La dynastie du Canadien des années 70, le hockey ultra-offensif des années 80, le bon vieux temps des six équipes : autant d’époques qui font rêver les nostalgiques parmi les amateurs de hockey. C’est probablement encore plus vrai dans un marché comme Montréal, avec un club qui n’a rien gagné depuis 27 ans.

Mais la nostalgie des lecteurs de La Presse surpasse les attentes ! Ainsi, c’est Georges Vézina qui a remporté notre scrutin pour déterminer quel devrait être le prochain chandail retiré au Centre Bell.

Vézina, dont la carrière avec le CH s’est étendue de 1910 à 1925, est celui qui est apparu le plus souvent sur les 10 777 bulletins de vote qui ont été soumis.

Vézina a été choisi sur 61 % des bulletins. Il a devancé Toe Blake (52 %), un autre qui a joué quelque peu avant l’arrivée de la télé couleur.

Parmi les joueurs de l’époque plus récente, Guy Carbonneau (45 %) a reçu le plus de votes, devant Andrei Markov (32 %) et Saku Koivu (20 %).

« Vézina était le troisième gardien de l’histoire du Canadien, car il est arrivé à la deuxième saison. Mais c’était le premier gardien étoile de l’équipe, rappelle Michel Vigneault, chargé de cours à l’UQAM au département de science de l’activité physique et historien du sport.

« Et il s’est fait tirer l’oreille pour venir à Montréal, car il ne voulait pas quitter Chicoutimi. Pour le convaincre, ils l’ont fait venir avec son frère. C’était un genre d’attrape-nigaud. Vézina était bien chez lui à Chicoutimi, il ne voulait rien savoir de Montréal. Quand tu venais de l’extérieur, Montréal, ça faisait peur. Vous allez perdre votre religion, votre langue. Il ne voyait pas l’utilité de venir à Montréal pour seulement trois mois de hockey. »

Il passera finalement 15 ans dans la métropole. De 1917, date de la fondation de la LNH, jusqu’à la fin de sa carrière en 1925, il a montré une fiche de 103 victoires, 81 défaites et 5 matchs nuls. Il a remporté la Coupe Stanley en 1916 et en 1924.

Ses exploits, puis sa mort tragique à 39 ans des suites de la tuberculose, ont fait en sorte qu’un trophée portant son nom est remis depuis 1927 au meilleur gardien dans la LNH.

La fascination des gardiens

Notre confrère André Duchesne, de la section des Arts, avait signé en 2008 Le Canadien : un siècle de hockey. L’histoire du CH, il la connaît sur le bout de ses doigts. Il suffit d’entendre, en discutant des résultats, son vibrant plaidoyer pour Jack Laviolette, bon dernier du scrutin avec 16 % des voies.

« C’est un des fondateurs de l’équipe, un grand homme. La première année, il était fondateur, capitaine et gérant. C’est un immense représentant du Canadien, s’emporte Duchesne. Des articles sur lui, il en a mouillé. C’est lui qui a eu le mandat de former une équipe de Canadiens français. C’est lui qui a recruté Newsy Lalonde. »

Mais aux yeux de Duchesne, ce résultat témoigne d’une réalité que l’on observe encore de nos jours : cette fascination pour le type qui porte un masque (ou pas, selon l’époque) et de grosses jambières.

Dans une perspective plus large, je ne suis pas surpris. Les Québécois ont une relation d’amour fusionnelle avec les gardiens : Plante, Dryden, Roy, Price. Je ne suis pas surpris, et je suis content qu’on ait choisi quelqu’un de cette époque. Ça veut dire que les gens ont un respect pour l’histoire de l’équipe.

André Duchesne

Il y a au Temple de la renommée du hockey 43 joueurs qui ont disputé au moins 100 matchs avec le CH. Du lot, huit étaient des gardiens : Jacques Plante, Patrick Roy, Ken Dryden, Bill Durnan, George Hainsworth, Rogatien Vachon, Georges Vézina et Gump Worsley.

Est-ce à dire que le Canadien a été « gâté » en termes de gardiens au cours de son histoire ?

« Oui. Mais ça fait en sorte qu’on parle très peu des défenseurs devant ces gardiens-là, souligne M. Vigneault. Mis à part Doug Harvey, Butch Bouchard et le “Big Three”, on parle très peu des défenseurs dans l’histoire du Canadien. C’est comme si on les avait oubliés et qu’on a tout concentré sur les gardiens.

« Les gardiens, c’est la dernière défense. T’as un bon gardien, t’as de bonnes chances de gagner, poursuit M. Vigneault. On le voit avec Carey Price, on a un gardien, mais on n’a rien devant lui pour l’aider. Par contre, aux Jeux olympiques, avec de bons joueurs, il a fait un travail extraordinaire. »

Fin de non-recevoir 

Le scrutin était purement ludique et ses résultats n’avaient pas force de loi, évidemment. Dans tous les cas, le Canadien n’a pas l’intention pour l’instant de hisser le numéro 1 de Georges Vézina dans les hauteurs du Centre Bell. « Nous trouvons la perspective des partisans très intéressante. Cependant, nous ne planifions pas procéder au retrait d’un chandail dans un avenir rapproché », a commenté Paul Wilson, vice-président principal, affaires publiques et communications. Un retrait du chandail de Georges Vézina ne changerait rien dans la disponibilité des numéros, puisque le 1 est déjà indisponible. Il a été retiré en 1995, en l’honneur de Jacques Plante. Personne ne l’a donc porté à Montréal depuis Ron Tugnutt.

Méthodologie

Les lecteurs pouvaient cocher plus d’un nom par bulletin, ce qui explique pourquoi le total des résultats excède les 100 %. Notons d’ailleurs que 3 % des lecteurs ont jugé qu’aucune des neuf candidatures que nous avons soumises ne méritait d’avoir son chandail retiré.