(Fort Lauderdale) Un certain soir des années 2000, alors que Marcel Julien s’est rendu au Centre Bell pour y voir jouer le Canadien que dirigeait son fils Claude, son sang n’a fait qu’un tour. Dans l’ascenseur, à côté de lui, se tenait son idole de toujours : Henri Richard.

Trop gêné, il n’a pas osé aborder l’iconique numéro 16. Mais le simple fait d’avoir passé un instant en sa compagnie est resté pour lui un moment mémorable qu’il porte toujours aujourd’hui, à 82 ans.

> Écoutez notre balado hommage à Henri Richard

Claude Julien n’a pu s’empêcher d’avoir une pensée pour son père lorsqu’il a appris la mort d’Henri Richard jeudi matin. Quand le Tricolore l’a embauché comme entraîneur-chef pour une première fois en 2003, Julien s’est fait un devoir de dégotter des souvenirs pour gâter son paternel – notamment un bâton autographié et une photo encadrée, placée bien en évidence au domicile familial des Julien.

« C’était son joueur favori, et de loin ; il n’y avait aucun joueur qu’il aimait plus dans la ligue », a raconté le pilote du Tricolore en après-midi à Fort Lauderdale, où l’équipe profite d’une journée de repos avant son affrontement de samedi contre les Panthers à Sunrise. Claude Julien et son adjoint Kirk Muller ont pris quelques minutes pour rencontrer les médias afin de réagir à la perte de l’un des plus importants joueurs de l’histoire du club, sinon de la LNH.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Claude Julien

Si Richard a laissé l’empreinte d’un géant, c’est en se donnant corps et âme sur la glace en dépit de son petit gabarit. Julien n’hésite pas à désigner Brendan Gallagher comme un héritier du « Pocket Rocket ».

Jeune, l’entraîneur l’a lui-même vu évoluer ; il se souvient d’un petit attaquant « qui joue gros », « qui n’a pas froid aux yeux et qui fonce ». « C’est ce qu’Henri Richard était : un capitaine et un leader », a-t-il ajouté.

Comme Richard a continué à graviter autour l’équipe longtemps après sa retraite, Julien a plusieurs fois eu l’occasion de côtoyer un homme qu’il décrit comme « facile d’approche ». À ses yeux, on ne risque pas de revoir de sitôt un joueur « qui manque de doigts pour mettre toutes ses bagues », clin d’oeil aux 11 Coupes Stanley du disparu.

Humilité

Aux côtés de Claude Julien, Kirk Muller s’est exprimé non seulement comme actuel entraîneur adjoint du Tricolore, mais également comme ex-capitaine (1994-1995).

Une chose qui l’a frappé, en rencontrant les piliers de l’histoire du Canadien comme Henri Richard, son frère Maurice ou encore Jean Béliveau, c’est leur immense humilité.

« Ils étaient présents, mais ne parlaient jamais d’eux ou de leurs Coupes Stanley, s’est étonné "Capitaine Kirk". Ils mettaient l’accent sur les joueurs du moment. Ils étaient derrière nous, ils voulaient qu’on gagne. C’est à ce moment que j’ai senti que je faisais partie du Canadien. J’en tire beaucoup de fierté. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Kirk Muller

Même si les années passent et que les moments les plus glorieux de l’histoire de l’équipe semblent de plus en plus lointains, l’ascendant de ces « légendes » ne se dément pas, estime Muller. Selon lui, les joueurs actuels de l’équipe mesurent pleinement l’ampleur de cet héritage.

Bien en évidence dans les vestiaires du Centre Bell et du complexe d’entraînement de Brossard, le florilège de portraits des plus grands joueurs de l’organisation leur rappelle quotidiennement la présence de ceux qui sont passés avant eux.

« Tu ne peux pas jouer pour le Canadien et ne pas être touché par ces gens, ces moments historiques, avance Muller. Nos joueurs sont très respectueux du passé, ils le comprennent bien. »

« Un vrai champion »

Par l’entremise de son compte Instagram, Tomas Tatar a lui eu une pensée pour Henri Richard. Sous une photo de lui arborant un gilet #16 lors d’une période d’échauffement tenue plus tôt cette saison, le Slovaque a publié, en français et en anglais, un court texte dans lequel il décrit Richard comme « un vrai champion qui jouait avec passion et intensité ». « Henri est encore à ce jour celui à avoir disputé le plus de matchs au sein de l’équipe et le seul joueur de la LNH à avoir gagné 11 coupes Stanley », rappelle-t-il.

Comme le Canadien se trouve toujours en Floride, des membres de l’organisation des Panthers ont eu aussi voulu joindre leur voix à la pluie d’hommages.

À 26 ans, le Québécois Jonathan Huberdeau est évidemment bien trop jeune pour avoir vu jouer celui qui a accroché ses patins en 1975, mais il s’est dit bien conscient de ce qu’il a représenté dans l’histoire du sport au Québec et a tenu à offrir ses sympathies à la famille et aux proches du défunt.

L’entraîneur-chef Joel Quenneville a pour sa part parlé d’un « joueur spécial », qui faisait en sorte que « des choses arrivaient chaque fois qu’il était sur la patinoire ».

Son patron, le directeur général Dale Tallon, a eu la tâche d’affronter Richard pendant quelques saisons, au début des années 70, d’abord avec les Canucks de Vancouver puis avec les Blackhawks de Chicago.

En français, ce Québécois d’expression anglaise a qualifié son ex-rival de « meilleur troisième centre de l’histoire du circuit » et ajouté à quel point il détestait jouer contre lui ou contre Dave Keon, des Maple Leafs de Toronto, « car ils ne nous laissaient jamais d’espace ».

« C’était le meilleur joueur de la ligue sur 200 pieds, a conclu Tallon. Il avait tout : les habiletés, la robustesse, la combativité… C’était un bon joueur, mais aussi une personne exceptionnelle. »