L’approche de jours importants comme le repêchage entraîne invariablement son lot d’euphémismes et de phrases convenues.

Se concentrer sur ce qu’on peut contrôler, donner le meilleur de soi-même et ne pas mettre la charrue devant les bœufs sont donc autant de vertus qu’on souligne à gros traits chez les meilleurs espoirs.

Dans le cas de Quinton Byfield, tous les superlatifs semblent permis. Lui-même a confié aux représentants des médias, il y a une dizaine de jours, qu’il souhaitait faire le saut dans la LNH dès que possible, et ce, en dépit du fait qu’il vienne tout juste de fêter ses 18 ans.

Son directeur général chez les Wolves de Sudbury, dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL), a indiqué qu’à ses yeux, son poulain mériterait de devenir le tout premier choix au repêchage. Et son actuel entraîneur, Cory Stillman, a confié à La Presse qu’il s’attendait que Byfield, s’il dispute une ultime saison à Sudbury, soit « le meilleur joueur de l’OHL, rien de moins ».

Pour la gestion des attentes, on repassera !

Ces excès d’enthousiasme ne sont pas le fruit du hasard. À déjà 6 pi 4 po et 215 livres – et il peut encore amplement s’étoffer, dit-on –, ce joueur de centre correspond exactement à la définition de l’attaquant de puissance dont rêvent toutes les équipes depuis le premier jour où des patineurs ont commencé à se disputer une rondelle sur une surface glacée.

Son contrôle de rondelle et son jeu physique sont ses principaux attributs, suivis par sa vitesse et son explosion sur patins. Pas étonnant que la centrale de recrutement de la LNH en ait fait son deuxième favori en Amérique du Nord, surpassé seulement par Alexis Lafrenière, de 10 mois son aîné par ailleurs. À moins d’une transaction, les Kings de Los Angeles, qui détiennent le deuxième choix, ou les Sénateurs d’Ottawa (3e) devraient le sélectionner très tôt au premier tour mardi soir.

« Il va devenir une bête », assure André Tourigny, entraîneur-chef des 67s d’Ottawa et entraîneur adjoint de l’équipe canadienne au dernier Mondial junior. Byfield n’a plus vraiment de secrets pour lui, puisqu’il a pu assister en direct à son intégration à la sélection nationale U20 l’hiver dernier et qu’il l’affronte depuis deux ans dans l’OHL.

Il est extrêmement puissant. C’est dur de jouer contre lui.

André Tourigny, entraîneur-chef des 67s d’Ottawa

À seulement 17 ans, Byfield s’est contenté d’un rôle secondaire au sein de l’équipe canadienne, obtenant une mention d’aide en sept matchs. « Ce n’est pas qu’il ne faisait pas bien les choses, mais quand il y a trop de bons joueurs, il faut faire des choix », dit encore l’entraîneur. Selon lui, ses habiletés individuelles ne font absolument aucun doute. La maturité devra maintenant faire son œuvre.

« C’est un gars qui compétitionne beaucoup, qui apporte beaucoup d’énergie. Il va apprendre à canaliser ses efforts », prédit-il.

Constance

Vétéran ayant disputé plus de 1000 matchs dans la LNH et remporté deux Coupes Stanley, Cory Stillman sait parfaitement bien ce qui attend ses joueurs destinés à la proverbiale meilleure ligue du monde.

Le message qu’il leur livre est simple dans son expression, mais lourd de sens dans son application.

« Il leur faut jouer avec constance, dit-il. Tous les joueurs sont différents, et il y a plusieurs sentiers à emprunter. Certains passeront directement dans la LNH à 18 ans, d’autres prendront la route des mineures. Mais peu importe, il faut savoir qui on est et jouer de la manière dont on est censé jouer soir après soir. »

La constance, Quinton Byfield l’a certainement trouvée dans sa production offensive. À sa première saison à Sudbury, il a inscrit 61 points en 64 rencontres pour prendre la tête des marqueurs de son équipe.

La saison suivante, en 2019-2020, il a explosé avec 82 points en seulement 45 matchs.

« Quand un gars comme lui a ce gabarit, cette vitesse et ces mains, il faut lui donner le moins possible de temps ou d’espace. À la seconde où il a pris le dessus, on est cuit », a analysé Jamie Drysdale, défenseur nord-américain le mieux coté en vue du repêchage 2020, lors d’une vidéoconférence. Drysdale en sait quelque chose : les deux Ontariens s’affrontent depuis leurs tout premiers coups de patin !

Byfield a également séduit les recruteurs par son utilisation dans toutes les situations. Sa responsabilité dans sa zone est un atout en désavantage numérique, tandis que son gabarit et ses habiletés le servent bien en avantage numérique.

C’est notre valeur sûre [go-to guy]. Il veut constamment être celui qui fait la différence.

Cory Stillman, entraîneur-chef des Wolves de Sudbury

Son efficacité au cercle de mise au jeu devra être peaufinée, reconnaît l’entraîneur, après avoir marqué une pause pour nommer des faiblesses chez son protégé.

Tout cela étant dit, malgré tout l’optimisme entourant Quinton Byfield, Stillman insiste : il devra gagner ses galons.

Sa future équipe ne se fera certainement pas prier pour lui en donner la chance.