(Detroit) Qui ne se souvient pas de la fameuse envolée lyrique de Michel Therrien pendant son séjour chez les Penguins de Pittsburgh ? Vous savez, ce point de presse où il avait suggéré d’amputer le chèque de paye de ses joueurs de moitié « parce qu’ils jouent seulement 50 % du temps » ?

Therrien avait également défendu l’hypothèse selon laquelle sa brigade défensive avait pour but d’être « la pire brigade défensive de la ligue ». L’entraîneur-chef avait vu juste : sa défense avait permis, cette saison-là, 310 buts, ce qui est à ce jour un record de médiocrité du millénaire dans la LNH.

Dommage que Jeff Blashill n’ait pas le sens du théâtre de Therrien, car on aurait pu avoir droit à quelques perles cette saison. L’entraîneur-chef des Red Wings de Detroit dirige en effet une formation qui pourrait être l’une des pires de l’histoire récente de la LNH. En quoi ? Deux données ressortent.

Les Wings ont accordé 165 buts en 43 matchs. En projetant ce chiffre sur 82 matchs, on arrive à 314 buts, soit 4 de plus que les Penguins de 2005-2006.

Ils présentent une fiche de 10-30-3 pour 23 points en 43 matchs. En appliquant la même règle de trois, on arrive à une saison de 44 points. Dans une saison de 82 matchs ou plus, seulement six équipes en ont amassé si peu dans l’histoire de la LNH : 

– les Sharks et les Sénateurs de 1992-1993 (24 points)
– les Sénateurs de 1993-1994 (37 points)
– les Thrashers de 1999-2000 (39 points)
– les Sénateurs de 1995-1996 (41 points)
– le Lightning de 1997-1998 (44 points)

Malgré cette situation difficile, c’est un Jeff Blashill de bonne humeur qui s’est présenté devant les médias, à l’issue de l’entraînement optionnel des Red Wings, lundi midi, à la veille du match contre le Canadien. « J’ai attendu quelques minutes, je pensais que vous alliez vous tanner de m’attendre ! », a-t-il lancé à la blague, en se présentant devant la demi-douzaine de journalistes.

Blashill a toutefois retrouvé son sérieux quand on lui a demandé si la fiche peu flatteuse de l’équipe constituait une source de motivation, ou au contraire une sorte de tabou, un sujet que l’on évite.

« Ni l’un ni l’autre. C’est… la dure réalité que l’on doit affronter, a-t-il dit, pesant ses mots. Mais on doit s’assurer d’en tirer des leçons. Je n’ai pas regardé notre fiche depuis un bout de temps. J’essaie de me lever chaque matin, apprendre de la veille et m’améliorer aujourd’hui. C’est mon approche en tant qu’entraîneur.

« Il faut arriver ici, combattre la frustration et être en mode solutions. On ne peut rien changer à ce qui s’est passé hier, sauf en tirer des leçons. »

Quel impact sur le développement ?

Si ce n’était tous ces vétérans à l’infirmerie, la direction des Wings aurait pu être aux prises avec un beau dilemme.

L’équipe est exclue de la course aux séries éliminatoires depuis essentiellement le début de novembre, tandis que le club-école de Grand Rapids est toujours dans la lutte dans la Ligue américaine. Il aurait pu être tentant d’y laisser les jeunes à un niveau inférieur, afin qu’ils disputent des matchs avec un enjeu réel.

Mais voilà, avec toutes ces blessures, Filip Zadina a été rappelé et il profite pleinement de sa chance. En 18 matchs, le premier choix des Wings en 2018 (6e au total) compte 10 points. Dimanche, à Chicago, Blashill l’a employé pendant près de 20 minutes.

« Ma confiance a toujours été au même niveau. Je gagne en confiance ici, mais j’ai toujours été un gars assez confiant en ses moyens. Je gagne surtout de l’expérience », a expliqué l’ancien attaquant des Mooseheads d’Halifax.

L’autre Filip – Hronek – en profite aussi au maximum. À sa deuxième saison dans la LNH, le défenseur de 22 ans est déjà le joueur le plus utilisé de son équipe, à 23 min 30 s par match. Il compte 23 points en 41 matchs, avec un différentiel de – 18, par contre.

Cette même question du développement pourrait se poser sous peu à Montréal. Pendant que le Canadien s’éloigne de jour en jour d’une place en séries, le Rocket demeure dans le coup. Jouer au sein d’une équipe qui en arrache peut-il nuire au développement des joueurs ?

Chaque situation est différente. Si notre culture était toxique, ça pourrait être dommageable. Mais je ne vois pas ça ici. Les gars travaillent très fort à l’entraînement, au gymnase et dans les matchs. Cet environnement aide nos jeunes à observer des modèles de travail de qui s’inspirer.

 Jeff Blashill, entraîneur-chef des Red Wings de Detroit

« Perdre, ça craint, ce n’est pas facile, mais ça donne aussi des occasions et ça peut aider le développement, a dit Blashill. L’important, quand les joueurs obtiennent des occasions avant qu’ils soient réellement prêts à les obtenir, c’est qu’ils soient durs mentalement. S’ils ne le sont pas, ça va les gruger de l’intérieur. Hronek est très dur mentalement, il s’améliore constamment, et Zadina montre un peu ça aussi. »

Avec l’arrivée de Steve Yzerman comme directeur général l’été dernier, les Wings plongent dans un processus de reconstruction relativement assumé. Si la tendance se maintient, l’équipe aura les meilleures chances d’obtenir le tout premier choix au prochain repêchage, et peut-être mettre la main sur Alexis Lafrenière.

Le Championnat du monde junior, où Lafrenière s’est éclaté, a d’ailleurs été source d’espoir pour les partisans des Wings. Ils y ont notamment vu les défenseurs Moritz Seider (6e choix au total en 2019) et Jared McIsaac (36e en 2018) ainsi que l’attaquant Joseph Veleno (30e en 2018) y connaître du succès.