La crise mondiale du moment a ceci de particulier qu’elle ramène tous les athlètes sur un pied d’égalité, sans discrimination. Hommes, femmes, amateurs, professionnels, olympiens ou paralympiens : toutes et tous sont coincés à la maison, loin de l’aréna, du court, de la piste.

Elizabeth Giguère ne fait pas exception. La Québécoise de 22 ans passe le temps comme elle le peut, même si elle vient tout juste d’être sacrée meilleure hockeyeuse de la NCAA. Aussi bien dire la meilleure du monde dans son groupe d’âge, puisque le circuit universitaire américain regroupe l’élite des jeunes joueuses de la planète.

Pour elle, le trophée Patty Kazmaier est évidemment un « honneur », qu’elle tient à partager avec son équipe et le programme de l’Université Clarkson, dont elle porte les couleurs depuis trois saisons. « Si tu regardes toutes les personnes qui l’ont gagné avant moi, il y a beaucoup de gros noms, des athlètes qui sont allées aux Olympiques, qui ont eu de grosses carrières », dit-elle.

Mais cette reconnaissance arrive à un bien drôle de moment. Le dévoilement de la gagnante par vidéoconférence, vendredi dernier, était évidemment loin d’un banquet festif, avec embrassades et chute de confettis. Néanmoins, dans son petit cocon au Wisconsin, où elle vit son confinement avec des membres de sa famille et quelques amies, l’attaquante a pu célébrer un peu, alors que ses coéquipières ont pu s’exclamer à l’unisson, elles aussi à distance, lorsque son nom a été prononcé.

L’annulation du tournoi de fin d’année de la NCAA a toutefois mis un point final à l’avant-dernière campagne de Giguère chez les Golden Knigths de Clarkson. Sa prochaine saison, si le calendrier de 2020-2021 est respecté, sera donc sa dernière et coïncidera avec la fin de ses études en administration.

Voilà déjà plusieurs mois qu’il en est question, mais les hockeyeuses nord-américaines n’ont plus de ligue organisée d’envergure vers laquelle se diriger depuis que la Ligue canadienne de hockey féminin a mis la clé sous la porte, l’année dernière, en raison de déboires financiers.

Elizabeth Giguère, bien malgré elle, voit déjà venir ce cul-de-sac. Au terme de son parcours universitaire, elle n’a « aucune idée » de ce qui l’attend, que sa carrière future la mène sur la voie du hockey ou vers un emploi lié à son champ d’études. En cela, l’avenir est un peu « épeurant », dit-elle. Mais elle sait que « ça s’en vient ».

Je ne veux pas que ça s’arrête dans un an. Je veux être encore capable de jouer au hockey, d’avoir du fun. C’est plate pour les filles qu’il n’y ait absolument rien après, alors qu’on est à notre peak, dans la meilleure forme de notre vie. On voudrait juste continuer.

Elizabeth Giguère

Depuis un an, des discussions ont eu lieu entre la Ligue nationale de hockey et l’Association des joueuses professionnelles, la PWHPA. Le milieu du hockey féminin, à la quasi-unanimité, souhaiterait voir la création d’une ligue chapeautée par la LNH. Mais le dossier n’a pas beaucoup avancé au cours des derniers mois.

Même si, de toute façon, elle n’aurait pas encore accès au statut de professionnelle pendant son stage universitaire, la native de Québec se voit devenir une voix forte pour cette cause. « Dans 10 ans, je veux qu’une fille comme moi puisse continuer à jouer. Je vais essayer de pousser pour ça, être là pour qu’on ait une ligue un jour. Il faut qu’on soit reconnues pour ce qu’on fait », dit-elle.

À court terme, elle souhaite toutefois faire contre mauvaise fortune bon cœur en profitant de chaque instant qu’il lui reste chez les Golden Knights.

« Je vais m’amuser et donner tout ce j’ai pour finir en beauté », promet-elle.

Par ailleurs, elle ne détesterait pas recevoir un appel de l’équipe canadienne. Car malgré ses succès, elle n’est pas sous l’égide du programme national – elle a participé aux mondiaux U18 en 2015 puis à quelques camps d’entraînement, sans plus. Elle ne se sent pas « boudée », mais elle assure qu’elle saisira sa chance « quand ils vont [la lui] donner ». « Ça va arriver quand ça va arriver », résume-t-elle.

Étincelante

Ce n’est pas un hasard si Elizabeth Giguère s’est vu décerner le trophée Patty Kazmaier.

Troisième Québécoise à remporter cet honneur, après Ann-Renée Desbiens en 2017 et Sarah Vaillancourt en 2008, elle vient de terminer la saison au troisième rang des marqueuses de division 1, en plus de dominer la colonne des buteuses avec 37 buts en autant de rencontres.

Elle avait été encore plus étincelante la saison précédente, mais elle était autrement mieux entourée chez les Knights, notamment par sa coéquipière Loren Gabel, joueuse par excellence de 2018-2019 dans la NCAA.

Gabel et plusieurs autres éléments-clés étaient toutefois à leurs derniers milles avec l’équipe, et on redoutait le changement de garde à Clarkson. Dans ce contexte, Giguère a senti que c’était à elle de prendre la relève.

De son propre aveu, il a toutefois fallu qu’elle fasse le plein de confiance en soi. Et les choses sont tombées en place pour elle. En témoigne l’écart monumental de points entre sa récolte (66) et celle de sa plus proche poursuivante chez ses coéquipières (38).

Les blessures se sont acharnées sur son équipe en début de campagne. Néanmoins, « beaucoup de filles, pas juste moi, se sont levées », assure-t-elle. La formation a réussi à connaître sa part de succès, s’appropriant le 7e rang au classement national établi par la NCAA.

« Je pense que toutes les filles ont fait quelque chose de plus, ont joué un rôle différent, poursuit Giguère. Notre gardienne de but [Marie-Pier Coulombe] n’avait presque pas joué l’an passé ; là, elle a disputé presque tous les matchs. Elle a été incroyable. »

À l’aile droite du premier trio, Giguère s’est trouvé des talents de marqueuse qu’elle ne se connaissait pas, et ce, même si ses partenaires ont changé pendant presque toute la saison. « C’est arrivé comme ça, je ne sais pas trop ce qui est arrivé, dit-elle en riant. En fin d’année, j’ai été jumelée à Keyla Friesen et Kristy Pidgeon, et ç’a vraiment cliqué. On a toutes les trois fini la saison en feu. »

Pour l’heure, l’attaquante réitère que ses priorités demeurent de conclure son passage à Clarkson avec panache et de continuer à progresser, peu importent ses succès passés.

« Ça peut être des choses aussi simples que de travailler mon lancer, dit-elle. Des choses niaiseuses dont les gens ne comprennent pas qu’on les pratique encore. Mais je veux tout le temps m’améliorer. C’était vrai cette année. Et ce le sera encore l’an prochain. »