Reconstruire ou pas ?

Telle est la question. Celle qui divise les partisans du Canadien. Dans le camp du Oui, on cite les succès des Penguins de Pittsburgh. Dans le camp du Non, on rappelle les échecs répétés des Oilers d’Edmonton. Le centre mou ? Inexistant.

Qui a raison ? Qui a tort ?

Analysons le parcours des équipes qui sont passées par là. Depuis le lock-out de 2004, j’en ai recensé 21. Toutes répondaient aux critères suivants :

1. Au moins trois saisons consécutives sans participer aux séries éliminatoires ;

2. Au moins un choix au repêchage parmi les cinq premiers* ;

3. Les séquences amorcées lors d’un repêchage d’expansion sont exclues.

Bilan ?

50-50. La moitié a réussi. L’autre a échoué. Ce qui ne résout pas notre débat, j’en conviens. Mais l’exercice n’est pas futile. Il nous apprend entre autres que la durée moyenne d’une reconstruction est de six saisons. Et que les équipes de tête ont presque toutes remporté la loterie pour obtenir le premier choix.

Voici le palmarès des reconstructions, de la pire à la meilleure.

Entre parenthèses : les années où l’équipe a été exclue des séries éliminatoires.

21. Panthers de la Floride (2001 à 2011)

Noyau de jeunes au moment du retour en séries : Dmitri Kulikov, Erik Gudbranson

Les gourous des technos disent : « Fail fast, fail often. » Plantez-vous vite, plantez-vous souvent. Question d’apprendre rapidement de ses erreurs. Ce qu’ont fait les Panthers. Ils se sont plantés vite. Et souvent. Après 10 saisons, 7 entraîneurs-chefs et 6 directeurs généraux, ils ont finalement accédé aux séries. Ça a duré… une ronde. Puis ils ont amorcé un nouveau processus.

20. Oilers d’Edmonton (2007 à 2016)

Noyau : Connor McDavid, Leon Draisaitl, Darnell Nurse, Ryan Nugent-Hopkins
Nombre de premiers choix au total depuis 2007 : 4
Nombre de rondes en séries depuis 2007 : 2

Pitoyable. Deux grands espoirs, Nail Yakupov et Jesse Puljujärvi, ont même quitté l’équipe avant leur 22e anniversaire. Maintenant, le tandem McDavid-Draisaitl a encore du temps devant lui. C’est pourquoi j’ai placé les Oilers devant les Panthers.

19. Sabres de Buffalo (2012 à 2019)

Noyau : Jack Eichel, Rasmus Dahlin, Sam Reinhart

Les fondations sont solides. Mais les murs sont en papier de soie – et les calorifères surchauffent. Ça sent le roussi. Après huit ans de misère, rien n’indique que les Sabres participeront bientôt aux séries. Encore moins qu’ils deviendront une puissance. Inquiétant.

18. Devils du New Jersey (2013 à 2017)

Noyau : Nico Hischier, Pavel Zacha, Jesper Bratt

Entre 2013 et 2016, les Devils ont gaspillé des choix à la douzaine. Depuis, ils tournent en rond. Ils ont tenté de s’en sortir en acquérant Taylor Hall, P.K. Subban et Nikita Gusev. Sans succès. Les voilà destinés à une nouvelle reconstruction.

17. Coyotes de Phoenix/Arizona (2013 à 2019)

Noyau : Clayton Keller, Jakob Chychrun

En 2015, avec le troisième choix, les Coyotes ont préféré Dylan Strome à Mitchell Marner et à Mikko Rantanen. Une erreur colossale, qui a retardé leur progression. Après sept saisons, ils retrouvent (enfin) le chemin des séries.

16. Blue Jackets de Columbus (2010 à 2013)

Noyau : Ryan Johansen, Ryan Murray, Boone Jenner

Pendant quatre ans, les Blue Jackets ont touché le fond. Ils sont remontés à la surface le temps d’une série… puis ont coulé de nouveau aussitôt. C’est cette deuxième chute qui leur a permis de repêcher deux piliers de la formation actuelle, Pierre-Luc Dubois et Zach Werenski. L’équipe a acquis des vétérans sur le marché des transactions afin d’accélérer la reconstruction. Avec un certain succès – l’équipe s’est qualifiée lors des trois dernières saisons.

15. Hurricanes de la Caroline (2010 à 2018)

Noyau : Andrei Svechnikov, Sebastian Aho, Martin Necas

Les Hurricanes ont très bien repêché. Alors pourquoi sont-ils restés neuf saisons hors des séries ? Parce qu’ils ont été incapables de combler leurs lacunes avec des joueurs autonomes de premier plan. Ils sont maintenant sur la bonne voie.

14. Panthers de la Floride (2013 à 2015)

PHOTO ANNE-MARIE SORVIN, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Jonathan Huberdeau

Noyau : Jonathan Huberdeau, Aleksander Barkov, Aaron Ekblad, Vincent Trocheck, Mike Matheson

Les jeunes premiers des Panthers sont sortis des blocs de départ en force en 2016. Une saison de 103 points. Depuis ? Le club fait du surplace. Mais tout n’est pas perdu. Le noyau est intact et bien appuyé par un solide groupe de vétérans (Bobrovsky, Hoffman, Dadonov).

13. Canucks de Vancouver (2016 à 2019)

Noyau : Elias Pettersson, Brock Boeser, Quinn Hughes, Jake Virtanen

Une situation semblable à celle des Panthers. Des jeunes très doués, un immense potentiel, mais toujours pas de résultats. Pour prétendre à la Coupe Stanley, les Canucks devront probablement entourer leurs joyaux de vétérans de qualité.

12. Islanders de New York (2008 à 2012)

Noyau : John Tavares, Anders Lee, Travis Hamonic, Josh Bailey

Encore un club qui a très bien repêché : 15 joueurs des séances de 2008 et 2009 ont atteint la LNH. Mais la mayonnaise n’a jamais pris entre les espoirs et les vétérans. Depuis leur retour en séries, les Islanders ont disputé six rondes en sept ans.

11. Flames de Calgary (2010 à 2014)

Noyau : Sean Monahan, Johnny Gaudreau

Une courte reconstruction a permis aux Flames d’obtenir trois participations aux séries, en plus d’une saison de 107 points l’an dernier. Sauf que le pipeline du repêchage se tarit. Du renfort externe sera nécessaire pour se rendre plus loin.

10. Coyotes de Phoenix (2003 à 2009)

Noyau : Kyle Turris, Martin Hanzal, Keith Yandle

Un cas d’exception. Blake Wheeler (5e, 2004) a refusé de signer un contrat. Kyle Turris (3e, 2007) est parti à 22 ans après une grève. Ce sont les vétérans qui ont ramené l’équipe en séries : cinq rondes – dont une demi-finale – en trois ans.

9. Thrashers d’Atlanta/Jets de Winnipeg (2008 à 2014)

Noyau : Mark Scheifele, Jacob Trouba, Evander Kane

Après la reconstruction, les Jets ont disputé cinq rondes des séries en autant d’années, dont une demi-finale. Il leur reste encore des piliers de cette reconstruction.

8. Maple Leafs de Toronto (2006 à 2016)

Noyau : Auston Matthews, Morgan Rielly, Mitchell Marner

Je triche un peu ici, car les Maple Leafs ont participé aux séries de justesse lors de la saison écourtée (2013). La reconstruction s’est faite en deux temps. D’abord avec Phil Kessel et Nazem Kadri. Puis avec la cuvée actuelle, qui vient d’enchaîner des saisons de 96, 105 et 100 points.

7. Avalanche du Colorado (2011 à 2013, 2015 à 2017)

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Nathan MacKinnon

Noyau : Nathan MacKinnon, Gabriel Landeskog, Ryan O’Reilly, Matt Duchene, Tyson Barrie, Mikko Rantanen (2e période)

Encore une reconstruction en deux temps. Le noyau ci-dessus a mené l’Avalanche à une saison de 112 points en 2014. L’équipe a ensuite décliné pendant trois ans. Ça lui a permis de refaire le plein d’espoirs (Cale Makar, Bowen Byram). Aujourd’hui, le club est un sérieux prétendant à la Coupe Stanley.

6. Blues de St. Louis (2006 à 2008)

Noyau : Alex Pietrangelo, David Perron, T.J. Oshie

Une très courte léthargie a permis aux Blues de repêcher huit titulaires en trois ans. Ce groupe a permis aux Blues de participer aux séries six fois de suite. Pietrangelo était le capitaine lors de la conquête de la Coupe Stanley, l’hiver dernier.

5. Lightning de Tampa Bay (2008 à 2010)

Noyau : Steven Stamkos, Victor Hedman

La franchise qui a le mieux réussi sa reconstruction… sans gagner la Coupe Stanley. Au cours de la dernière décennie, le Lightning a disputé 14 rondes des séries, 4 demi-finales, une finale et réussi 5 saisons de plus de 100 points.

4. Kings de Los Angeles (2003 à 2009)

Noyau : Drew Doughty, Anze Kopitar, Brayden Schenn, Wayne Simmonds, Jonathan Bernier, Alec Martinez

Des années de grande foison – 14 joueurs repêchés ces années-là ont disputé plus de 300 matchs. Cette profondeur a permis aux Kings d’échanger des espoirs contre des joueurs de qualité. Une stratégie payante : le club a remporté deux championnats.

3. Capitals de Washington (2004 à 2007)

Noyau : Alexander Ovechkin, Nicklas Backstrom, Mike Green, Alex Semin

Gagner la loterie, ça ne change pas le monde, sauf que… Ça a permis aux Capitals de mettre la main sur Ovechkin. On connaît la suite : 11 participations aux séries en 12 ans, et une Coupe Stanley.

2. Blackhawks de Chicago (2003 à 2008)

Noyau : Jonathan Toews, Patrick Kane, Kris Versteeg, Brent Seabrook, Andrew Ladd, Corey Crawford, Dustin Byfuglien

Un gain à la loterie (Kane). D’excellents repêchages. Des échanges judicieux. L’embauche de Marian Hossa comme joueur autonome. Ça a donné trois championnats et cinq participations à la finale.

1. Penguins de Pittsburgh (2002 à 2006)

PHOTO CHARLES LECLAIRE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Sidney Crosby a gagné trois fois la Coupe Stanley avec les Penguins de Pittsburgh.

Noyau : Sidney Crosby, Kristopher Letang, Evgeni Malkin, Marc-André Fleury, Maxime Talbot

Le plus bel exemple d’une reconstruction. L’équipe a profité de très bonnes années de repêchage. Mais aussi – avouons-le – d’un coup de chance en remportant la loterie pour obtenir Sidney Crosby. Ça aide. Avec l’ajout de vétérans de qualité, les Penguins ont gagné trois fois la Coupe Stanley et n’ont jamais raté les séries depuis 2006.

* Trois clubs sont exclus : les Stars de Dallas (2009-2013), le Wild du Minnesota (2009-2012) et les Red Wings de Detroit (2017-2019), qui n’ont jamais terminé assez bas au classement pour repêcher parmi les cinq premiers.