Le verdict de l’amateur au bout du fil était sans pitié. « J’ai commencé à suivre le hockey à l’époque où les Sabres s’appelaient les Bisons. Et je n’ai jamais été aussi déçu. »

Ce partisan, qui exprimait mercredi matin ses doléances aux anciens joueurs Andrew Peters et Craig Rivet sur les ondes de WGR 550, rejoignait essentiellement les internautes qui ont répondu aux Sabres sur Twitter, après une rude défaite de 5-2 aux mains des Sénateurs d’Ottawa, mardi.

Morceaux choisis parmi les 261 réponses au tweet des Sabres annonçant leur défaite. « Si Botts [Jason Botterill, le directeur général] n’est pas congédié après cela, je refuse de regarder vos matchs jusqu’à ce que ce soit fait », écrit l’un d’eux.

« Le hockey des Sabres de Buffalo est de retour ! », ajoute un autre, plus sarcastique. « Cette équipe a réussi à rendre indifférent un des bassins de partisans les plus fidèles », gazouille un internaute.

Bienvenue à Buffalo, une ville passionnée de hockey, mais où les Sabres sont en voie de rater les séries pour une neuvième année d’affilée.

Un noyau sans expérience

Marcus Johansson a du vécu. L’attaquant de 29 ans compte 631 matchs dans la LNH, à Washington, au New Jersey, à Boston et maintenant à Buffalo. À ses trois arrêts précédents, il a participé aux séries chaque année, sauf une fois à Washington.

PHOTO JEROME MIRON, USA TODAY SPORTS

Marcus Johansson

Johansson est arrivé chez les Sabres l’été dernier. Et visiblement, il découvre une réalité qu’il n’a jamais connue ailleurs.

« On jouait bien avant la pause, on perd notre match en revenant et tout d’un coup, les gens, les médias commencent à être durs avec nous et nous remettent en question, s’étonnait Johansson, rencontré après l’entraînement de mercredi. On doit rester positifs, et on le fait. Hier, un journaliste me faisait remarquer que la ville n’y croyait plus. Mais nous, on y croit. »

Les joueurs peuvent bien dire qu’ils y croient, mais bien peu ont vécu les expériences positives de Johansson. Personne dans le vestiaire des Sabres n’a joué davantage en séries que le Suédois, qui compte 94 matchs éliminatoires derrière la cravate. Les seuls autres avec une expérience appréciable sont Conor Sheary (57 matchs), Michael Frolik (47 matchs) et Colin Miller (30 matchs).

Et les joueurs d’impact, eux ? Jack Eichel : aucun match en séries. Sam Reinhart : zéro. Idem pour les vétérans Jeff Skinner et Rasmus Ristolainen. Le même chiffre pour Rasmus Dahlin, mais le jeune prodige est arrivé l’an dernier.

Ça fait donc beaucoup de joueurs qui n’ont guère d’expérience positive dans la LNH.

« C’est évident que tu traînes toujours ton passé avec toi dans la vie, a reconnu l’entraîneur-chef des Sabres, Ralph Krueger, dans la menue salle de conférence du KeyBank Center. Mais on doit se servir de notre passé comme d’un outil pour mieux accomplir notre tâche. »

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L’entraîneur-chef des Sabres, Ralph Krueger

« On essaie toujours d’aller de l’avant, mais les gens vont nous ramener au passé. C’est normal, c’est la nature du sport. Mais la bonne approche pour nos joueurs serait de passer plus de temps dans le moment présent que ce qu’ils ont fait par le passé. C’est un exercice mental. On y travaille constamment avec eux. Ce groupe va dans la bonne direction. »

Une culture à changer

En début de saison, pour un portrait de Krueger, presque tous les joueurs - anciens ou actuels - interrogés par La Presse avaient souligné le grand optimisme de l’entraîneur-chef des Sabres. Ils ne mentaient clairement pas.

La défaite de mardi a pourtant été douloureuse. Les Sabres ont passé la semaine de relâche à égalité avec le Canadien avec 51 points, mais avec 49 matchs joués (contre 51 pour le CH). Ils étaient donc en situation périlleuse, mais les matchs en main et la fiche de 5-3-0 avant la pause étaient sources d’espoir.

Invité à revenir sur la défaite de mardi, Krueger a répondu comme seul lui sait le faire. « Il nous reste un dernier segment de 33 matchs et on sait ce qu’on doit faire. La défaite ne change pas le nombre de matchs qu’on doit gagner. Ça change simplement le nombre de matchs qu’on peut se permettre de perdre. »

L’optimisme de Krueger est essentiel dans cet environnement. Comment oublier les propos de Ryan O’Reilly en avril 2018, qui avait déclaré avoir perdu son « amour du hockey » à plusieurs reprises au cours de la saison ? « Ça semble correct de perdre et on est pris avec cette mentalité », ajoutera-t-il.

Trois mois plus tard, les Sabres l’échangeront à St. Louis, contre trois joueurs et deux choix au repêchage dont l’effet ne s’est pas encore fait sentir. Le grand centre, lui, a gagné la Coupe Stanley et les trophées Conn-Smythe et Selke en juin dernier.

O’Reilly parti, le groupe tombe maintenant entre les mains d’Eichel, le joueur de concession repêché au 2e rang en 2015. Avec 63 points en 49 matchs cette saison, sa contribution sur la patinoire est plus qu’adéquate. Mais à titre de capitaine, son mandat est nettement plus large.

« Je ne vous cacherai pas que nous aimons tous avoir de bonnes statistiques. Les gens nous évaluent selon nos buts et nos passes, a admis Eichel. Mais quand tu es le meneur de l’équipe, tu dois aider à tous les niveaux. Ça va au-delà des buts et des passes. C’est aussi une question d’attitude et de travail. Pour moi, la statistique la plus importante demeure les victoires et les défaites. »

« On tente de changer la culture. On n’a pas participé aux séries depuis longtemps. Mais on reste unis et solidaires. On doit y croire. »

Comme on l’a vu avec O’Reilly, le risque de désaffection des joueurs est bien réel. Mais il y a aussi celui des partisans. Mardi, on a annoncé une foule de 16 651 spectateurs, pour une équipe dont la moyenne s’est longtemps portée autour des 18 500 par match, selon ESPN. Cette saison, la moyenne se chiffre à 17 160, et la fin du calendrier n’augure rien de bon.