Le nom de Jonathan Brunelle sera toujours associé à celui de Brendan Gallagher

À chaque nouvel exploit de Brendan Gallagher, Jonathan Brunelle a un sourire espiègle. Des analystes avaient déchiré leur chemise lors du repêchage de 2010 en réalisant que le Canadien lui avait préféré un petit attaquant inconnu de Vancouver au cinquième tour. Brunelle avait mal encaissé le coup lui aussi ce jour-là. Dix ans plus tard, avec une carrière stimulante dans le domaine des finances, Jonathan Brunelle se permet d’apprécier d’un œil particulier les performances de l’attaquant le plus prolifique du CH…

Jonathan Brunelle était rempli d’espoir à l’aube du repêchage de la Ligue nationale en 2010. Il avait été interviewé par une dizaine d’équipes et avait même participé aux essais privés du Canadien au Complexe Bell de Brossard dans les semaines ayant précédé l’événement.

Au point que cet attaquant des Voltigeurs de Drummondville s’est rendu sur place, à Los Angeles, avec ses parents et son jeune frère de 7 ans, Léo.

« Je faisais partie d’une organisation gagnante à Drummondville avec Guy Boucher, j’avais de bons modèles autour de moi, Dany Massé, Yannick Riendeau, Mike Hoffman, Dimitry Kulikov, Jake Allen et Gabriel Dumont, je sentais que je me développais rapidement. J’ai eu une très bonne année avec 23 buts. J’étais classé au 105rang chez les joueurs nord-américains, tu fais des calculs, tu arrives à peu près à la quatrième ou cinquième ronde. »

Le jeune homme originaire de Boisbriand espérait aussi être repêché par le club de son enfance, le Canadien, avec lequel il avait eu de bons rapports.

« Je voyais des recruteurs du Canadien régulièrement à nos matchs, Dany Massé avait signé un contrat avec eux sans avoir été repêché, Gabriel Dumont avait été repêché par l’équipe, Guy Boucher venait de se joindre à eux, j’avais l’impression qu’ils étaient proches. »

Montréal utilise ses deux choix de quatrième ronde pour repêcher Mark MacMillan, de la BCHL, en Colombie-Britannique, et Morgan Ellis, des Screaming Eagles du Cap-Breton dans la LHJMQ. L’anxiété commence à monter. « Je me disais que si le Canadien gardait son choix de cinquième tour, j’avais peut-être une chance. »

Brunelle est cruellement déçu. Au 147e rang, le Canadien opte pour un petit attaquant des Giants de Vancouver, Brendan Gallagher, pourtant classé 174e sur la liste nord-américaine de la LNH. « Ça m’a donné un coup parce que je ne savais pas qui était Brendan Gallagher à l’époque. C’est sûr que j’aurais aimé entendre mon nom, comme n’importe quel petit gars qui s’attend à sortir en cinquième ronde. »

Ironiquement, Gallagher n’avait pas cru bon de se rendre à Los Angeles pour le repêchage. Il a regardé l’évènement à la télé chez lui, à Tsawwassen, en Colombie-Britannique. Il mangeait un sandwich et une soupe lorsqu’il a appris, par un appel de son agent, que le Canadien l’avait repêché pendant une pause publicitaire…

Quand le nom du dernier joueur repêché, au 210rang, Zach Trotman, a été prononcé par l’organisation des Bruins de Boston, Brunelle n’avait toujours pas été choisi. Il n’allait pas être repêché. Mais il n’allait pas repartir les mains vides.

« Après le dernier choix, j’étais encore dans les estrades avec mon agent de l’époque, Enrico Ciccone. Trevor Timmins était sur le parquet et il m’a invité à descendre. Il m’a donné un chandail du Canadien avec une casquette et il m’a annoncé que je serais invité au camp de développement des recrues. J’étais déçu, c’est toujours spécial d’être choisi par une équipe, mais le geste était quand même bien apprécié. »

Le débat a fait rage pendant quelques jours dans la Belle Province. Après avoir repêché Louis Leblanc au premier tour et Gabriel Dumont au cinquième tour l’année précédente, le Canadien avait ignoré les Québécois. Au cinquième tour, il fallait choisir le meilleur Québécois encore disponible, Jonathan Brunelle.

« J’ai appris tout ça à mon retour. Des amis de la famille avaient suivi le repêchage à distance. J’ai réécouté les émissions et j’ai eu des échos de ces commentaires-là. »

Une semaine plus tard, Brunelle se présente au camp de développement du Canadien. « J’étais curieux de voir Gallagher, c’est sûr. Mais aussi Mark MacMillan et John Westin, que le Canadien avait choisi en septième ronde. J’avais hâte de me comparer à eux. Gallagher n’était pas le joueur le plus costaud ou impressionnant au premier regard. Mais j’ai été mis en confrontation avec lui dans certains exercices et j’ai vite réalisé que c’est quelque chose de différent, c’était une “bibitte” un peu à part. Je comprenais que le Canadien venait de repêcher un jeune avec énormément de caractère… »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Brendan Gallagher lors du camp des recrues du Canadien en septembre 2010

Brunelle est ensuite invité au camp des recrues en septembre. Il y retrouve P.K. Subban, Ben Maxwell, Max Pacioretty et Gallagher, bien sûr. « Subban, c’était impressionnant. Quelques vétérans ont pratiqué avec nous, dont Hal Gill. C’est sûr que c’est un gros bonhomme. Pacioretty était là aussi. Ça n’était pas une coche, mais deux coches de différence ! »

Après le camp des recrues, Brunelle est renvoyé à Drummondville. « Ils m’ont simplement dit qu’ils n’allaient pas m’offrir de contrat, mais qu’ils allaient continuer à me suivre. De la façon dont mon camp s’était déroulé, ça n’aurait pas été honnête de penser que je méritais un contrat. Ça avait bien été, mais pas assez pour les forcer à me signer. J’espérais connaître une grosse saison et peut-être me positionner ensuite pour l’équipe de la Ligue américaine. »

La suite ne se déroule pas comme le jeune homme l’aurait souhaité. « Ça a été une année difficile, mon année la plus difficile au hockey. L’équipe était en transition, on perdait des gros morceaux et je vivais encore ma déception, ça m’a pris quelques mois avant de mieux jouer. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Brunelle, Gabriel Dumont et Olivier Fortier lors du camp des recrues du CH en 2010

Il dispute une dernière saison au Cap-Breton l’année suivante. Brunelle commence à songer à un plan B. Il n’a pas à s’inquiéter de son avenir académique puisqu’il est un élève modèle, lauréat des prix de joueur-étudiant par excellence au pays.

Le jeune homme opte pour les relations industrielles et le commerce à l’Université McGill, où il jouera aussi pendant trois ans. « Aujourd’hui, je suis conseiller principal en gestion des talents dans une firme de consultation, Mercer. J’aime vraiment ça. C’est un bel emploi, j’apprends beaucoup, je suis content du déroulement des choses. 

« Quand je pense à Brendan Gallagher et à la sélection du Canadien en cinquième ronde, je comprends le débat en ce moment autour des Québécois, mais c’est l’un des exemples où le Canadien a fait le bon choix de ne pas sélectionner un Québécois. »

Si le Canadien avait tourné le dos à Gallagher en cinquième ronde, ce joueur exceptionnel serait rendu où ? Le cœur de l’organisation du Canadien ne serait pas à Montréal. Il en aurait échappé une.

Jonathan Brunelle

Brunelle est sensible à la réalité des hockeyeurs québécois, mais il comprend la réalité des recruteurs.

« C’est devenu très compétitif, le recrutement. Les équipes ont accès à tous les joueurs. C’est dur de bien jouer ses cartes. Je persiste à dire que le meilleur talent devrait être sélectionné en premier, mais en même temps, le hockey au Québec est plus qu’un divertissement, c’est passionnel, c’est institutionnel, d’une certaine façon. Je comprends ces réactions-là, c’est toujours le fun d’entendre un nom québécois dans la formation, d’avoir une entrevue en français, de sentir que c’est un produit de la province qui contribue au Canadien de Montréal. »

L’organisation doit toujours faire un effort pour repêcher des Québécois, mais je ne suis pas certain que je ferais ça au détriment de mettre une équipe compétitive sur la patinoire.

Jonathan Brunelle

Brunelle aime bien se rendre au Centre Bell à l’occasion. « Oui, quand je réussis à mettre la main sur des billets, comme tout le monde ! J’habite au centre-ville maintenant, c’est proche. Je suis un fan de Brendan Gallagher. Je n’ai aucun sentiment négatif par rapport à lui. »

Âgé de 29 ans, ce brillant jeune homme ne dirait pas non un jour à une offre dans le domaine du hockey. « J’ai arrêté de jouer à 25 ans. Quand tu consacres 20 ans de ta vie à un sport, ta passion ne s’efface pas. Je ne sais pas dans quelle mesure ça serait possible, mais si je pouvais faire partie d’une organisation de hockey, j’aimerais beaucoup ça. Je regarde le parcours de Julien BriseBois et Mathieu Darche à Tampa Bay, c’est passionnant. Mais je n’ai pas non plus la prétention de penser que je pourrais aspirer à une carrière comme celle-là du jour au lendemain. »