Brian Boyle est un vétéran aguerri de 35 ans qui compte 13 saisons d’ancienneté dans la LNH et qui a grandi en banlieue de Boston.

Après avoir vu la vidéo de la mort de George Floyd, Boyle a voulu s’exprimer. L’attaquant des Panthers de la Floride hésitait cependant à le faire, parce qu’il ignorait comment y parvenir sans provoquer de controverse. Il a éventuellement appelé son ex-coéquipier J. T. Brown pour lui poser quelques questions — et écouter. Brown est un joueur noir âgé de 29 ans, et le seul jusqu’ici à avoir manifesté contre la discrimination raciale et la brutalité policière pendant les hymnes nationaux d’un match de la LNH, en 2017.

Les deux hommes ont discuté de la manière dont la mort de Floyd a affecté Brown.

« J’étais en quelque sorte pendu à ses lèvres, a dit Boyle, un joueur blanc. Je ne comprends pas la douleur. Je n’ai jamais vécu ce genre de douleur. »

Le décès de Floyd a secoué plusieurs ligues professionnelles, dont les ligues européennes de soccer et la NFL. Il a aussi affecté la série NASCAR qui, comme la LNH, compte une majorité d’athlètes et de partisans blancs.

Les joueurs de la LNH n’ont pas l’habitude de se prononcer sur des enjeux de société, peut-être à cause du passé « traditionnel » du hockey. Personne ne s’est levé après le scandale impliquant Akim Aliu, même si Devante Smith-Pelly et Wayne Simmonds ont joint leurs voix à celles de nombreux autres joueurs qui ont publiquement partagé leur expérience avec le racisme dans le hockey.

Cette fois-ci, la culture du silence a été brisée — même s’il s’agit d’une ligue composée à 95 % de joueurs blancs.

Sidney Crosby, Connor McDavid et plus de 100 joueurs ont diffusé des communiqués dans lesquels ils dénonçaient la discrimination raciale, tout en admettant qu’ils jouissent d’un certain privilège, et confiaient vouloir s’éduquer sur cet enjeu.

« Nous devons nous impliquer autant que les athlètes noirs dans cette lutte, a dit le capitaine des Jets de Winnipeg Blake Wheeler. Ça ne pas être leur combat, uniquement. »

C’était le genre de réponse qu’espérait l’attaquant des Sharks de San Jose Evander Kane lorsqu’il a demandé aux joueurs blancs de s’exprimer sur cet enjeu.

« Les gens, je crois, sont plus attentifs », a noté Kim Davis, la vice-présidente et directrice de l’impact social, des initiatives de croissance et des affaires législatives de la LNH. Embauchée en 2017, l’Afro-Américaine se rapporte directement au commissaire Gary Bettman.

« Ces choses ne datent pas d’hier la veille, mais je crois que la pandémie de la COVID-19 a conscientisé plusieurs personnes à la pandémie raciale, a dit Davis. Prendre le temps de s’arrêter, d’être témoin pendant neuf minutes, d’un policier qui écrase le cou de quelqu’un jusqu’à lui enlever la vie… c’est l’humanité qui te dit que quelque chose ne va pas.

Je crois que c’est la raison pour laquelle les gens s’expriment. Je crois que c’est la raison pour laquelle les hockeyeurs s’expriment également », a renchéri Davis.

Depuis que Willie O’Ree a fracassé la barrière raciale en 1958, le hockey a été ponctué de gestes racistes. Dans la dernière décennie uniquement, Simmonds a reçu une pelure de banane, tandis que P. K. Subban et Joel Ward ont fait l’objet de commentaires racistes sur les réseaux sociaux après avoir inscrit des buts victorieux en séries éliminatoires. Smith-Pelly a été insulté alors qu’il était au cachot. Et en avril dernier, un pirate informatique a publié des insultes racistes des centaines de fois à l’intention de l’espoir des Rangers de New York K’Andre Miller, alors qu’il participait à une vidéoconférence pendant la pandémie de coronavirus.

Le hockey amateur et junior est aussi marqué d’histoires semblables, même si ses dirigeants plaident constamment pour la diversité dans le sport.

L’ex-gardien de but du Canadien, Ben Scrivens, a mentionné qu’il a obtenu « une bonne dose de cynisme » lorsqu’il a entendu plusieurs de ses collègues blancs s’exprimer contre le racisme, après autant de temps. Il a néanmoins confié que c’était une bonne chose, parce que les joueurs « ne pourront plus jamais plaider l’ignorance ».

« Le fait qu’ils s’expriment sur le sujet est un bon point de départ, a confié Scrivens, maintenant retraité. Ça signifie aussi qu’ils seront responsables de leurs commentaires, à compter de maintenant. »