la LNH. C’est même le contraire. Après la 60e sélection, seulement 20 % des joueurs disputent plus de 50 matchs dans la ligue. Le plan repose donc en partie sur la chance. Marc Bergevin l’a d’ailleurs reconnu lundi en conférence de presse.

« Des équipes qui ont fini dans le fond pendant plusieurs années ont eu des choix [élevés] et sont encore à la même place. Il n’y a pas de recette magique. Moi, je ne vais pas au casino. Mais si tu joues au black jack, tu joues les [probabilités]. On essaie [le plus possible] de mettre les chances de notre côté. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA LNH

Marc Bergevin et Trevor Timmins

D’où l’accumulation de choix. Plus il y en a, meilleures sont les chances qu’un espoir perce et réussisse à rejoindre rapidement le noyau de vétérans à Montréal.

« As-tu une vision du temps que ça prendra ? », a demandé un journaliste. « Non, je n’en ai pas », a répondu candidement Marc Bergevin.

Alors, êtes-vous rassurés ?

Moi non plus.

Et nous ne sommes pas les seuls inquiets. Lundi, plusieurs anciens joueurs du Canadien ont critiqué sévèrement les orientations de l’équipe. Notamment José Théodore, Benoit Brunet et Guy Carbonneau. Appelé à commenter le plan de Bergevin à RDS, Carbonneau a répondu, sèchement : « Le plan ? Quel plan ? »

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Marc Bergevin est directeur général du Canadien depuis 2012. Au cours des huit dernières années, il a gagné presque toutes ses transactions. Mais il a souvent mordu la poussière au repêchage. D’où le scepticisme généralisé à propos de sa stratégie.

Jeudi dernier, aucun joueur repêché sous sa direction n’était en uniforme contre les Capitals de Washington. Pourquoi ? Parce que la plupart des espoirs sous contrat ont connu une saison difficile et se retrouvent dans la Ligue américaine. C’est le cas entre autres du joyau de l’organisation, Jesperi Kotkaniemi, troisième choix au total en 2018.

Marc Bergevin a profité de sa tribune lundi pour défendre son bilan. Il a plaidé que le repêchage n’est pas une science exacte.

Est-ce qu’on a fait des bons choix dans le passé ? Ma réponse est oui. […] Est-ce qu’il y a des endroits où ça n’a pas fonctionné ? Oui. Je peux te montrer beaucoup d’équipes pour lesquelles ça n’a pas fonctionné […].

Marc Bergevin

« Du côté du développement non plus, je ne suis pas prêt à [les blâmer]. Pourquoi [deux joueurs] à qui tu donnes les mêmes outils, [un] se rend dans la LNH et l’autre, pas ? Ils ont les mêmes instructeurs. Les mêmes repas. Le même autobus. Souvent, c’est le joueur qui ne se développe pas. C’est difficile. Je dis tout le temps, dans toutes les rondes, il y a des joueurs. On doit les trouver. […] Il y a beaucoup de chance là-dedans. »

« Je le sais que c’est dur pour les partisans, et même pour vous [les journalistes] de comprendre. Mais quand tu es assis à une table de repêchage et que tu regardes les noms passer, souvent, il faut que tu sois chanceux aussi. »

La chance, la chance, encore la chance.

Le mot-clé de cette conférence de presse.

Et franchement pas celui qui inspire le plus confiance.

L’excuse a grandement déplu à l’ancien gardien José Théodore, qui s’est montré cinglant envers Marc Bergevin au micro du 91,9 Sport.

« Marc dit : il y a beaucoup d’équipes qui se sont trompées [au repêchage], qui ont eu des joueurs qui n’ont pas réussi à percer. Ça, c’est l’équivalent que je donne deux ou trois mauvais buts et que je te dis, regarde à Los Angeles, le gardien a aussi donné un mauvais but. Si je donne trop de mauvais buts, je vais être sur le banc. Arrête de trouver une excuse ! […] Je m’en fous des autres. Nos choix de première ronde, on n’en a pratiquement pas qui ont performé et joué pour le Canadien. »

LES CHOIX DE PREMIER TOUR DU CH DEPUIS 2012

2012 : Alex Galchenyuk, échangé contre Max Domi

2013 : Michael McCarron, échangé contre Laurent Dauphin

2014 : Nikita Scherbak, perdu au ballottage

2015 : Noah Juulsen, dans la Ligue américaine (blessé)

2016 : Mikhaïl Sergachev, échangé contre Jonathan Drouin

2017 : Ryan Poehling, dans la Ligue américaine

2018 : Jesperi Kotkaniemi, dans la Ligue américaine

2019 : Cole Caufield, dans la NCAA

José Théodore a raison. Le Canadien doit reconnaître ses erreurs. Ne plus les répéter. Surtout pas l’été prochain, alors que l’équipe possédera 14 choix à la suite des transferts d’Andrew Shaw, Ilya Kovalchuk, Nicolas Deslauriers, Marco Scandella et Matthew Peca.

Quant au responsable du repêchage chez le Canadien, Trevor Timmins, il aura intérêt à atteindre quelques fois le bull’s-eye. Parce qu’on devine que s’il rate son coup, la prochaine fois, c’est quelqu’un d’autre qui lancera les « dards ».